La Marine nationale veut une capacité pour « détruire » les optiques des satellites d’observation hostiles

Si l’espace est la « prolongation évidente du milieu aérien » pour l’aviateur, comme l’avait affirmé le général Philippe Lavigne, ex-chef d’état-major de l’armée de l’Air [CEMAAE], il n’en reste pas moins que ce milieu a toujours intéressé les marins, ne serait-ce que pour la navigation astronomique. Et ce lien s’est encore renforcé avec les avancées de la conquête spatiale, comme le souligne Cols Bleus, le magazine de la Marine nationale.

« L’arrivée du spatial a irrigué tous les secteurs essentiels à la Marine, aux marins et aux opérations navales. Il est indispensable pour le positionnement et la navigation [Galileo, GPS, etc], la météo, la synchronisation des serveurs. Il est fondamental pour se connecter, communiquer et dialoguer avec les unités déployées. Il est essentiel pour observer, se déplacer et, par extension, pour protéger, assurer la sécurité et se défendre », détaille-t-il.

Cependant, toute médaille a son revers… Et les possibilités offertes par l’espace n’y échappent pas dans la mesure des satellites d’observation d’un pays compétiteur sont susceptibles de repérer et de suivre une force navale. En outre, la mise hors service, que ce soit par une attaque informatique ou par des moyens « cinétiques » d’un satellite de telécommunications peut mettre en péril une opération navale.

D’où les exercices de type « retour dans les années 1980 », lesquels consistent à utiliser des technologies utilisées il y a plus de 40 ans afin de se préparer à combattre en se passant des moyens spatiaux.

Cela étant, plus généralement, et comme a eu l’occasion de l’expliquer l’amiral Pierre Vandier, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM] lors d’une audition parlementaire, « le but est de pouvoir continuer à nous battre dans notre milieu en contrant les technologies déployées depuis l’espace ». Pour cela, la capacité d’aveugler les satellites d’observation adverse fait partie des priorités. Un programme a d’ailleurs été lancé à cette fin par la Direction générale de l’armement [DGA].

« Nous avons […] prévu ce que nous pouvons appeler de grands démonstrateurs signaux, consistant en des capacités au sol d’illumination laser de satellites adverses. Je pense que nous n’en sommes pas très loin », a en effet récemment confié Emmanuel Chiva, le Délégué général pour l’armement, aux sénateurs.

Mais l’amiral Vandier, il n’est plus question de seulement éblouir un satellite d’observation adverse… mais de détruire aussi ses optiques. C’est en effet ce qu’il a déclaré dans les pages de Cols Bleus, dans un entretien croisé avec le général Philippe Adam, le Commandant de l’Espace [CDE].

« En termes d’intervention de la mer vers l’espace, les tourelles laser peuvent éblouir ou détruire les optiques des satellites d’observation et sont donc une piste que nous développons », a déclaré le CEMM, qui a par ailleurs d’autres ambitions « spatiales » pour la Marine nationale.

Déjà, deuxième plus grand navire de la Marine après le porte-avions Charles de Gaulle, le Bâtiment d’essais et de mesures [BEM] « Monge » dispose de radars parmi les plus puissants d’Europe, ce qui lui permet de repérer une pièce de 2 euros à 800 kilomètres d’altitude. En septembre 2021, l’amiral Vandier avait donné un aperçu de ses capacités en publiant une photographie de la Station spatiale internationale prise depuis son bord.

Selon le CEMM, il est donc question d’aller plus loin en dotant les radars des Frégates de défense aérienne [FDA] « Chevalier Paul » et « Forbin » d’une capacité de « suivi d’objets en orbite basse » à l’horizon 2030. Ainsi, la Marine nationale renforcera sa contribution à la veille spatiale [« Space Domain Awareness »].

« Au-delà des moyens, il nous faut ainsi assurer la connectivité de nos systèmes de commandement mais aussi disposer de marins spécialistes de l’espace, pour apporter une expertise spatiale dans la préparation du combat naval », a conclu l’amiral Vandier.

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