Seulement un quart du parc immobilier du ministère des Armées est considéré « en bon état », selon un rapport

Si elle a été exécutée à l’euro près, ce qui n’était plus arrivé depuis très longtemps, la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25, censée « réparer » un modèle d’armée affecté par des années de contraintes budgétaires, a globalement atteint ses objectifs… Cependant, plusieurs points d’attention demeurent, comme l’ont avancé les députés Laurent Jacobelli [RN] et Yannick Chenevard [Renaissance] dans le bilan qu’ils en ont dressé à l’occasion d’une mission d’information réalisée pour le compte de la commission de la Défense.

Ainsi, ces deux parlementairesen ont identifié au moins trois ; la préparation opérationnelle, affectée notamment par une disponibilité de certains équipements encore insuffisante [malgré les investissements consentis pour le maintien en condition opérationnelle, celui-ci ayant fait l’objet de réformes qui n’ont pas encore produit tous leurs effets], les ressources humaines, avec un problème de fidélisation [on aura sans doute l’occasion d’y revenir] et les infrastructures.

Régulièrement évoqué par les chefs d’état-major [pour s’en plaindre], ce dernier point de « vigilance » n’est pas nouveau… Les coups de menton des ministres qui se sont succédé n’ont pas permis de le régler à ce jour, comme d’ailleurs les différentes initiatives censées améliorer la situation… Et on ne compte plus les rapports parlementaires ayant dénoncé les conditions d’hébergement des militaires…

Pourtant, celles-ci auraient dû s’améliorer avec le plan « Vivien », lancé en 1996… Mais ses objectifs n’ont jamais pu être atteints… en raison de la contrainte budgétaire, les investissements dans les infrastructures non-opérationnelles ayant servi de variable d’ajustement.

Ainsi, ils passèrent de 6 à 2 euros au mètre carré… alors que de nombreux bâtiments du ministère des Armées étaient déjà très anciens. En outre, la bureaucratie et l’obligation de respecter certaines normes civiles n’ayant que peu de pertinence pour le milieu militaires n’ont pas plus aidé… Résultat : les conditions d’hébergement n’ont depuis cessé de se dégrader.

Et la LPM qui s’achève, même si elle a permis quelques avancées [en particulier pour l’hébergement des militaires du rang], n’aura pas inversé la tendance. Tel est, en tout cas, le constat dressé par les deux rapporteurs.

« Les infrastructures ont été le parent pauvre des précentes programmations, avec des décennies de sous-investissement. Cela s’est matérialisé par une forte dégradation du parc existant », a d’abord rappelé M. Jacobelli, lors de l’examen du rapport en commission, ce 15 février. Aussi, a-t-il continué, « aujourd’hui, seul un quart du parc immobilier du ministère [des Armées] est considéré dans un bon état, ou neuf ». Ce qui est peu…

« Ce que l’on appelle la dette grise, c’est à dire l’ensemble des dépenses nécessaires pour uniquement remettre en l’état le parc existant, a atteint un niveau record de 4,5 milliards d’euros », a précisé le député.

Cela étant, a-t-il admis, un « effort de modernisation important a été réalisé dans le cadre de la Loi de programmation militaire, notamment pour l’hébergement des militaires du rang, avec le doublement de l’enveloppe budgétaire par rapport à la précédente LPM », le « contrat de concession ‘Ambition Logement’, conclu pour une durée de 35 ans et pour un engagement total de 2,8 milliards d’euros » ou encore un effort pour les infrastructrures à vocation opérationnelles. Seulement, le compte n’y est pas encore…

« Nous avons constaté, lors de nos déplacements [dans les unités] que les besoins sont encore immenses. Vétusté des hébergements qui seraient considérés comme indignes dans le civil, inadaptation des hangars de stockage et de maintenance des nouveaux équipements… Nous avons même vu, dans une unité que nous avons visitée, que l’on se chauffait encore au charbon, nous avons vu des réseaux d’eau et d’électricité vieillissants, qui ne permettaient plus un fonctionnement normal », a témoigné M. Jacobelli.

Aussi, « il est impératif que la prochaine LPM amplifie les investissements pour réduire cette dette grise » car « il en va des conditions de vie, des conditions d’exercice de leurs missions et donc du moral de nos soldats », a estimé le député.

Cependant, mettre plus d’argent dans les infrastructures ne suffira pas… »Il faut également revoir les processus décisionnels en donnant davantage de pouvoirs au chef de corps, qui seul connaît les véritables besoins de son unité », a plaidé M. Jacobelli.

« Combien de chefs de corps nous ont expliqué que, pour remplacer la moindre tuyauterie ou le moindre chauffage de douche, il fallait remplir des tonnes de paperasse, que des fonctionnaires se renvoyaient les uns aux autres pour savoir qui investirait… Et des mois, voire des années après, que rien n’était fait », a poursuivi le député, qui par conséquent suggéré de remettre une « enveloppe discrétionnaire » aux commandants d’unité afin de leur permettre de « traiter rapidement les menues réparations ».

« Il n’est pas normal que nos militaires doivent attendre plusieurs mois la réparation d’une fenêtre – comme nous l’avons vu! – ou d’un toit qui fuit alors que leur régiment accueille des équipements à la pointe de la technologie. L’écart entre le matériel qui arrive et les conditions de vie qui datent d’il y a quarante ans n’est plus accepté. Et je dirai même que ce n’est plus acceptable », a lancé le parlementaire.

Par ailleurs, ce dernier a également estimé que le « rôle du Service d’insfrastructure de la Défense [SID] pourrait être revu, en le recentrant davantage sur les infrastructures technico-opérationnelles [c’est son coeur de métier] et en externalisant les travaux de nature civile », avec, évidemment, un droit de regard.

Enfin, a conclu M Jacobelli, il serait sans doute pertinent de « simplifier les normes » qui, souvent « issues du monde civil, sont parfois inadaptées au secteur militaire ». Elles « gagneraient à être simplifiées afin de réduire les coûts et les délais des travaux », a-t-il insisté. Ce qui aurait sans doute permis d’éviter aux aviateurs de la base aérienne 123 d’Orléans-Bricy d’attendre dix-huit mois pour « utiliser un hangar pourtant livré, faute d’avoir les autorisations environnementales nécessaires ».

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