Un canon électromagnétique sera-t-il financé par la prochaine Loi de programmation militaire?

En 2021, après une quinzaine d’années de recherches et avoir investi plus de 500 millions de dollars, l’US Navy fit savoir qu’elle renonçait à armer ses trois « destroyers » de type Zumwalt avec des canons électromagnétiques [ou Electromagnetic Railgun – EMRG] et qu’elle privilégierait à l’avenir les missiles hypersoniques.

Pour rappel, le principe d’un canon électromagnétique consiste à faire circuler un intense courant électrique associé à un cham magnétique entre deux rails conducteurs. Et, grâce à la force de Laplace, un projectile – également conducteur – introduit dans un tel dispositif subit une forte accélération, avant d’en être éjecté à une vitesse très élevée. Ce qui, théoriquement, permettrait d’atteindre une cible située à 200 km de distance.

Une telle arme présente plusieurs intérêts : elle est économique et évite le stockage d’explosifs à bord d’un navire. Mais comme toute médaille, elle a son revers : au-delà de la question de sa précision, elle exige une importante quantité d’énergie au moment du tir [d’où le choix du Zumwalt, avec sa capacité à générer plus de 75 mégawatts de puissance électrique] et elle suppose de fortes contraintes physiques sur les matériaux, lesquels sont donc susceptibles de s’user prématurément.

Pour autant, d’autres pays ont lancé des travaux similaires. La Chine en ferait partie, le navire d’assaut amphibie Haiyang Shan ayant été photographié, en 2019, avec une arme ressemblant à un canon électromagnétique. La France s’y intéresse également de près, l’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis [ISL] ayant entrepris des recherches dans ce domaine, avec les projets PEGASUS et RAFIRA.

Le premier est un « lanceur électromagnétique » utilisé pour faire évoluer la technologie et développer un « système d’accélération fiable afin d’obtenir de très longues portées ». Quant au second, il s’agit d’un canon de type « Railgun » de 25 mm, capable de « lancer des salves de cinq tirs consécutifs, à des cadences de tirs très élevées », avec des accélarations de de plus de 100’000 G. « Ce lanceur sert à étudier le potentiel d’une utilisation sur des navires dans la lutte antiaérienne », explique l’ISL.

Puis, en 2020, l’Institut fut retenu pour coordonner le consortium PILUM [Projectiles for Increased Long-range effects Using ElectroMagnetic railgun], retenu au titre du Programme de recherches Action préparatoire sur la recherche en matière de défense [PADR] de l’Union européenne.

Réunissant notamment les français Nexter et Naval Group, PILUM visait à démontrer la possibilité de « lancer des projectiles hyper-véloces avec précision sur une distance de plusieurs centaines de kilomètres », l’idée étant de voir s’il était envisageable de « créer une rupture technologique dans l’appui d’artillerie à longue distance ». Ce projet fut lancé en avril 2021, pour une durée de deux ans.

Visiblement, ces travaux tiennent leurs promesses, comme l’a laissé entendre Emmanuel Chiva, le Délégué général pour l’armement, lors d’une récente audition sur les enseignements de la guerre en Ukraine, à l’Assemblée nationale.

Le canon électromagnétique est une « arme extrêmement intéressante, qu’un nombre restreint de pays sont capables de développer. La France en fait partie, avec les États-Unis et le Japon – nous avons d’ailleurs entamé une coopération avec ce dernier », a dit M. Chiva.

Sauf erreur, cette coopération franco-japonaise n’avait pas été évoquée jusqu’à présent. Le projet de canon électro-magnétique nippon a été confirmé en janvier 2022, avec un financement de 56 millions de dollars.

Quoi qu’il en soit, un « prototype a été réalisé à l’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis », a poursuivi le DGA. Et, désormais, le « défi […] réside dans le passage à l’échelle », a-t-il ajouté.

« Plusieurs déclinaisons du canon électromagnétique peuvent être envisagées », a ensuite souligné M. Chiva. Celle qui permettrait d’envoyer un projectile à plusieurs centaines de kilomètres avec une accélération de 100’000 G « serait plutôt placée sur une plateforme navale » car « lorsqu’on a besoin d’un mur entier de condensateurs pour pouvoir stocker et libérer une grande quantité d’énergie de manière quasi instantanée – comme c’est le cas, d’une façon générale, pour les armes à énergie dirigée, qu’il s’agisse de lasers ou de systèmes électromagnétiques – cela suppose des infrastructures adaptées », a-t-il expliqué. Et d’ajouter : « Toutes les pistes sont à l’étude, y compris celle du nouveau nucléaire ».

En revanche, lorsqu’il s’agit de tirer un projectile sur des distances beaucoup plus courtes, de l’ordre d’une trentaine de kilomètres, « on peut envisager l’intégration de cette arme sur une plateforme terrestre, autrement dit sur un camion », a assuré le DGA. Et, dans ce cas, il serait « possible d’utiliser comme munitions des obus flèches classiques non explosifs, ce qui facilite la fabrication », a-t-il continué.

L’ISL mène actuellement un tel projet. « Cela fait partie des démonstrateurs ‘signants’, des dispositifs que nous souhaitons introduire dans la nouvelle loi de programmation militaire, qui a certes pour objet de permettre la remontée en puissance de nos armées, mais aussi d’éclairer l’avenir : il s’agit de préparer les guerres du futur avec du matériel de demain et non d’hier ou d’aujourd’hui », a confié M. Chiva aux députés. « Nous aimerions accélérer un peu la feuille de route en la matière », a-t-il même insisté.

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