Selon Washington, le groupe paramilitaire russe Wagner se procure des armes auprès de Pyongyang

En théorie, les sociétés militaires privées [SMP] n’ont pas droit de cité en Russie, en vertu du Code pénal, dont l’article 359 interdit les activités militaires à l’étranger en dehors de celles menées par les forces régulières. Et ceux qui s’aviseraient d’y déroger risquent des peines allant de 7 à 15 ans de prison. Et cela, avait-il été expliqué, parce que le ministère de la Défense et les services de sécurité russes [dont le FSB] voulaient éviter l’apparition d’organisation armées qui, financées par des oligarques, étaient susceptibles de finir par nuire aux intérêts de l’État.

En revanche, dans la pratique, il en va autrement puisque le Kremin tolère les groupes paramilitaires, pourvu que ceux-ci servent ses intérêts. Plusieurs ont donc vu le jour, dont Slavonic Corps [immatriculuée à Hong Kong], RSB Group [établi à Moscou] et, évidemment, Wagner, qui a récemment inauguré son siège social à Saint-Petersbourg.

Fondée par Dmitri Outkine, un ancien du GRU [renseignement militaire] et par Evgueni Prigojine, surnommé le « cuisinier de Poutine », le groupe Wagner permet à la Russie d’étendre son influence en Afrique, comme on l’a vu en Libye, au Mozambique [mais sans réel succès] en Centrafrique et au Mali. Et le Burkina Faso pourrait s’ajouter prochainement à cette liste. Il a également été engagé en Syrie… Et, actuellement, il participe à la guerre en Ukraine, où il serait engagé dans les combats de Bakhmout.

Son implication y est d’ailleurs difficile à cerner. En avril, un responsable européen, cité par l’AFP, avait affirmé que 10’000 à 20’000 mercenaires ou combattants syriens et libyens étaient engagés aux côtés des forces russes. Il n’est pas évident « d’estimer combien exactement de ces 10 à 20.000 hommes appartiennent au groupe Wagner », avait-il admis.

Cela étant, un mois plus tôt, le renseignement britannique avait publié une estimation plus « raisonnable », en avançant qu’un peu plus d’un milliers d’employés de Wagner avaient été déployés dans le Donbass [sud-est de l’Ukraine]. Et il s’en était tenu à cette évaluation jusqu’à 23 décembre. En effet, selon la BBC, les effectifs du groupe paramilitaire auraient augmenté significativement pour atteindre les 20’000 combattants. Soit 10% du total des forces russes sur le terrain.

« Le groupe joue désormais un rôle beaucoup plus visible dans la guerre en Ukraine » et, ayant « troqué la qualité contre la quantité », il est désormais confronté aux mêmes défis et aux mêmes pertes sur le champ de bataille que l’armée russe au sens large », ont expliqué des responsables britanniques à la BBC.

Pour étoffer ses rangs, Wagner aurait massivement recruté dans les prisons. Du moins, c’est ce que suggèrent les renseignements de source ouverte, le nombre de détenus ayant chuté de 23’000 entre septembre et novembre, période durant laquelle le groupe cherchait des combattants.

Quoi qu’il en soit, recruter est une chose… Mais équiper les recrues en est une autre. Or, d’après le Conseil de sécurité national de la Maison Blanche, la Corée du Nord aurait livré un lot important d’armes au groupe Wagner.

« La Corée du Nord a fait une première livraison à Wagner, qui a payé pour ces équipements. Le mois dernier, [elle] a livré en Russie des obus et des missiles destinés à Wagner », a en effet affirmé John Kirby, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale. Et de préciser que le groupe paramilitaire dépense « 100 millions de dollars chaque mois pour ses opérations en Ukraine ».

À noter que le renseignement américain ne fait pas la même évaluation que celle de son homologue britannique au sujet de l’engagement de Wagner en Ukraine…. Puisqu’il estime que le groupe y compterait 50’000 combattants…

« Il n’y a eu aucune transaction d’armes avec la Russie », a démenti la diplomatie nord-coréenne. Ce qui est exact en théorie… puisque Wagner n’est pas une émanation du gouvernement russe stricto sensu. Quant à M. Prigojine, il a assimilé les propos de John Kirby à des « ragots ». « Tout le monde sait que la Corée du Nord n’a pas fourni depuis longtemps des armes à la Russie. Et aucune démarche de ce type n’a été effectuée », a-t-il dit, via un communiqué.

Quoi qu’il en soit, pour Washington, « il est évident […] que Wagner est en voie de devenir une puissance rivale de l’armée russe régulière et d’autres ministères russes ». Qui plus est, a expliqué M. Kirby, « depuis des mois, l’armée russe compte sur Wagner pour mener le combat dans certaines zones du Donbass et dans certains cas, les officiers russes sont en réalité soumis aux ordres de Wagner ».

Cependant, les troupes de ce groupe paramilitaire sont « mal équipées et mal entraînés », ce qui expliquerait leurs « lourdes pertes », notamment à Bakhmout. Quant à M. Prigojine, a poursuivi M. Kirby, il « n’a aucune considération pour la vie humaine » et « semble s’intéresser beaucoup plus à son influence au Kremlin qu’aux hommes qu’il recrute pour se battre en Ukraine. Tout ce qui compte pour lui est de faire bonne figure auprès [de Vladimir] Poutine ».

Par ailleurs, l’Iran entend poursuivre ses livraisons d’armes à la Russie. C’est en effet ce qu’a déclaré David Barnea, le chef du Mossad [renseignement extérieur israélien], lors d’un discours prononcé le 22 décembre. Ce qui, au passage, confirme les soupçons des États-Unis, lesquels ont dit s’inquiéter, le 10 décembre, du « partenariat militaire à grande échelle » et « toujours plus approfondi » entre Moscou et Téhéran.

« Nous mettons en garde contre les intentions futures de l’Iran, que ce pays tente de garder secrètes, qui sont d’approfondir et d’étendre ses livraisons d’armes perfectionnées à la Russie », a affirmé . Barnea. « Nous avions déjà braqué les projecteurs sur les livraisons d’armes à la Russie, malgré les mensonges de l’Iran […] qui nous sont familiers », a-t-il rappelé.

Photo : Archive

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