L’amiral Vandier tord le cou à l’idée de convertir des SNLE en sous-marins lanceurs de missiles de croisière

Alors que le programme de sous-marin nucléaire lanceur d’engins de 3e génération [SNLE 3G] a été lancé en vue de l’admission en service du premier exemplaire à l’horizon 2035, l’idée de transformer au moins un des quatre SNLE de la classe Triomphant en sous-marin lanceur de missiles de croisière [SSGN] a été avancée durant la campagne de la dernière élection présidentielle, en particulier par l’ex-député Fabien Gouttefarde, alors soutien d’Emmanuel Macron.

Appelant à prendre des « décisions courageuses », celui-ci avait en effet plaidé en faveur de la conversion de « deux sous-marins nucléaires lanceurs d’engins en lanceurs de missiles de croisière naval, tout en conservant le format de la dissuasion sous-marine », afin d’offrir au président de la République un « outil de dialogue politique de haute intensité, pour un coût relativement maitrisé ». Et il avait également estimé « incontournable » la commande d’un septième sous-marin nucléaire d’attaque [SNA] de type Suffren pour mener régulièrement des missions dans la région Indo-Pacifique.

Plus tard, revenant sur les réactions négatives suscitées par cette idée chez quelques uns, M. Gouttefarde était revenu à la charge dans une tribune publiée par le site Atlantico.

La « conversion de deux sous-marins lanceurs d’engins en lanceurs de missiles de croisières navals, en accélérant le SNLE de troisième génération » nécessite une « décision rapide », avait-il estimé. Et d’ajouter : « Cette proposition, que j’ai déjà émise, a pu sembler trop disruptive à certains. Pourtant, le déploiement par le président russe d’un véritable rideau de feu constitué de pas moins de 35 régiments anti-aériens illustre, par une singulière ironie de l’Histoire, sa pertinence ».

Cela étant, si « certains » l’estimèrent trop « disruptives », d’autres, au contraire, trouvèrent cette proposition séduisante. Aussi, lors d’une récente audition parlementaire dédiée à la dissuasion nucléaire, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM], l’amiral Pierre Vandier, n’a pas coupé à une question à son sujet.

« Il avait […] été suggéré durant la campagne présidentielle de restaurer d’anciens SNLE pour en faire des SNA. Que pensez-vous de cette idée pour permettre à nos sous-marins de déployer des missiles de croisière? », lui a en effet demandé le député [RN] José Gonzales.

L’amiral Vandier n’a pas dit s’il trouvait un intérêt à convertir un SNLE en SSGN. En revanche, il a expliqué en quoi cette proposition n’est pas réalisable.

« Compte tenu de la force sous-marine dont disposaient les États-Unis dans les années 1990, lors de la signature des accords sur la réduction des armes stratégiques, cette puissance a fait le choix de reconvertir certains SNLE qui en étaient à la moitié de leur durée de vie. Quatre sous-marins de classe Ohio ont ainsi été convertis », a d’abord rappelé le CEMM. « Leur lance-missiles balistique a été transformé en lance-missiles de croisière avec une capacité de mise en œuvre de forces spéciales », a-t-il ajouté.

Si, techniquement, elle est à la portée de l’industrie navale française, une telle opération n’est cependant pas possible pour la Marine nationale. « Le nombre de sous-marins dont nous disposons ne nous le permet pas dans la pratique », a dit l’amiral Vandier. Aussi, « nos sous-marins seront utilisés jusqu’à la fin de leur cycle de vie », a-t-il ajouté.

D’autant plus qu’une telle opération supposerait de prolonger la durée de vie des deux SNLE à convertir, avec une attention particulière sur leur coque et leur chaufferie nucléaire. En outre, ne pouvant être mis en service qu’à partir de 2035, ils risqueraient d’être technologiquement dépassés. Une autre objection tient aux capacités de production de l’industrie naval en général et de Naval Group en particulier.

Enfin, augmenter le format de la flotte de sous-marins nucléaires pose la question du personnel… au moment où la Marine nationale peine à retenir ses atomiciens.

« S’agissant du recrutement des atomiciens, de nombreux jeunes sont intéressés par ce domaine. La filière est donc vivante, même s’il est vrai que le contexte industriel et économique fait peser une pression importante. Cela demande beaucoup d’engagement et d’efforts, mais à ce stade nous parvenons à recruter les effectifs dont nous avons besoin », a d’abord confié l’amiral Vandier.

Cependant, a-t-il admis, la « problématique porte plutôt sur la fidélisation, qui ne concerne pas seulement les atomiciens » car « en raison du dynamisme du marché du travail, notamment s’agissant des profils dotés de compétences très pointues », la Marine nationale est confrontée à « des taux de départs importants s’expliquant par l’attrait de salaires plus élevés, associés à de moindres contraintes ». Aussi, a fait valoir le CEMM, la « fidélisation du personnel est donc l’un des enjeux majeurs de la nouvelle Loi de programmation militaire ».

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