Paris et Londres vont se coordonner pour assurer une présence aéronavale européenne permanente en Indo-Pacifique

Ces cinq dernières années, et malgré les accords de Lancaster House, signés en novembre 2010, la coopération franco-britannique en matière de défense a connu des hauts et des bas.

Certes, la Royal Air Force a accepté d’appuyer la force Barkhane avec trois hélicoptères de transport lourd CH-47 Chinook au Mali et la Force expéditionnaire commune interarmées [Combined Joint Expeditionary Force – CJEF] a atteint sa pleine capacité opérationnelle. Certes, au niveau industriel, l’initiative « One Complex Weapons » lancée dans le domaine des missiles en s’appuyant sur MBDA, s’est concrétisée…

Mais, dans le même temps, d’autres projets n’ont pas pu aller jusqu’au bout, quand ils n’ont pas été tués dans l’oeuf. Tel a été le cas, par exemple, du projet de drone MALE [Moyenne Altitude Londure Endurance] Telemos, qui devait être développé par BAE Systems et Dassault Aviation. Ou encore des initiatives en matière de combat aérien du futur, Français et Britanniques ayant finalement pris des voies différentes, les premiers avec le SCAF, mené en coopération avec l’Allemagne et l’Espagne, les seconds avec le Tempest, qui réunit les Italiens et… les Japonais.

D’autres programmes n’ont pas avancé aussi vite qu’espéré, comme le Futur Missile Antinavire / Futur Missile de Croisière [FMAN-FMC], appelé à remplacer les missiles SCALP-EG et les missiles antinavires Exocet français et Harpoon britanniques. Et cela en raison, notamment, des remous de l’affaire AUKUS [et celle des sous-marins australiens].

Les échanges entre le président Macron et le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, ce 10 mars, devaient permettre de relancer cette coopération entre les deux pays en matière de défense. Mais lors de la conférence de presse donnée par les deux responsables, peu d’annonces ont été faites [peut-être que la déclaration finale sera plus étoffée…].

Ainsi, selon M. Macron, il est question que les forces françaises et britanniques « renforcent [leurs] capacités communes » et « travaillent davantage à l’interopérabilité opérationnelle, technique et humaine ».

Sur ce point, le locataire de l’Élysée a évoqué une « volonté d’avancer, avec un calendrier ambitieux, sur le futur missile antinavire et le futur missile de croisière, sur l’interopérabilité de nos systèmes aériens futurs respectifs et dans les domaines aussi différents que la maîtrise des fonds marins ou des armes à énergie dirigée ».

S’agissant des fonds marins, la France et le Royaume-Uni ne partent pas de rien puisque ces deux pays ont mené le programme MMCM [Maritime Mines Counter Measures], qui vise à renouveler leurs capacités de lutte anti-mine respectives, via des drones navals.

Par ailleurs, et sans doute afin de prendre le contre-pieds de l’iniative allemande « European Skyshield » [bouclier du ciel européen] lancée dans le cadre de l’Otan, M. Macron a parlé de « penser les termes de la sécurité européenne de demain, avec un cadre juridique et de vraies capacités, pour notre protection antimissile » et de « bâtir ce qui devra advenir après les décisions prises sur New Start », c’est à dire le traité de désarmement russo-américain désormais moribond, après la décision de Moscou de suspendre ses obligations.

De son côté, et sans entrer dans les détails M. Sunak a cité les mêmes points que le président français… « Au cours de la dernière décennie, le Royaume-Uni et la France ont régulièrement été les premier et deuxième contributeurs européens de l’Otan. Nous sommes les seuls alliés européens à être membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et les seules puissances nucléaires de la région. Le Royaume-Uni et la France ont donc la responsabilité de travailler ensemble pour garantir la sécurité de l’Europe », a-t-il d’abord souligné.

Avant son déplacement à Paris, le Premier ministre britannique avait tenu à rappeler que, « au-delà de notre voisinage immédiat, le Royaume-Uni et la France sont également les nations européennes les plus présentes dans l’Indo-Pacifique, une région cruciale pour notre protection et notre prospérité, dont la sécurité est indissociable de celle de l’Europe ».

D’où l’annonce faite par M. Sunak d’une coordination entre Paris et Londres pour maintenir une présence aéronavale européenne permanente dans la région Indo-Pacifique, les porte-avions Charles de Gaulle et HMS Queen Elizabeth [ou HMS Prince of Wales] devant évidemment en constituer « l’épine dorsale ».

La coopération entre les groupes aéronavals de la Marine nationale et la Royal Navy avait été évoquée par Florence Parly et Ben Wallace, alors ministres français et britannique de la Défense, pour le dixième anniversaire des accords de Lancaster House. Ce qui s’était traduit, quelques mois plus tard, par l’exercice Gallic Strike 21, lequel avait réuni le Charles de Gaulle et le HMS Queen Elizabeth, en Méditerranée.

Là, il s’agit donc de coordonner les déploiements, sachant que la Marine nationale ne peut aligner qu’un seul porte-avions… Probablement que cette coopération franco-britannique se portera sur la composition des groupes aéronavals, une frégate française étant susceptible d’intégrer l’escorte du HMS Queen Elizabteh [ou celle du HMS Prince of Wales] et vice-versa.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]