Taïwan va rétablir la durée du service militaire à douze mois

En 2012, le gouvernement taïwanais confirma son objectif de disposer de forces armées professionnelles fortes de 215’000 volontaires dans les deux ans à venir… mais sans pour autant renoncer à l’obligation pour les jeunes hommes âgés de plus de dix-huit ans de suivre une période de formation militaire de quatre mois au total.

Cette décision faisait suite à une réduction continue de la durée du service militaire, celle-ci ayant été à 14 mois en 2007, puis à 12 mois en 2009. Et elle était en partie motivé par des considérations sociologiques. En effet, on parlait à l’époque de « génération Fraise » pour qualifier la jeunesse taïwanaise, celle-ci passant pour être trop « gâtée », désobéissante, égoïste, arrogante et même paresseuse au travail.

Ce concept traduisait-il vraiment une réalité ou bien était-il trop sévère à l’endroit des jeunes taïwanais? Toujours est-il que le niveau militaire des conscrits n’était alors pas à la hauteur de ce qu’il aurait dû être. D’où la volonté de Taipei d’aller vers une armée professionnelle.

Seulement, depuis, la situation sécuritaire de l’île a évolué, sous l’effet de la pression de plus en plus forte exercée par Pékin, qui la considère comme une province rebelle. Le jour de Noël, l’Armée populaire de libération [APL] a de nouveau envoyé 71 avions dans la zone d’idendification de défense aérienne [ADIZ] taïwanaise…

Et ce qui passait autrefois pour quelque chose d’inédit est maintenant devenu une routine. Seule la composition des formations chinoises repérées dans les environs de Taïwan peut parfois recéler quelques surprises, comme le 12 décembre, avec l’envoi d’un nombre « record » de bombardiers stratégiques Xian H-6.

Cependant, et d’après le dernier rapport sur les capacités militaires chinoise remis par le Pentagone au Congrès des États-Unis, une invasion de Taïwan par la Chine ne serait pas imminente [mais tout le monde n’est pas aligné sur cette évaluation]. Et cela pour plusieurs raisons, dont la modernisation non encore achevée de l’APL, laquelle se concentre sur les opérations multidomaines, le coût politique qu’elle pourrait avoir pour Pékin et la complexité de la planification d’une telle opération amphibie.

Évidemment, à Taïwan, on s’inquiète des intentions de Pékin… D’où les commandes massives d’équipements militaires auprès des États-Unis. Commandes qui sont a priori compliquées à honorer, les livraisons d’armes américaines aux forces taïwanaises accusant un retard de 19 milliards de dollars. Retard qui pourrait d’ailleurs s’accentuer avec l’aide militaire apportée par Washington à Kiev, même si la loi de financement de la défense américaine promet 10 milliards de dollars supplémentaires à Taipei. Encore faut-il que les industriels puissent suivre…

Quoi qu’il en soit, il n’est désormais plus question de « génération Fraise » à Taïwan… d’autant plus que les forces armées du pays peinent à recruter et fidéliser son personnel.

En effet, ce 27 décembre, la présidente taïwanaise, Tsai Ing-wen a décidé de « rétablir le service militaire d’un an à partir de 2024 », étant entendu que la période actuelle de quatre mois est « insuffisante pour répondre à la situation en constante et rapide évolution ». C’est une « décision extrêmement difficile » mais « nécessaire pour « garantir le mode de vie démocratique pour nos générations futures », a-t-elle fait valoir. Cette mesure concernera tous les hommes nés après le 1er janvier 2005.

À noter que Taïwan n’est pas le premier pays à faire machine arrière au sujet du service militaire. La Suède, qui l’avait suspendu en 2010 à une courte majorité au Parlement, l’a rétabli huit ans plus tard. Officiellement pour remédier aux difficultés de recrutement de ses forces armées… Mais cette décision a aussi prise dans le cadre d’une refonte de la politique de défense du pays, avec la menace russe en toile de fond. La Lituanie et, plus récemment, la Lettonie, ont également remis la conscription au goût du jour.

Photo : Soldats taïwanais – CC BY-SA 3.0

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