La Corée du Sud parle à nouveau de se doter de l’arme nucléaire

En 2017, alors que les tensions dans la péninusule coréenne étaient reparties de plus belle et que la Corée du Nord s’apprêtait à effectuer son plus puissant essai nucléaire après avoir lancé deux missiles balistiques intercontinentaux, une campagne appelant Séoul à se doter de l’arme nuclaire fut relancée par une partie de la presse sud-coréenne.

« Nous devons disposer de nos propres options militaires pour défaire le Nord » et « instaurer un équilibre de la terreur », fit ainsi valoir le journal Korea Economic Daily. « Toutes les options, même celles qui étaient impensables, doivent être mises sur la table » parce que « la catastrophe plane », avait enchéri le quotidien Chosun. « Le temps est venu d’évaluer les armes nucléaires » étant donné que la « confiance dans le parapluie nucléaire américain peut être ébranlée », soutint le Korea Herald. En outre, ces titres s’appuyaient sur des sondages favorables à une telle orientation…

Cela étant, cette campagne n’ébranla pas le président sud-coréen, qui était alors Moon Jae-In. « Les efforts de la Corée du Nord pour devenir un État nucléaire ne peuvent être acceptés ou tolérés » mais « nous n’allons pas développer ou posséder [des armes] nucléaires », avait-il lancé devant le Parlement, le 1er novembre de cette année-là. Puis, la détente dans les relations entre Pyongyang et Washington [et, par extension, Séoul] mit un terme au débat.

Quoi qu’il en soit, l’ambition de doter la Corée du Sud de l’arme nucléaire n’est pas nouvelle : elle fut celle du président Park Chung-hee [1962-79], qui y renonça sous la pression de Washington. Mais elle revient régulièrement dans le débat, surtout quand les tensions avec Pyongyang s’exacerbent, comme c’est le cas actuellement. D’autant plus que les États-Unis ont retiré leurs armes nucléaires tactiques du territoire sud-coréen en 1991, à la fin de la Guerre Froide.

Justement, à ce propos, il y a eu de la friture sur la ligne entre Séoul et Washington en ce début d’année, le président sud-coréen, Yoon Suk-yeol, ayant évoqué des discussions sur la planification de « manoeuvres conjointes incluant les actifs nucléaires américains »… Et de préciser que » si les armes nucléaires appartiennent aux États-Unis, la préparation, le partage d’informations, les exercices et les entraînements devraient être menés conjointement ». Sauf que, quelques heures plus tard, la Maison Blanche a démenti l’existence de tels pourparlers.

Les États-Unis et la Corée du Sud préparent « une réponse coordonnée et concrète à une série de scénarios, y compris une utilisation de l’arme nucléaire par la Corée du Nord » mais ces préparatifs n’incluent « pas d’exercices nucléaires conjoints », a en effet affirmé un porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la présidence américaine. Et d’insister : « Les États-Unis sont totalement dévoués à notre alliance avec la Corée du Sud et lui fournissent une capacité de dissuasion étendue, reposant sur toute la gamme de l’arsenal de défense américain ».

Le président Yoon a-t-il cherché à forcer la main des États-Unis, alors que le chef du régime nord-coréen venait d’annoncer son intention d’augmenter d’une façon exponentielle son arsenal nucléaire? Quoi qu’il en soit, il est revenu à la charge, le 12 janvier. Mais avec une approche différente, tranchant avec celle de son prédécesseur.

« La menace nucléaire nord-coréenne n’est plus seulement une menace pour la Corée du Sud, ou un problème pour les États-Unis qui ne font que protéger la Corée du Sud. […] Maintenant que le problème est devenu plus sérieux, nous pouvons déployer des armes nucléaires tactiques ici en Corée [du Sud], ou posséder nos propres armes nucléaires », a en effet lancé M. Yoon, lors d’une réunion avec ses ministres des Affaires étrangères et de la Défense. Dans le deuxième cas, a-t-il ajouté, « cela ne prendra pas beaucoup de temps d’en avoir une, au regard de nos capacités scientifiques et technologiques ».

Cela étant, M. Yoon a précisé qu’il est « toujours important de choisir un moyen réaliste » d’agir… En clair, la solution la plus raisonnable serait que les États-Unis déploient à nouveau des armes nucléaires en Corée du Sud… Quitte à fâcher, dans le même temps, la Chine?

En attendant, c’est la première fois qu’un président sud-coréen parle ouvertement de doter son pays de l’arme nucléaire depuis 1991… Mais cela supposerait que Séoul revoie ses engagements internationaux, à commencer par son adhésion au Traité de non-polifération nucléaire [TNP]. Et il lui faudrait lancer sans tarder des travaux allant dans ce sens, avec de lourds investissements, afin d’acquérir des savoir-faire clés, comme en matière de détonique, par exemple.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]