Guerre en Ukraine : La France invite ses ressortissants à quitter la Biélorussie « sans délai »

À bien des égards, la Biélorussie pourrait être considérée comme partie prenante à la guerre en Ukraine dans la mesure où elle permet à la Russie d’utiliser son territoire et son espace aérien pour mener des opérations dans le cadre du conflit. En retour, elle a obtenu des systèmes de défense aérienne S400, des missiles balistiques Iskander M à capacité nucléaire [les mêmes que ceux utilisés par les forces russes, nldr] et des avions pouvant emporter des « munitions spéciales ». Et elle devrait bientôt recevoir des Su-30SM supplémentaires ainsi que des hélicoptères Mil Mi-35.

Par ailleurs, face « à l’aggravation de la situation aux frontières occidentales de l’Union [russo-biélorusse] », Minsk et Moscou ont créé un « groupe militaire régional » conjoint, déclaré opérationnel en décembre dernier. Fort de 9000 soldats russes, celui-ci disposerait d’avions MiG-31K [porteur du missile hypersonique Kinjal], de systèmes sol-air Tor M-2, de lance-roquettes multiples Uragan et Grad ainsi que des chars T-80. En outre, les autorités biélorusses ont battu le rappel de certains réservistes.

Aussi, à Kiev, où l’on s’attend à une offensive russe de grande ampleur d’ici la fin de cet hiver, l’hypothèse d’une implication des forces biélorusses dans la guerre est prise au sérieux. « Nous nous préparons à tous les scénarios de défense possibles. […] La situation à la frontière de l’Ukraine avec la Russie et la Biélorussie fait l’objet de discussions avec les commandants militaires. Elle est une priorité constante », avait en effet affirmé Volodymyr Zelenski, le président ukrainien, lors de son allocution quotidienne du 18 décembre dernier.

Un tel scénario est-il sur le point de se produire? Le 10 février, la Pologne a fait savoir qu’elle allait fermer, « jusqu’à nouvel ordre », l’un de ses principaux points de passage avec la Biélorussie, en l’occurrence celui de Brobrowniki. Et cela, pour des raisons liées à la « sécurité de l’État ». Et, ce 13 février, la France a invité ses ressortissants à quitter « sans délai » le territoire biélorusse. Celui de Brest-Terespol reste en revanche ouvert pour le moment.

« Dans le contexte de l’offensive armée engagée par la Russie contre l’Ukraine et de la fermeture de l’espace aérien biélorusse, tout déplacement en Biélorussie est formellement déconseillé. Les Français se trouvant en Biélorussie sont invités à quitter sans délai le pays par la route, via les points de passage frontaliers avec la Lituanie, la Pologne ou la Lettonie », a en effet appelé le Quai d’Orsay. Pourquoi avoir diffusé cet avis maintenant… et pas plus tôt, alors que les conditions qu’il décrit sont les mêmes depuis près d’un an?

Cela étant, dès le début de l’offensive russe en Ukraine, la Biélorussie avait également fermé son espace aérien. « J’ai reçu des informations sur la formation de groupes en Pologne et en Lituanie pour que, lorsqu’un conflit avec l’Ukraine commencerait, cela puisse leur servir de prétexte pour passer par la Biélorussie, par voie aérienne et terrestre, et venir frapper la Russie dans le dos. C’est pour ça que j’ai prévenu que nous ne serons pas des traîtres et nous ne vous permettrons pas de tirer sur les Russes dans le dos », avait justifié Alexandre Loukachenko, le président biélorusse, à l’époque.

Par ailleurs, Washington a annoncé avoir pris une disposition similaire… mais pour la Russie. « Les citoyens américains résidant ou voyageant en Russie doivent partir immédiatement », a en effet déclaré l’ambassade des États-Unis à Moscou. Et d’évoquer la guerre en Ukraine et, surtout, le risque « d’arrestation arbitraire ou de harcèlement » par les forces de sécurité russes.

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20 contributions

  1. Alfred dit :

    Chacun va rappeler ses citoyens et entretenir l’hystérie collective de son côté, mais ça ne fera pas avancer les choses pour autant, sauf a étendre le conflit, mais en evitant soigneusement une confrontation directe USA/Russie susceptible de déboucher sur un bouquet final nucléaire

  2. AirTatto dit :

    Tous les pays frontaliers sont à crans, tous ayant en mémoire l’opération Konserve en 1939.
    Concernant l’implication de la Biélorussie , tout le monde le sait depuis longtemps, le pays fournit des munitions, de l’armement, des bases aériennes… L’Europe finira par faire de même et c’est déjà plus ou moins le cas avec les centres MCO.

    • précision dit :

      « L’Europe finira par faire de même » est imprécis: côté munition et armement l’Europe fait déjà de même, et à une échelle bien supérieure à la Biélorussie. Et outre le MCO il y a l’entraînement, et côté bases aériennes un ballet d’avions de renseignements, plus les satellites et autres capteurs dont les données sont partagées.

