Le projet de LPM 2024-30 reste flou sur l’avenir de l’Aviation légère de l’armée de Terre

Le projet de Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 poserait presque plus de questions qu’il n’apporte de réponses dans la mesure où il se garde d’entrer dans les détails. En tout cas, il est certain que l’armée de Terre, appelée à se « transformer » dans les années à venir, est apparemment la moins bien servie, avec une exécution du programme Scorpion, crucial pour sa modernisation, étalée dans le temps. Au total 1266 véhicules manqueront à l’appel à l’horizon 2030 [dont 60 chars Leclerc revalorisés, 100 Jaguar, 633 Serval et 473 Griffon]

Devant la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a mis en garde contre une lecture « trop scolaire » de ce projet de LPM. Et de justifier le décalage des livraisons attendues dans le cadre de SCORPION par la capacité des industriels concernés ainsi que par la nécessité de financer une hausse substantielle de l’activité des forces.

Si le second argument peut être entendu, ce n’est pas forcément le cas du premier, Nexter, Arquus et Texelis [pour le Serval] ayant toujours tenu leurs objectifs de livraison, y compris en 2020, année marquée par les mesures sanitaires imposées lors de la pandémie de covid-19.

Cela étant, si le programme Scorpion sera décalé, l’armée de Terre gagnera des capacités, notamment en matière de lutte anti-aérienne, avec 12 Serval de lutte anti-drone [Serval LAD] et de 24 Serval MISTRAL d’ici 2030, et de feux dans la profondeur, le remplacement des 9 Lance-roquettes unitaires [LRU] restants par « au moins » 13 nouveaux systèmes ayant été acté [13 autres sont prévus à l’horizon 2035]. En outre, elle devrait gagner des systèmes de drones tactiques [SDT] « Patroller » supplémentaires et mettre l’accent sur la robotisation, avec l’acquisition de robots terrestres et de munitions téléopérées.

Cependant, le sort qui sera fait à l’Aviation légère de l’armée de Terre [ALAT] demande à être précisé… Le rapport mis en annexe du projet de loi indique que celle-ci perdra dix hélicoptères de manoeuvre entre 2023 et 2030 et laisse entendre que ses 24 Cougar seront remplacés [par quoi?] à l’horizon 2035. Et l’on note que la « cible » de NH-90 Caïman TTH passera de 74 à 81, avec 8 appareils de plus pour les forces spéciales [18 au lieu de 10].

Là où le bât blesse, c’est pour les hélicoptères de reconnaissance et d’attaque. Initialement, il était question de porter les 67 Tigre au standard Mk3 [qui correspond à leur rénovation à mi-vie] dans le cadre d’une coopération avec l’Espagne et l’Allemagne. Celle-ci s’étant desistée alors que ce programme était sur le point d’être notifié à Airbus Helicopters, la « cible » a été revue à 42 exemplaires modernisés, avec des premières livraisons prévues en 2029. Et le tout pour 2,8 milliards d’euros.

Pour rappel, le Tigre Mk3 doit notamment être « connecté au sein des systèmes de numérisation du champ de bataille », avec la capacité de diriger des drones et de partager des informations tactiques en temps réel dans la bulle « Scorpion ». Avec un avionique modernisée [avec la suite FlytX de Thales], il sera en mesure de tirer des missiles Akeron LP [ex-missile « haut de trame »] et Mistral.

Lors de l’élaboration du projet de LPM 2024-30, des rumeurs ont laissé entendre que ce programme était menacé. « Beaucoup de choses circulent, qui sont parfois inexactes. L’hélicoptère Tigre continuera de voler jusqu’en 2040/45. Après, le vrai sujet, c’est le saut technologique. J’ai demandé […] aux armées de regarder si ce qui est imaginé pour le standard 3 correspond bien à ce qu’on veut technologiquement », a alors affirmé M. Lecornu, lors d’une audition au Sénat, le 28 février. Et d’ajouter : « Est-ce qu’on n’aura pas un super hélicoptère déjà démodé [avec les drones]? J’assume poser la question publiquement ».

Quoi qu’il en soit, le projet de LPM ne dit pas si le programme Tigre Mk3 sera mené à bien ou pas… Il indique seulement que l’ALAT disposera de 67 Tigre en 2030, comme en 2035, sans dire s’ils seront modernisés. On peut supposer que le document l’aurait précisé si tel devait être le cas… Ou alors, c’est que la réflexion demandée par le ministre est encore en cours.

Quant au programme d’hélicoptère interarmées léger [HIL, encore appelé Guépard], l’ambition initiale était d’en disposer 169 à l’horizon 2030. D’ailleurs, l’ex-ministre des Armées, Florence Parly, avait décidé de l’accélérer afin de permettre les premières livraisons en 2026. Cet appareil doit remplacer les Fennec de l’armée de l’Air & de l’Espace, les Dauphin de la Marine nationale [les Alouette III et les Lynx étant déjà retirés du service] et les Gazelle de l’ALAT.

Or, d’après le projet de LPM, seulement 20 « Guépard » devront avoir été livrés en 2030… Et 70 en 2035, la cible de 169 appareils étant maintenue. Quant aux hélicoptères Gazelle, dont 87 étaient encore en parc en 2021, le texte ne dit rien à leur sujet. Vont-ils être prolongés ou retirés? Les auditions des chefs d’état-major par les parlementaires devraient sans doute fournir quelques éclaircissements.

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