La Russie va-t-elle parvenir à établir une base navale au Soudan?

Faute d’avoir pu s’entendre avec Djibouti pour établir une base navale dans la région de la mer Rouge, et plus précisément à proximité du détroit de Bab el-Mandeb, la Russie jeta son dévolu sur le Soudan, pays avec lequel elle entretenait alors d’excellentes relations quand il était dirigé par Omar el-Béchir. Au point que ce dernier bénéficia de l’appui du groupe paramilitaire russe Wagner quand il faisait face à une vive contestation de son pouvoir, en 2018.

Cependant, à l’époque, le Kremlin avait démenti la présence du groupe Wagner au Soudan… Et d’affirmer avoir envoyé des « instructeurs » auprès des forces de sécurité locales « dans le cadre des relations russo-soudanaises » [à noter qu’il avait fait le même coup pour la Centrafrique et le Mali]. Quoi qu’il en soit, cela n’empêcha pas la chute du régime d’Omar el-Béchir, en mars 2019.

Cela étant, les nouvelles autorités ne remirent pas en cause les relations avec la Russie. Ainsi, un mois après avoir pris le pouvoir, le Conseil militaire de transition signa deux accords militaires avec Moscou : l’un pour renforcer la coopération dans le domaine naval, en particulier pour la recherche et le sauvetage en mer, l’autre pour partager l’expérience en matière d’opérations de maintien de la paix menées sous l’égide des Nations unies. Un troisième, visant cette fois à établir un point logistique pour la marine russe à Port-Soudan, fut trouvé en novembre 2019.

Dans le détail, ce texte autorisait la Russie à y construire un « centre logistique » sur un terrain cédé à titre gracieux par Karthoum en échange d’une « assistance gratuite » à la marine soudanaise pour des missions de recherche et de sauvetage ainsi que de lutte « anti-sabotage ».

La capacité de ce point d’appui devait se limiter à l’accueil simultané de quatre navires russes [y compris ceux à propulsion nucléaire] et l’accord donnait le droit à Moscou d’importer et d’exporter via les ports et aéroports soudanais « toutes les armes, munitions et équipmements » nécessaires au fonctionnement de cette base ainsi qu’à « l’exécution de tâches » confiées aux « navires de guerre ».

Cependant, les États-Unis [mais aussi, dans une certaine mesure, la France] usèrent de leur influence pour dissuader les nouvelles autorités soudanaises de ratifier cet accord. Après que Karthoum eut normalisé ses relations avec Israël, Washington retira le Soudan de la liste américaine des États accusés de soutenir le terrorisme et annonça une aide pour aider celui-ci à rembourser une partie de sa dette envers la Banque mondiale. Paris alla dans le même sens, avec la promesse d’un prêt relais de 1,5 milliard de dollars et l’annulation de près de 5 milliards de créances françaises.

Aussi, en juin 2021, Karthoum fit part de son intention de « revoir » son accord avec Moscou. Accord qui ne pouvait de toute façon pas être ratifié, faute de Parlement. À l’époque, le général Mohamed Othman al-Hussein, alors chef d’état-major de l’armée soudanaise, avait expliqué qu’il était question de revoir « certaines clauses quelque peu préjudiciables » de ce texte. Et les choses en étaient restées là… Enfin presque.

En effet, alors qu’une transition démocratique était en cours, l’armée soudanaise reprit la totalité du pouvoir, en octobre 2021, le gouvernement civil ayant été évincé. Ce qui motiva une partie de la communauté l’internationale à suspendre son aide au Soudan, dont les bonnes relations avec la Russie ne furent par ailleurs jamais remises en cause…

Aussi, à l’occasion de la venue de Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, à Karthoum, la semaine passée, un nouvel accord a été conclu pour établir une base navale russe à Port-Soudan.

A priori, le texte reprend les mêmes dispositions que le précédent… à la différence que Moscou a accepté de livrer plus d’armes à l’armée soudanaise. C’est, en tout cas, ce qu’ont déclaré deux responsables soudanais auprès de l’Associated Press. « Ils ont dissipé toutes nos préoccupations. L’accord est devenu acceptable du côté militaire », a dit l’un d’eux.

Toutefois, l’avenir de cet accord est lié à l’évolution de la situation politique au Soudan. En décembre, la junte s’est entendue avec les pricipaux partis du pays en vue d’une transition démocratique… Et cela alors que le numéro un soudanais, le général Abdel Fattah al-Burhan, est contesté par son adjoint, le général Mohamed Hamdan Daglo [dit « Hemetti »], le chef des paramilitaires des « Forces de soutien rapide » [FSR], par ailleurs proche des Russes.

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