La Russie annonce le déploiement prochain de son nouveau missile stratégique RS-28 « Sarmat »

En avril 2009, dans un discours prononcé à Prague, le président Obama avait estimé que, ayant été les seuls à en avoir utilisé, les États-Unis devaient s’engager « en faveur de la paix et de la sécurité d’un monde sans armes nucléaires ». Et de corriger ensuite : « Je ne suis pas naïf, cet objectif ne sera pas atteint rapidement, peut-être pas de mon vivant ». Et il n’est pas près de l’être…

Si un tel propos a pu avoir quelques échos, notamment en France, où Alain Juppé, Michel Rocard [anciens Premiers ministres], Alain Richard [ancien ministre de la Défense] et le général Bernard Norlain [commandant de la Force aérienne tactique entre 1992 et 1994], publièrent une plaidoyer en faveur du désarmement nucléaire, l’évolution de la situation sécuritaire dans le monde l’a rendu inaudible.

Depuis le discours de Prague, la Corée du Nord a enchaîné les essais nucléaires… Et, aujourd’hui, elle est probablement une puissance dotée. Quant à l’Iran, il disposerait désormais, selon l’Agence internationale de l’énergie atomique [AIEA], d’un stock d’uranium enrichi à 84 % [c’est à dire d’une qualité quasiment militaire]. Ce qui le range parmi les pays dits du « seuil ».

Le Pakistan et l’Inde, qui se tiennent à l’oeil, font progresser leurs arsenaux nucléaires respectifs tandis que la Chine pourrait tripler la taille du sien d’ici 2035, selon une évaluation du Pentagone. En attendant, elle multiplie les vecteurs stratégiques, avec la construction de 300 silos de missiles. Le Royaume-Uni n’est pas en reste : en 2021, il a annoncé son intention d’augmenter de 40% le nombre de ses armes nucléaires.

Dans le même temps, les accords de désarmement, en particulier ceux conclus entre les États-Unis et la Russie, sont désormais caduques. Et le dernier encore en vigueur, le New START, est en très mauvaise posture, après la décision annoncée de Moscou d’en suspendre son application. Cette mesure a en effet été annoncée le 21 février par le président russe, Vladimir Poutine, lors de son discours annuel à la nation. En outre, il a également laissé entendre que la Russie pourrait également effectuer des essais nucléaires si jamais les États-Unis en font de nouveau.

Justement, la veille, selon des informations de CNN, et alors que le président américain, Joe Biden, était en route pour Kiev, la Russie a procédé à un essai de son nouveau missile stratégique intercontinental RS-28 « Sarmat ». Les deux évènements n’étaient pas lié, Moscou ayant prévenu Washington qu’elle s’apprêtait à procéder à ce test, via les canaux dits de « déconfliction ».

Cela étant, rapporte CNN, les responsables américains estiment que cet essai du RS-28 Sarmat s’est soldé par échec… parce que le chef du Kremlin ne l’a pas évoqué publiquement durant son discours, contrairement à ce qu’il fit pour celui effectué en avril 2022, qui avait été un succès. D’ailleurs, les États-Unis purent le constater puisqu’il avait été surveillé par deux avions RC-135 Cobra Ball, dotés de capteurs leur permettant de suivre les trajectoires des missiles balistiques.

En tout cas, ce 23 février, à l’occasion de la Journée du défenseur de la patrie, et quelle qu’elle ait été l’issue de ce test, M. Poutine a annoncé que le RS-28 Sarmat serait déployé dans les prochains mois. « Comme auparavant, nous allons porter une attention accrue au renforcement de notre triade nucléaire », a-t-il assuré.

Pour rappel, et selon ce qu’en dit Moscou, le RS-28 Sarmat [code Otan : SS-X-30] est un missile d’une masse de 200 tonnes, pouvant emporter jusqu’à 15 ogives nucléaires mirvées. Il est possible – M. Poutine l’a en tout cas suggéré – qu’il fasse partie d’un système de bombardement orbital fractionné [OGCh pour Orbital’noi Golovnoi Chasti]. Ce concept, imaginé par l’Union soviétique avant d’être abandonné en 1983, consiste à faire évoluer une arme nucléaire sur une orbite basse afin de déjouer la surveillance des radars du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord [NORAD].

Normalement, le RS-28 Sarmat aurait dû opérationnel en… 2020, afin de remplacer le RS-36M [ou SS-18 « Satan »].

Par ailleurs, M. Poutine a également indiqué que la « production de masse » d’armes hypersoniques Kinzhal [missile aérobalistique] et Zirkon [missile naval] se poursuivait. Or, l’emploi de Kinzhal en Ukraine n’a pas vraiment changé la donne… Ce qui a fait dire au général Thierry Burkhard, le chef d’état-major des armées françaises [CEMA] que ces armes n’avaient pas encore atteint leur « maturité opérationnelle ».

Quoi qu’il en soit, et tous les retours d’expérience [RETEX s’accordent sur un point : avec les déclarations de M. Poutine et les manoeuvres des forces stratégiques russes [la Russie « dévoie » sa dissuasion pour « conduire une agression sous protection nucléaire », dixit le général Burkhard], la guerre en Ukraine a marqué le retour de la rhétorique nucléaire en Europe… « Un tel danger nucléaire n’avait pas été connu depuis l’apogée de la guerre froide », ne cesse d’ailleurs de répéter Antonio Guterres, les secrétaire général des Nations unies.

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