Les réticences turques n’étant pas levées, l’adhésion de la Suède à l’Otan en 2023 n’est pas encore garantie

Quand la Suède et la Finlande exprimèrent leur intention de rejoindre l’Otan, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, ne cacha pas ses réticences, estimant que ce serait une « mauvaise idée » en raison de la mansuétude de ces deux pays nordiques à l’égard du Parti des travailleurs du Kurdistan [PKK], considéré comme terroriste par l’Union européenne [UE] et les États-Unis, et du Fetö, l’organisation du prédicateur Fethullah Gülen, accusé d’avoir inspiré une tentative de coup d’État en Turquie, en juillet 2016.

Or, pour adhérer à l’Otan, il est nécessaire d’obtenir l’accord unanime des États qui en sont déjà membre… Aussi, la Suède et la Finlande risquaient de voir leurs plans contrariés pendant longtemps… Du moins tant qu’Ankara resterait sur ses positions.

Cependant, lors du sommet de l’Otan organisé à Madrid, en juin 2022, la Turquie, la Finlande et la Suède signèrent un accord censé débloquer la situation.

Ainsi, ayant confirmé considérer le PKK comme un mouvement terroriste, Stockholm et Helsinki s’engagèrent à ne fournir aucun soutien aux Kurdes syriens [liés politiquement aux Kurdes de Turquie, ndlr], à mener « la lutte contre le terrorisme avec détermination et résolution, conformément aux dispositions des documents et politiques de l’Otan », à condamner sans ambiguité toutes les organisations terroristes commettant des attaques » sur le sol turc et à renforcer leur coopération avec Anakara en matière de contre-terrorisme.

Cela étant, un dernier point était de nature à susciter quelques problèmes… En effet, les autorités suédoises et finlandaises acceptèrent également de traiter les demandes d’extradition de personnes soupçonnées de terrorisme adressées par Ankara de « manière rapide » et d’établir à cette fin les « cadres juridiques bilatéraux nécessaires ». Et, dans la foulée, une liste de 73 noms fut adressée par la Turquie à la Suède.

Pour autant, cet accord était loin de tout régler… Pour des questions juridiques, d’abord. « Des personnes non suédoises peuvent être extradées à la demande d’autres pays, mais seulement si c’est compatible avec la loi suédoise et la Convention européenne sur les extraditions », fit ainsi valoir, par la suite, Morgan Johansson, alors ministre suédois de la Justice.

Quoi qu’il en soit, et alors que 28 pays sur 30 ont donné leur accord, l’adhésion de la Suède et de la Finlande est encore loin d’être acquise. Si la Hongrie devrait normalement donner son feu vert, la Turquie pourrait encore traîner des pieds pendant un moment, même si, en décembre, elle a dit avoir relevé des « mesures positives » prises par Stockholm et Helsinki… tout en réclamant, toutefois, « d’autres pas importants » pour lever ses dernières objections.

« La Turquie confirme aussi bien que nous avons fait ce que nous avions dit que nous ferions, mais elle dit aussi qu’elle veut des choses que nous ne pouvons et ne voulons pas lui donner », a ainsi expliqué Ulf Kristersson, le Premier ministre suédois, lors de la conférence sur la défense et la sécurité de Sälen [Suède], à laquelle a assité Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan. Et d’ajouter : « Nous sommes convaincus que la Turquie va prendre une décision, nous ne savons juste pas quand ».

Le souci est que le sort d’Helsinki est lié à celui de la Stockholm. En clair, les deux capitales rejoindront l’Alliance ensemble à l’Otan… C’est d’ailleurs ce qu’a rappelé Pekka Haavisto son ministre des Affaires étrangères. « La Finlande n’est pas si pressée de rentrer dans l’Otan qu’on ne peut pas attendre que la Suède obtienne le feu vert », a-t-il en effet affirmé devant la presse.

Cependant, M. Stoltenberg se veut raisonnablement optimiste. « Je m’attends [à ce que l’adhésion ait lieu en 2023], mais je ne garantirai pas la date exacte, car il s’agit bien sûr d’une décision souveraine du Parlement turc et du Parlement hongrois, [qui] n’ont pas encore ratifié l’accord », a-t-il dit, lors d’un entretien accordé à l’AFP.

« Nous avons eu des négociations, et elles ont été assez exigeantes, […] lorsque la Turquie, la Finlande et la Suède sont convenues d’un mémorandum commun dans lequel elles décrivaient comment elles pouvaient intensifier leur collaboration, à la fois en ce qui concerne les exportations d’armes, mais aussi, par exemple, dans la lutte contre le terrorisme », a-t-il ensuite rappelé. Et d’ajouter : « La Finlande et la Suède ont respecté cet accord et se sont clairement engagées à avoir une coopération à long terme avec la Turquie sur ces questions. Par conséquent, le moment est venu de finaliser le processus d’adhésion et de ratifier le protocole d’adhésion ». Reste à voir quand…

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