Le projet allemand de défense aérienne européenne est un « peu surprenant », juge le Délégué général pour l’armement

Lors de la présentation de la Revue nationale stratégique [RNS] le 9 novembre, le président Macron a critiqué, sans la nommer, l’Allemagne pour son initiative « European Sky Shield », laquelle vise à fédérer plusieurs pays européens memres de l’Otan autour d’un système de défense aérienne, grâce à l’acquisition commune des capacités nécessaires.

En effet, pour le locataire de l’Élysée, la « défense aérienne de notre continent » est une « question stratégique, solidaire et aux multiples ramifications » qui « ne peut se résumer à la promotion d’une industrie nationale ou d’industries tierces aux dépens de la souveraineté européenne ».

Or, l’initiative lancée par Berlin, pour laquelle une quinzaine de pays ont fait part de leur intérêt, consisterait à déployer plusieurs systèmes de défense aérienne, dont l’IRIS-T SLM de Diehl Defence, le THAAD ou l’Arrow-3 [mis au point par Israël avec une aide américaine, ndlr] et le Patriot PAC-3. À aucun moment le système franco-italien Mamba [ou SAMP/T pour Sol Air Moyenne Portée – Terrestre] n’a été considéré par Berlin, pas plus que d’autres équipements développés par la France. Et c’est la raison pour laquelle Paris et Rome se tiennent à l’écart de ce projet allemand.

Projet qui, aux yeux d’Emmanuel Chiva, le Délégué général pour l’armement [DGA] est un « peu surprenant ». Et de s’en expliquer lors d’une audition à l’Assemblée nationale, organisé le 30 novembre 2022 [le compte-rendu vient d’être publié, nldr].

« La France est en mesure de répondre à plusieurs domaines de protection visés » par l’European Sky Shield Initiative [ESSI] : très courte portée, courte et moyenne portée, et intercepteurs endo-atmosphériques. Je ne reviens pas sur les capacités d’alerte avancée », a d’abord rappelé M. Chiva aux députés.

« Actuellement les Arrow 3 israéliens et des Iris-T allemands ne peuvent pas répondre aux besoins, dans la mesure où il n’y a pas d’interface permettant d’interconnecter ces systèmes opérationnels avec une structure unifiée en termes de C2, contrairement aux solutions françaises, qui disposent déjà des interfaces de programmation nécessaires », a ensuite expliqué le DGA.

En outre, observant que signer une lettre d’intention, comme l’on fait plusieurs pays de l’Otan, « ne constitue pas un engagement en soi », M. Chiva a insisté sur le fait que « l’exigence d’interconnectivié suppose de revenir vers la Commission européenne et l’Otan » et que « l’interopérabilité, ce n’est pas une ‘ITAR-opérabililité’, en référence à la réglementation américaine qui permet de contrôler les importations et exportations de composants d’équipements militaires. « Nous ne sommes pas obligés de prendre du matériel américain pour répondre à cet impératif », a-t-il dit.

Aussi, a conclu M. Chiva, il importe donc de pouvoir proposer des solutions, non seulement françaises mais européennes, et de construire ensemble un système de défense aérienne souverain et interopérable ».

Par ailleurs, lors quelques jours plus tôt, lors d’une autre audition à l’Assemblée nationale, le vice-amiral Hervé Bléjean, le directeur général de l’état-major de l’Union européenne, a également évoqué cette initiative allemande. Et pas dans des termes obligeants…

« Les positions de la France et de l’Allemagne sont aujourd’hui diamétralement opposées sur tous les sujets [y compris l’énergie, etc.]. L’initiative Sky Shield constitue un véritable ‘camouflet’ pour la France », a-t-il dit. « Même si ces enjeux dépassent mon niveau de responsabilité, je pense que nous devons inciter la commission à jouer son rôle. Le commissaire français, Thierry Breton, doit avoir une parole et des actions fortes dans le domaine de la préservation de la Base industrielle et technologique de défense européenne », a-t-il ensuite estimé.

En outre, a également soutenu l’amiral Bléjean, la « nationalité de la présidente de la Commissions [Ursula von der Leyen, qui est allemande, ndlr] transparaît régulièrement dans ses propos ». Et d’ajouter : « Le discours allemand tend notamment à revenir aux sources de l’Otan, et à faire de l’Union européenne un sujet de deuxième priorité ».

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