Berlin « encourage » ses partenaires à former des militaires ukrainiens à utiliser des chars Leopard 2

La livraison de chars Leopard 2 à l’armée ukrainienne divise la coalition gouvernementale allemande, dirigée par le chancelier Olaf Scholz. Si les sociaux-démocrates ne cachent pas leurs réserves, les écologistes et les libéraux y sont favorables. De même que les chrétiens-démocrates de la CDU/CSU, qui siègent dans l’opposition.

Le 22 janvier, lors d’un entretien accordé à LCI, la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a mis la pression sur M. Scholz en affirmant que l’Allemagne ne s’opposerait pas au transfert de Leopard 2PL envisagé par la Pologne, dont le Premier ministre, Mateusz Morawiecki, avait estimé, avant la réunion des soutiens de l’Ukraine à Ramstein, que l’accord de Berlin était « secondaire » dans cette affaire. Sauf que, en s’affranchissait des règles juriques qui encadrent le commerce des armes, Varsovie créerait un précédent…

Seulement, pour que l’Allemagne puisse donner ou non son autorisation pour la réexportation des Leopard 2 qu’elle a vendus, encore aurait-il fallu lui adresser une demande… Ce que la Pologne n’avait pas fait pas jusqu’à ce 24 janvier, selon Mariusz Blaszczak, le ministre polonais de la Défense.

Quoi qu’il en soit, la veille, le porte-parole du chancelier Scholz, Steffen Hebestreit, a réaffirmé la position de Berlin. « Le gouvernement fédéral n’exclut pas que des chars Leopard soient livrés [à l’Ukraine] mais il n’a pas encore décidé s’il allait le faire maintenant ». Après la réunion de Ramstein, le nonveau ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, n’avait pas dit autre chose.

« Il ne s’agit pas seulement de livrer ou de ne pas livrer ces chars, mais aussi d’en peser les conséquences. […] Il est dans l’intérêt de l’Allemagne et de l’Europe d’agir avec prudence et de manière équilibrée, et non dans la hâter ou à la légère », avait-il affirmé à l’antenne de la chaîne ARD.

Cela étant, si aucune décision n’est encore prise, l’Allemagne se prépare aux conséquences de son éventuel feu vert à livraison de Leopard 2 à l’armée ukrainienne, qui en demande tout de même « plusieurs centaines » d’exemplaires afin d’être en mesure de faire face aux forces russes…

« Afin d’être parfaitement préparé à d’éventuelles décisions, j’ai demandé vendredi [20 janvier] à mes services de tout examiner de manière à ce que nous ne perdions pas inutilement de temps si cela devait arriver », a en effet expliqué M. Pistorius au journal Bild am Sonntag [du 22 janvier, ndlr]. Et d’ajouter : « Nous sommes en dialogue très étroit avec nos partenaires internationaux, en premier lieu avec les États-Unis, sur cette question ».

Pour rappel, Berlin a lié la livraison de Leopard 2 à l’Ukraine à celle de M1 Abrams américains. Et non sans raison car les pays qui céderaient leurs chars de conception allemande auront à les remplacer… Ce que les États-Unis seraient en mesure de faire rapidement, grâce à leur Abrams excédentaires. À moins que la Corée du Sud, avec son K-2 « Black Panther », en profite…

En attendant, lors d’une conférence de presse donnée à Berlin au coté de Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan, M. Pistorius a annoncé que les pays qui envisagent de livrer des Leopard 2 à l’Ukraine pouvaient commencer à former les équipages ukrainiens.

« J’ai expressément encouragé les pays partenaires qui ont des chars Leopard prêts à être déployés à entraîner les forces ukrainiennes sur ces chars », a en effet déclaré le ministre allemand.

Quant à la question de savoir si l’Allemagne pourrait également fournir des Leopard 2 à Kiev, M. Pistorius a fait savoir, auprès de la chaine ZDF, qu’un inventaire était en cours au sein de la Bundeswehr. « Le résultat sera disponible sous peu », a-t-il dit, avant de rappeler que la décision sur d’éventuelles livraisons relevait uniquement de la Chancellerie fédérale.

Selon Der Spiegel, la Bundeswehr disposerait de 212 Leopard 2 opérationnels [53 portés au standard « Leopard 2A7V »] et 99 autres seraient immobilisés pour des réparations. Et d’estinmer qu’elle pourrait se passer de 19 Leopard 2A5, actuellement utilisés pour « représenter les forces ennemies » dans le cadre de la préparation opérationnelle des unités allemandes.

De son côté, Rheinmetall a fait savoir qu’il pourrait livrer 139 Leopard [dont 88 Leopard 1] à l’Ukraine. « Nous avons encore 22 Leopard 2A4 que nous pourrions préparer pour être utilisés et livrés en Ukraine », a affirmé un porte-parole du groupe. Sauf que ces chars ne pourront pas être disponibles dans l’immédiat. « La réparation de ces véhicules prendrait près d’un an. La livraison serait possible à la fin de 2023 ou au début de 2024 », a-t-il précisé.

Sauf que « nous ne pouvons pas réparer ses chars sans commande car les coûts s’élèveraient à plusieurs centaines de millions d’euros et Rheinmetall ne peut pas se le permettre », avait cependant averti Armin Papperger, le Pdg de Rheinmetall, à la mi-janvier.

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