L’administration américaine veut livrer des F-16V à la Turquie pour faciliter l’adhésion de la Suède à l’Otan

Exclue par l’administration Trump du programme F-35, dont elle était l’un des partenaires, pour avoir acquis et mis en service des systèmes russes de défense aérienne S-400 « Triumph », la Turquie a demandé aux États-Unis de lui livrer 40 chasseurs-bombardiers F-16 « Viper » [soit la dernière version de l’appareil développé par Lockheed-Martin] ainsi que 80 kits pour porter d’anciens appareils de ce type à ce nouveau standard.

Pour appuyer cette demande, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, expliqua qu’Ankara réclamerait à Washington le remboursement des sommes investies dans le programme F-35 au moment de son exclusion [soit 1,4 milliard de dollars]. En outre, la Turquie souligna l’importance de sa place au sein de l’Otan, sa position géographique lui assurant le contrôle des accès à la mer Noire.

Pour autant, et même si l’administration Biden est plutôt bien disposée à l’égard d’Ankara [la vente de F-16 à la Turquie servirait les intérêts des États-Unis et contrerait l’influence russe, selon une responsable du département d’État, nldr], le Congrès est beaucoup plus réservé, notamment en raison de l’implication turque dans plusieurs conflits [Syrie, Libye, Haut-Karabakh, Irak] et des ambitions d’Ankara en Méditerranée orientale… et plus particulièrement de ses visées sur les zones économiques exclusives grecques et chypriotes.

Seulement, la candidature de la Suède et de la Finlande à l’Otan a donné un moyen de pression supplémentaire à la Turquie… Estimant que ces deux pays nordiques font preuve de mansuétude à l’égard des mouvements kurdes, dont certains, comme le PKK [Parti des travailleurs du Kurdistan], sont condidérés comme terroristes, Ankara bloque, pour le moment, leur adhésion à l’Alliance. Ou, du moins, celle-ci n’a toujours pas été ratifiée par le Parlement turc.

Car, lors du somment de l’Otan tenu à Madrid, en juin 2022, la Turquie, la Suède et la Finlande avaient signé un accord afin d’aplanir leurs différends… Et donc pour lever les objections d’Ankara au sujet de l’adhésion de Stokholm et d’Helsinki. La partie turque monnaya-t-elle sa signature contre l’assurance d’obtenir des F-16 « Viper » auprès des États-Unis? Un responsable de l’administration américaine assure que cela n’avait pas été le cas… Vraiment? Car, après un entretien avec son homologue turc, le président Biden assura qu’il ferait le nécessaire pour « débloquer » ce dossier. « Jai besoin de l’approbation du Congrès pour faire cela et je pense que je peux l’obtenir », avait-il dit.

Sauf que, quelques semaines plus tard, lors de l’examen du National Defense Authorization Act [NDAA, c’est à dire la loi de financement de la défense américaine], la Chambre des représentants adopta un texte visant à empêcher la Turquie de se procurer des F-16V, en soulignant l’attitude « belliqueuse » d’Ankara à l’égard d’Athènes et en soulevant des préoccupations liées aux droits de l’Homme. Ce qui ne dissuada nullement une délégation turque de se rendre à Washington pour discuter de l’achat des avions proposés par Lockheed-Martin.

Depuis, la Suède et la Finlande attendent toujours devant la porte de l’Otan, la Turquie n’ayant toujours pas ratifié leur adhésion [comme, du reste, la Hongrie]. Et les restrictions sur la vente de F-16V à Ankara ont disparu de la version finale du NDAA, après son examen par le Sénat américain.

Et ce qui était censé n’avoir aucun rapport avec l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’Otan… en a désormais un, selon les informations du Wall Street Journal.

En effet, selon le quotidien économique américain, l’administration Biden a l’intention de demander au Congrès d’approuver la vente à la Turquie de 40 F-16 Viper, de 79 kits de modernisation pour des appareils existants, de 900 missiles air-air et de 800 bombes. Dans le même temps, elle entend en faire de même pour livrer 30 F-35A à la Grèce. « Ce serait l’une des plus importantes ventes d’armes de ces dernières années », a commenté un responsable cité par le Wall Street Journal. Il serait en effet question de 20 milliards de dollars.

L’administration Biden estime que la perspective de cette vente incitera la Turquie à lever ses dernières objections contre les candidatures de la Suède et de la Finlande, résume le Wall Street Journal.

Et celui-ci de se risquer à prédire que l’avis de la Defense Security Cooperation Agency [DSCA], chargée des ventes d’armes américaines, sera publié au moment de la visite à Washington de Mevlut Cavusoglu, le chef de la diplomatie turques, la semaine prochaine. Et si publication doit coïncider avec celui relatif à la vente de 30 F-35A à la Grèce, ce serait une « coïncidence », selon les sources du journal. Maus une coïncidence « heureuse » alors… puisqu’elle « pourrait étouffer les protestations d’Athènes » contre l’offre faite à la Turquie.

Une fois l’avis publié et transmis, le Congrès aura trente jours pour s’opposer à cette vente potentielle de F-16 à Ankara. Et la partie n’est sans doute pas jouée d’avance… Certains parlementaires parmi les plus en vue ayant déjà prévenu qu’ils s’y opposeraient. Comme Bob Menendez, le président [démocrate] de la commission des Affaires étrangères du Sénat.

En tout cas, et comme elle veut boucler rapidement cette affaire, la Turquie aurait fait savoir qu’elle est prête à faire assemnler les F-16 « Viper » par Turkish Aerospace Industries [TAI], d’après une information de Defence Turk.

Pour rappel, le F-16 Viper est équipé de la Liaison 16, d’un radar à antenne active [AESA] APG-83 SABR, d’un ordinateur de mission avancé, d’un Center Pedestal Display [affichage de suivi de terrain] et d’une connectivité améliorée. La Grèce doit en disposer de 85 exemplaires.

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