Un député suggère de remplacer le char Leclerc par l’EBMT de Nexter et de Krauss-Maffei Wegmann

Depuis qu’il est apparu sur le champ de bataille [en septembre 1916], voire même avant, le char a régulièrement fait l’objet de débats sur sa pertinence. Surtout depuis la fin de la Guerre Froide, marquée par une réduction des budgets militaires, certains voyant dans leur retrait une source d’économies tout en expliquant qu’il fallait s’adapter en permanence aux « nouvelles menaces », oubliant celles du présent.

En tout cas, les développements récents ont montré que le char de combat reste incontournable [d’ailleurs, les Ukrainiens n’ont cessé d’en réclamer à leurs partenaires occidentaux…]. « Il reste l’un des outils indispensables au combat des trente années à venir » car « utilisé correctement », il « offre des capacités de connectivité et surtout de subsidiarité aux différents niveaux tactiques », a d’ailleurs récemment fait valoir le général Pierre Schill, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], lors d’une audition parlementaire.

Justement, s’agissant des capacités françaises en la matière, il est prévu de remplacer le char Leclerc – dont 200 exemplaires seront portés au standard XLR dans les années à venir – dans le cadre du programme franco-allemand MGCS [Main Ground Combat System / Système principal de combat terrestre], qui se veut un « système de systèmes », à l’horizon 2040 au plus tard.

Or, ce MGCS est actuellement embourbé en raison de désaccords entre les industriels allemands concernés, à savoir Krauss-Maffei Wegmann [associé au français Nexter au sein de la co-entreprise KNDS] et Rheinmetall.

« Je vais devoir avoir une discussion prochainement avec l’Allemagne sur le projet de système de combat terrestre du futur. D’autant plus que nous aurons besoin temporellement de la capacité qui succédera au char Leclerc bien avant le successeur du Rafale, entre 2035 et 2040 », a récemment confié Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, au quotidien Les Échos. Et d’ajouter : « Il y a des enjeux de convergence technologique : je souhaite que le besoin militaire soit la base du cahier des charges industrielles, et non l’inverse. KNDS, entreprise franco-allemande, doit jouer un rôle central dans l’avenir du char de combat ».

Ces tergiversations autour du MGCS ne font pas les affaires de l’armée de Terre… dont le chef d’état-major a évoqué, en novembre dernier, l’éventualité de maintenir les Leclerc jusqu’en 2050, à la condition de revoir « la portée de leur mise à niveau ».

Seulement, et comme l’avait souligné l’ex-député Sereine Mauborgne dans un avis budgétaire remis en octobre 2021, le traitement des obsolescences du char va coûter [très] cher en raison de composants qui ne sont plus produits.

« Aujourd’hui, la résolution de toutes ces ‘obsolescences’ va coûter plusieurs centaines de millions d’euros, en plus des sommes déjà requises pour moderniser une partie du parc au standard XLR, compatible avec le programme Scorpion, en attendant l’aboutissement du programme MGCS », avait avancé Mme Mauborgne. Et de préciser que « lorsqu’une nouvelle obsolescence est répérée », il faut « environ trente-six mois pour y remédier ».

D’où des inquiétudes dont le député Philippe Gosselin [LR] vient de se faire l’écho dans une question écrite adressée au ministère des Armées. Et plus encore, il a suggéré le remplacement du Leclerc par le char E-MBT [Enhanced Main Battle Tank], développé par KNDS.

La nouvelle version de cet E-MBT, présentée lors du dernier salon de l’armement aéroterrestre EuroSatory, est dotée d’une tourelle pouvant accueillir le nouveau canon ASCALON de 140 mm que Nexter est en train de mettre au point, d’une protection active, d’une vétronique basée sur celle de l’EBRC Jaguar [issu du programme Scorpion, ndlr]. En outre, elle pourrait aussi être en mesure de mettre en oeuvre des drones terrestres.

« De plus en plus de voix, experts, parlementaires mais aussi au sein du ministère des armées, s’inquiètent […] de l’impossibilité de conserver l’actuel char Leclerc jusqu’aux années 2040. […] Trop de difficultés seraient en effet persistantes. Devant l’impossibilité de relancer une ligne d’assemblage de Leclerc, la production de l’E-MBT permettrait de maintenir les capacités opérationnelles des régiments de cavalerie française tout en intégrant différentes technologies futures », a ainsi avancé M. Gosselin dans sa question écrite.

Évoquant le canon ASCALON mais aussi le recours de « technologies connues et éprouvées », le coût d’un programme basé sur l’E-MBT resterait « maîtrisé », a également souligné le parlementaire, avant d’avancer un autre argument : celui de la nécessité de repondre à la concurrence sud-coréenne [avec le K-2 Black Panther] et américaine [avec le M1A2 Abrams]. En outre, un tel projet permettrait de répondre à Rheinmetall, qui développe le char KF-51 « Panther » en vue de « torpiller » le MGCS [même si son Pdg s’en défend].

Aussi, M. Gosselin a demandé à M. Lecornu s’il « envisage » une solution basée sur l’E-MBT… Et si tel est le cas, d’en préciser « l’échéance » et les « modalités ». Reste à voir si le ministère des Armées sera réceptif aux arguments en faveur du char imaginé par KNDS… La présentation de la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 pourrait apporter des éléments de réponse.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]