La Serbie a demandé à l’Otan l’autorisation de déployer des troupes dans le nord du Kosovo

Pendant des mois, la volonté de Pristina de contraindre la population serbe du Kosovo à remplacer les plaques d’immatriculation serbes de leurs véhicules par celles délivrées par les autorités kosovares a été une source récurrente de tensions, au point que l’Otan a un temps envisagé de renforcer l’effectif de la KFOR, la force qu’elle maintient depuis 1999 dans ce territoire autrefois rattaché à la Serbie, et dont l’indépendance n’est pas unanimement reconnue, y compris parmi les pays membres de l’Alliance atlantique et de l’Union européenne [UE].

Finalement, et alors que le pire était à craindre, un compromis a fini par être trouvé en novembre, sous l’égide de l’UE. Ainsi, Belgrade a pris l’engagement de ne plus délivrer de plaques d’immatriculation aux Serbes de son ancienne province tandis que Pristina ne remplacera pas celles qui existent déjà. Pour autant, cela n’a visiblement pas mis fin aux tensions, comme en témoignent les incidents de ces dernières heures.

En effet, dans le nord du Kosovo, où est principalement établie la minorité serbe, des centaines de personnes ont protesté contre l’arrestation d’un ancien policier serbe, suspecté d’être impliqué dans la contestation contre le remplacement des plaques minéralogiques délivrées par Belgrade.

En outre, l’approche d’élections locales – auxquelles principaux partis politiques serbes ont dit vouloir boycotter – a échauffé les esprits. Des fusillades et des explosions ont ainsi été entendues, le 8 décembre, alors que des responsables chargés d’organiser le scrutin visitaient deux municipalités du nord du Kosovo. Puis des barricades ont ensuite été érigées sur une route menant à deux points de passage situés à la frontière avec la Serbie.

Bien que la date des élections a finalement été reportée au 23 avril prochain, les tensions ont persisté. Dans la nuit du 10 au 11 décembre, des inconnus ont échangé des tirs avec des policiers. « Les unités de police, en situation d’autodéfense, ont été forcées de répondre avec leurs armes aux personnes et groupes criminels, qui ont été repoussés et sont partis dans une direction inconnue », a ainsi indiqué la police kosovare.

En outre, une grenade assourdissante a été lancée vers une patrouille d’EULEX, la Mission ‘état de droit’ de l’UE au Kosovo. « Cette attaque, comme celles contre des membres de la police du Kosovo, sont inacceptables », a réagi cette dernière, via un communiqué. « Nous appelons toutes les parties à éviter les provocations et à contribuer au calme et à la stabilité », a, de son côté, commenté Oana Lungescu, la porte-parole de l’Otan.

C’est dans ce contexte que le président serbe, Aleksandar Vučić, a demandé à la KFOR l’autorisation de déployer un milliers de soldats dans le nord du Kosovo, conformément à ce que prévoit la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies. Jamais, jusqu’ici, une telle requête n’avait été faite par Belgrade.

Cela étant, la résolution 1244 précise qu’un « effectif convenu de personnel yougoslave et serbe sera autorisé à revenir afin d’accomplir les tâches suivantes : assurer la liaison avec la présence internationale civile et la présence internationale de sécurité, baliser les champs de mines et déminer et maintenir une présence dans les lieux du patrimoine serbe » ainsi qu’aux « principaux postes frontière ».

Évidemment, la demande serbe est restée lettre-morte [d’ailleurs, M. Vučić ne se faisait aucune illusion à son sujet, a-t-il dit]. « Le Kosovo a réduit les tensions en reportant les élections locales. La rhétorique récente de la Serbie a fait le contraire. Suggérer d’envoyer des forces serbes au Kosovo est totalement inacceptable. Il en va de même pour les dernières attaques contre EULEX. Tout mon soutien va au dialogue mené par l’UE », a ainsi résumé Annalena Baerbock, la ministre allemande des Affaires étrangères.

Une position nettement plus tranchée que celle affichée par Paris. « La France est très préoccupée par la situation au nord du Kosovo et condamne fermement l’attaque inacceptable contre la mission EULEX Kosovo ainsi que tous les actes de violence sur le terrain. Elle appelle vivement les parties à la plus grande retenue et à faire preuve de responsabilité pour faire baisser les tensions », a fait savoir le Quai d’Orsay.

« J’appelle les Serbes du nord à être calmes et pacifiques, à ne pas tomber dans les provocations et à respecter EULEX et KFOR » et « avant de recevoir des ordres, et à l’exception de l’alerte et de la préparation au combat, nos soldats essaieront un million de fois de préserver la paix », a cependant affirmé le président serbe, à l’issue d’un conseil de défense réuni le 11 décembre.

Par ailleurs, proche alliée de la Serbie, la Russie a appelé « à régler les tensions » entre Belgrade et Pristina par le dialogue.

« Nous sommes favorables à ce que les parties fassent des efforts de nature pacifique afin que cette situation soit résolue par des moyens diplomatiques », en effet déclaré Dmitri Peskvo, le porte-parole du Kremlin, ce 12 décembre. « Nous sommes favorables à ce que tous les droits des Serbes soient garantis », a-t-il ajouté.

La veille, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, avait cependant tenu un autre discours, accusant l’UE de « façonner » la situation au Kosovo pour « provoquer » des tensions pouvant mener « au bord de la guerre ».

Quoi qu’il en soit, il serait tentant de lier ces tensions récurrentes à la volonté de Pristina de rejoindre l’Otan. Volonté récemment exprimée par Vjosa Osmani Sadriu, la présidente kosovare. « Nous sommes exposés aux efforts persistants de la Russie pour saper le Kosovo et déstabiliser l’ensemble des Balkans occidentaux », avait-elle affirmé, en mars dernier. Et d’estimer que, par conséquent, « l’adhésion du Kosovo à l’Otan [était] devenue un impératif ».

Photo : armée serbe

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