      La grande différence est que les états européens n’autorisent pas les attaques depuis leur territoire, contrairement à la Biélorussie.

      Et même là, les attaques russes depuis le territoire biélorusse sont plus ou moins limitées : il y en a eu de massives, mais l’armée Russe n’y mène pas en permanence des combats comme depuis les autres territoires où elle est présente, sans doute pour éviter que la Biélorussie ne se trouver aspirée dans le conflit par une riposte ukrainienne ou autre, ou peut-être parce-que les belligérants ont tous trouvé préférable de circonscrire un peu le conflit.

  3. KL42 dit :

    Allez on continu l’escalade avec une puissance nucléaire. Vous êtes des champions du monde, si si je vous le jure.

    Sommes nous cobelligérant ou pas, question hautement importante quand des missiles nuc sont pointés sur nous et que nous disposons de neuf système anti aérien pour les arrêter si les US dans leur grande bonté ont la gentillesse de nous prévenir de l’attaque, sinon ça va être compliqué.

    Sinon beaucoup de rumeur pour distraire les patriotes derrière leur clavier.
    https://brunobertez.com/2023/02/13/rumeurs/

    • précision dit :

      vous et quelques autres commentaires voyez dans l’invitation aux ressortissants à quitter un pays une escalation. J’y verrais plutôt de la prudence. Dans l’état actuel des tensions je doute que cela soit une escalade significative.

    • bzh29 dit :

      Non, nous disposons de SNLE qui sont là pour arrêter la main qui pourrait être tentée d’appuyer sur le bouton
      ( c’est la définition de la DISSUASION Nucléaire)

  4. précision dit :

    Un point complétant l’article de L.Lagneau; en Russie l’ambassade américaine fait part de craintes que les binationaux se voient soumis à la mobilisation. Les appels à quitter le pays se sont d’ailleurs par le passé déjà fait assez pressants lorsque la première vague de mobilisation avait été déclenchée.

  5. Bourbaki dit :

    Pourquoi? Les polonais vont envahir la Russie sur ordre des USA?

    • jyb dit :

      @bourbaki
      un des scénarios pressenti, est que les polonais envoie en ukraine des forces régulières en soutien.

  6. dolgan dit :

    La rapoutista approche. Les deux camps vont sans doute vouloir placer une offensive avant son arrivée.

    Les russes semblent s attendre a une contre-attaque du côté de orikiv/polohy.

    L attaque majeure russe elle est attendue vers kupiansk. Une redite de la phase 2.

    Nb: et les Ukrainiens semblent en train d achever l évacuation de Bakmut . Le risque d encerclement ou de percée majeure semble écarté.

    • vrai_chasseur dit :

      @dolgan
      Malgré une puissance de feu artillerie supérieure, la question que beaucoup se posent sur l’armée russe est celle de la valeur combative réelle des centaines de milliers de conscrits fraichement mobilisés.
      Même s’il faut prendre cela avec les précautions d’usage et se garder de généraliser, l’exemple de Voulhedar pose des tas de questions. Plusieurs compagnies de la 155e brigade aéroportée russe et des dizaines de chars lourds ont été décimés dans leur offensive sur Vouhledar. par des troupes ukrainiennes plus organisées et plus aguerries.
      http://www.reuters.com/world/europe/russia-likely-lost-dozens-tanks-failed-attack-vuhledar-uk-2023-02-10/

      Les infos sur Voulhedar sont corroborées sur les fils Telegram russes, qui parlent de « débâcle sévère et de pagaille monstre » où des « BMP ont écrasé leurs propres troupes dans la panique ». Infos relatées notamment sur le fil Telegram GreyZone de Wagner ( http://t.me/grey_zone/17141 ), qui n’a pas de mots assez durs contre le commandant russe de la 155e brigade, le général Rustam Muradov, également commandant des forces Est, qui a envoyé ses hommes à la mort par une manoeuvre trop hasardeuse et mal exécutée.

    • jyb dit :

      @dolgan
      – difficile de dire ou les ukrainiens contre attaqueront ( s’ils contre attaquent prochainement ) et encore plus difficile de dire ou les russes pensent voir les ukrainiens attaquer.
      depuis fin janvier les russes ont sondé les défenses ukrainiennes aussi bien vers koupiansk que vers orikhivi, la concentration de troupe russe vers svatovo oblige les ukrainiens à parer une offensive mais tout autant que sur la frontière bielorusse, soumy est une cible accessible, ou que sur le front sud.
      les russes n’ouvriront pas de nouveau front avant de menacer physiquement kramatorsk/slaviansk.
      – bakhmut : situation plus compliquée. les ukrainiens se replient de positions menacées autour de la ville, vers la ville. ils ont dans le même temps envoyé une unité de fusiliers motorisés en renfort. on peut supposer que c’est dans un souci (risqué) de communication. les politiques ukrainiens ont une nouvelle fois surdéterminés dans le discours la valeur tactique et stratégique de bakhmut. différer sa perte dans la durée permet de moduler le narratif officiel.
      un seul axe sous le feu russe reste ouvert.
      La perte de bakhmut est un coup dur parce qu’il oblige les ukrainiens a concentrer beaucoup plus de force sur ce front.
      donc au détriment d’autres fronts et au détriment d’une offensive à venir. on voit les ukrainiens épaissir en rase campagne leur défense.

