Le renseignement néerlandais accuse un navire russe d’avoir tenté de cartographier des parcs éoliens en mer

En mars 2022, et afin de « ne plus avoir à importer de charbon, de gaz ou de pétrole d’autres pays comme la Russie », les Pays-Bas firent part de leur intention de doubler leur production d’énergie éolienne offshore, celle-ci devant atteindre 21 gigawatts d’ici 2030. Et cela, grâce à la construction de cinq parcs éoliens supplémentaires.

Mais en attendant, les cinq qui sont déjà en activité semblent intéresser Moscou… C’est en effet ce qu’ont révélé le général Jan Swillens, le chef du renseignement militaire néerlandais [MIVD, pour Militaire Inlichtingen- en Veiligheidsdienst] et Erik Akerboomde, le directeur l’AIVD [Algemene Inlichtingen- en Veiligheidsdienst, son équivalent civil], lors de la présentation d’un rapport sur les conséquences de la guerre en Ukraine, publié conjointement par leurs services, ce 20 février.

Ainsi, le général Swillens a affirmé que, « il y a quelques mois », un navire russe [qu’il n’a pas identifié] était entré dans les eaux territoriales néerlandaises « avant d’être détecté » puis « escorté par les garde-côtes et la Marine royale néerlandaise ». Et d’ajouter : « Ce que nous avons vu ces derniers mois, c’est que des acteurs russes essaient de comprendre comment l’approvisionnement énergétique en mer du Nord est organisé, avec l’intention de le perturber ».

L’officier n’a pas donné plus de détails, si ce n’est que cet incident a « clairement montré que le menace contre les Pays-Bas n’est pas aussi éloignée qu’on le pensait »…

Et le rapport en question n’en a pas dit davantage. Si ce n’est que la Russie « cartographie secrètement » l’infractructure néerlandaise « vitale » en mer du Nord, comme les câbles de télécommunications, les gazoducs et les parcs éoliens, lesquels « peuvent être vulnérables au sabotage ». « Nous sommes en état d’alerte maximale », a confirmé le directeur de l’AIVD.

En tout cas, et alors que les Pays-Bas et la Russie ont déjà plusieurs contentieux [affaires d’espionnage, enquête sur le vol MH17, abattu au-dessus du Dombass en 2014], les autorités néerlandaises ont jusqu’à présent été très discrètes sur cet incident. En règle générale, lors d’une violation des eaux territoriales et/ou de l’espace aérien, l’ambassadeur du pays fautif est convoqué afin de lui remettre une notre de protestation diplomatique…

Quoi qu’il en soit, le navire russe évoqué par le chef du MIVD pourrait être le Yantar qui, mis en oeuvre par la Direction principale de la recherche en eaux profondes [GUGI], est régulièrement repéré près des câbles de télécommunications et autres infrastructures sous-marines critiques. Et l’incident qu’il a évoqué ne serait sans doute pas le premier…

En effet, en septembre 2021, le Yantar s’était attardé près des câbles AEConnect-1 et Celtic Norse, dans la zone économique exclusive [ZEE] irlandaise.

Sa trace ayant été ensuite perdue, le Yantar fut de nouveau repéré dans la Manche [d’abord au large du Contentin], puis dans la ZEE des Pays-Bas, où il désactiva de nouveau son système d’identification automatique [AIS], dans une zone pourtant à fort trafic maritime. Cela « éveille des soupçons sur ses intentions », avait alors commenté le journaliste néerlandais Hans de Vreij, spécialiste des affaires de défense, via Twitter.

Plus tard, celui-ci avait indiqué qu’un navire océanographique de la Marine royale néerlandaise, le HNLMS Luymes, s’était approché du Yantar avant de désactiver, lui aussi, son AIS. « On ne sait pas s’il surveille le navire russe ou s’il est engagé dans des mesures hydrographiques », avait-il dit.

Cela étant, le renseignement néerlandais a également mis en garde contre le risque de sabotage contre d’autres secteurs « vitaux », comme l’approvisionnement en eau potable. « Ce n’est pas pour rien que plusieurs officiers de renseignement russes ont été expulsés de notre pays », font-ils valoir.

Enfin, le rapport conjoint du MIVD et de l’AIVD estime que l’agression de l’Ukraine par la Russie a un « impact plus important sur l’ordre que les attentats du 11 septembre 2001″… Et que même si la guerre prend fin, la menace russe perdurera. « La Russie – rancunière, méfiante, frustrée et selon elle entourée d’États hostiles – se verra probablement encore engagée dans une lutte permanente contre l’Occident », avance-t-il. Ce qui signifie que « notre ordre démocratique et et notre sécurité » resteront une « cible pour le Kremlin » sur le long terme.

Qui plus est, les groupes jihadistes pourraient également profiter de la situation, prévient le renseignement néerlandais. Déjà parce que les terroristes « peuvent désormais plus facilement se procurer des armes » en raison de la guerre et qu’ils sont aussi susceptibles d’arriver en Europe « via les flux de réfugiés en provenance d’Ukraine », selon M. Akerboom. « Nous voyons que ces réseaux ont également des succursales aux Pays-Bas », a–t-il dit.

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