Dissuasion : Le chef d’état-major de la Marine défend la pertinence de la Force aéronavale nucléaire

Par rapport à la Force océanique stratégique [FOST], avec ses quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins [SNLE], et aux Forces aériennes stratégiques [FAS], la Force aéronavale nyucléaire [FANu] n’est sans doute pas la composante la plus connue de la dissuasion nucléaire.

Créée en 1978, soit à une époque où la Marine nationale comptait deux porte-avions [le Foch et le Clemenceau, ndlr], la FANu repose évidemment sur l’association Rafale M/ ASPM-A, ainsi que sur le centre d’opérations qui, installé à Six-Fours [Var], a la mission de préparer et de faire suivre les ordres éventuels du président de la République.

Cela étant, la Marine nationale ne disposant que du seul porte-avions Charles de Gaulle, la pertinence de la FANu a été remise en cause ces dernières années. Comme en 2016, quand, lors de la publication d’un rapport sur les enjeux industriels et technologiques du renouvellement des deux composantes de la dissuasion, le député Yves Fromion avait estimé que la question de sa permanence méritait « d’être posée ».

À l’époque, le parlementaire mit plusieurs arguments sur la table. Outre le sujet de la permanence, il s’était interrogé sur le « positionnement du porte-avions », celui-ci devant « être à portée de sa cible potentielle », ainsi que sur la « réalisation concrète d’un raid nucléaire » depuis un tel navire.

« Quand on constate le degré de complexité d’une telle opération menée à partir de la terre par les Forces aériennes stratégiques et les moyens considérables qui doivent être mis en œuvre, on peut s’interroger sur l’opportunité de maintenir cette composante hybride à l’avenir, d’autant qu’elle impose des contraintes très lourdes », avait en effet développé M. Fromion, avant de souligner que l’embarquement de missiles ASMP-A à bord du porte-avions ne pouvait se faire qu’au détriment des munitions conventionnelles.

Par ailleurs, si les Forces aériennes stratégiques de l’AAE communiquent régulièrement sur leurs exercices Poker, la FANu est beaucoup plus discrète sur ce sujet, la dernière fois – sauf erreur – qu’un Rafale M a tiré un missile ASMP-A remontant à février 2017.

Depuis, les observations de M. Fromion [qui n’est plus député depuis 2017, ndlr] n’ont pas eu de réponses. Du moins publiquement… À l’heure où les études sur le porte-avions de nouvelle génération [PANG] se poursuivent et qu’une nouvelle Loi de programmation militaire [LPM] est en gestation, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM], l’amiral Pierre Vandier, a évoqué la FANu à l’occasion d’une audition parlementaire dédiée à la dissuasion nucléaire.

La FANu « conserve toute sa pertinence car elle élargit le portefeuille d’options du chef des armées [le président de la République, ndlr] et rentabilise les efforts financiers et techniques consentis pour se doter d’une force aéroportée », a d’abord fait valoir l’amiral Vandier. « Elle est composée d’un système
d’armes, d’une logistique et de normes opérationnelles identiques à ceux de l’Armée de l’Air et de l’Espace [AAE], avec laquelle sont d’ailleurs organisés des entraînements communs », a-t-il ajouté.

En outre, pour le CEMM, « sur le porte-avions, la FANu tire parti de la mobilité de la plateforme », laquelle « constitue une véritable base aérienne, défendue par des moyens considérables et qui peut se déplacer de plus de 1000 kilomètres par jour ». Et le fait que le Charles de Gaulle est « potentiellement porteur de l’arme nucléaire sert la logique de dissuasion », a-t-il ajouté.

Car, a continué l’amiral Vandier, « l’objectif est d’accroître l’ambiguïté : non seulement personne ne sait si l’arme nucléaire est réellement présente à bord, mais le porte-avions navigue dans
tous les océans ». Aussi, cela renforce la crédibilité de la dissuasion nucléaire », a-t-il dit.

Évidemment, l’apparition de nouvelles armes hypersonique interroge la vulnérabilité d’un porte-avions… Mais comme il a déjà eu l’occasion de l’expliquer, le CEMM a rappelé que « tout système militaire est vulnérable ».

« Au cours d’une guerre, des porte-avions sont coulés, des bases aériennes sont détruites et des avions sont abattus. Toutefois, nous pensons que l’exercice de la puissance aérienne en haute mer, dans des espaces considérables, requiert des plateformes permettant de déployer des avions de dernière génération », a développé l’amiral Vandier, avant de faire remarquer que de « nombreux pays se dotent ainsi de moyens de puissance aérienne en haute mer » qui sont autant d’outils de « signalement stratégique ».

Quant à la vulnérabilité du porte-avions, l’amiral Vandier a rappelé qu’un tel navire se trouve « cœur d’un dispositif qui le protège », c’est à dire son groupe aéronaval [GAN]. « Si le Charles de Gaulle était installé place de la Concorde, la première frégate de défense aérienne serait située sur le périphérique, la frégate de lutte anti-sous-marine serait à Lyon, le SNA [sous-marin nucléaire d’attaque] en Corse, le Hawkeye [avion de guet aérien, ndlr] en Sardaigne », a-t-il expliqué.

Aussi, a conclu le CEMM, « tout développement sur le sujet du porte-avions doit donc être appréhendé en tenant compte de
la complexité et de la puissance de ce dispositif ».

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