    • précision dit :

      « les Ukrainiens semblent en train d’achever l’évacuation de Bakmut » Vraiment? De ce que j’ai lu des deux côtés, l’évacuation n’a pas commencé, or vu les effectifs engagés ce ne serait probablement pas discret. Mais peut-être vouliez-vous évoquer l’évacuation des civils, ou bien de possibles préparatifs d’évacuation ?

      Quant à ces fameuses offensives; dans les médias occidentaux on lit que l’offensive russe est en fait en cours depuis plusieurs semaines, avec des pertes humaines élevées (et des territoires capturés assez limités en superficie, ce qui conduit ces médias à limiter la portée de ces évolutions). Les pertes côté russe sont largement étayée par des vidéos, au moins à Vouhledar/Ougledar.

      Lloyd Austin confirme en tout cas à l’instant l’objectif d’une contre-offensive ukrainienne au printemps: « hold and advance during the spring counter-offensive ».

  7. Patrick, de Belgique dit :

    Sur cette guerre en Ukraine, un article de Jean Michel Valantin du 10-02-23 sur le site Le Grand Continent: La longue stratégie russe en Europe. Jean Michel Valantin est aussi l’auteur de: Hollywood, le Pentagone et Washington (Editions Autrement 2003).

  8. LEONARD dit :

    Si ces annonces (le Brésil a fait de même), ont pour origine une possible mobilisation des étrangers, il sera intéressant de voir Snowden en uniforme de mobik…..

    • précision dit :

      Ne serait-ce pas un commentaire désobligeant envers un homme qui, d’un certain point de vue, a eu le courage de dénoncer certaines pratiques qu’il estimait contraire aux valeurs mises en avant dans le camp démocratique? Et qui l’a probablement payé en se retrouvant exilé? Certes moins qu’Assange qui lui n’avait pourtant ne peut même pas être accusé de trahison.

      On peut rester circonspect face à ce qui peut être perçu comme de la traîtrise, mais entre s’amuser de voir des hommes envoyés au combat et montrer un peu de respect pour les lanceurs d’alerte il me semble que la seconde option est plus honorable. A fortiori lorsque l’on se réclame des valeurs occidentales comme la démocratie, la liberté individuelle, et une presse « libre ».

    • vrai_chasseur dit :

      @LEONARD
      Pour l’annonce du département d’état US, le consulat américain à Moscou a reçu plusieurs personnes russes ayant aussi la nationalité américaine, qui ont fait état de « pressions » des autorités russes pour les mobiliser, avec la menace de ne pas leur reconnaître l’autre nationalité ce qui les empêcheraient de demander assistance à leur consulat.
      Cela concerne apparemment tous les russes ayant une double nationalité.
      NB y’en a un qui sera mieux à Dubai… http://www.rtl.fr/culture/medias-people/gerard-depardieu-deja-russe-et-francais-l-acteur-est-desormais-aussi-dubaiote-7900129718

  9. dolgan dit :

    Poutine ne veut pas en entendre parler.

  10. Castel dit :

    Pour pouvoir négocier, il faut être deux, or, tant que la situation militaire reste incertaine, il semble qu’aucun des deux camps n’ a l’intention de négocier autrement que sur des positions maximalistes, à savoir l’évacuation totale de l’Ukraine par les forces russes d’un côté, et la reconnaissance des régions annexées de l’autre…
    Donc, seul les résultat des armes semble en mesure d’amener les belligérants à négocier pour l’instant.
    Par contre, si le conflit s’ éternisait, il n’est pas exclu que la voie diplomatique finisse par s’imposer un jour, mais aujourd’hui, on en semble encore loin !!

  11. précision dit :

    Est-ce de l’ironie, où votre commentaire prônerait-il l’invasion pure et simple d’un pays lorsque son gouvernement déplaît? En anéantissant les forces régulières, c’est-à-dire tuant des hommes défendant leur pays? On croirait lire la justification russe pour envahir l’Ukraine. Mais il est vrai que souvent les argumentaires pro-OTAN sont l’exact miroir des argumentaires pro-russes; le bellicisme ne connaît pas de frontières.

    Quand à la boule de cristal prédisant les réactions de V.Poutine… certains ont pensé qu’il céderait sur l’Ukraine parce-qu’il n’avait pas d’autre option valable. Le résultat c’est près de 300.000 morts et un conflit qui ne fait qu’empirer.