M. Lecornu : « Il est encore trop tôt pour dire si on aura besoin d’un nouveau porte-avions »

Le 5 décembre, au Sénat, lors de l’examen des crédits de la mission « Défense » dans le cadre du projet de loi de finances 2023, le groupe « communiste républicain citoyen et écologiste » a présenté un amendement visant à couper le financement des études actuellement menées pour le porte-avions de nouvelle génération [PA NG] pour le réorienter vers l’action 09 « Engagement et combat » du Programme 146 « Équipement des forces ».

« Il s’agit d’un amendement d’appel », a expliqué le sénateur Pierre Laurent, durant la séance. « Nous sommes interrogatifs sur le programme du futur porte-avions et sur sa compatibilité avec les orientations qui sont données s’agissant des conflits de haute intensité », a-t-il enchaîné.

« Nous nous interrogeons sur la vulnérabilité de ce système d’armement, qui demande, pour être sécurisé, a fortiori dans un conflit de haute intensité, des moyens considérables », a ensuite développé M. Laurent, avant d’évoquer les « enjeux de souverainetée, en rappelant que l’embargo décidé par les États-Unis sur les composants des catapultes du Charles de Gaulle afin de « punir » la France pour son opposition à la guerre en Irak, en 2003.

Rapporteur spécial de la commission des Finances pour les crédits de la mission Défense, le sénateur Dominique de Legge a opposé un avis défavorable sur cet amendement. « S’il était adopté, les interrogations de nos collègues ne pourraient pas trouver de réponses, puisque les crédits destinés à réaliser des études seraient ainsi supprimés. Cela entraînerait en outre un allongement certain des délais et une remise en cause de l’un des fleurons de l’armée française : l’aéronavale », a-t-il fait valoir.

Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, s’est aussi dit dévaforable à cet amendement… Seulement, son intervention [voir à 12:17:56] peut susciter des doutes sur l’avenir du PA NG…

« On a besoin des études. Déjà parce qu’il y le porte-avions en tant que tel mais vous avez aussi tout le volet des études qui concernent la propulsion nucléaire. Or, ces études pour la propulsion nucléaire du futur porte-avions nous servent également sur la nouvelle génération de SNLE 3G [sous-marins nucléaires lanceurs d’engins] ou d’ailleurs aussi, actuellement, sur la classe de sous-marin nucléaire d’attaque [SNA] Barracuda. Donc […] nous devons garder un savoir-faire français et une autonomie française, liée à notre dissuasion », a d’abord déclaré M. Lecornu.

Pour rappel, les SNA de la classe Barracuda sont chacun dotés d’une chaufferie nucléaire K-15, la même que celle utilisée par les SNLE de type Le Triomphant ainsi que par le porte-avions Charles de Gaulle [qui en a deux, nldr].

Ensuite, M. Lecornu a déclaré qu’il « est trop tôt pour dire si, oui ou non, on aura besoin d’un nouveau porte-avions. On acte que oui, c’est pour ça qu’il y a des études ». Cela voudrait-il dire que la construction du PA NG n’est pas encore inscrite dans le marbre?

« Je suis un militant du fait de garder un groupe aéronaval. Je pense qu’il est très compliqué de parler d’Indo-Pacifique et d’avoir des partenariats avec de grandes marines, notamment l’Inde, sans disposer d’un groupe aéronaval. Il me semble aussi qu’un groupe aéronaval peut avoir du sens pour la défense éventuelle de nos territoires d’outre-mer », a toutefois enchaîné le ministre.

Cependant, a-t-il poursuivi, « il ne faut pas balayer d’un revers de main » les arguments développés dans l’amendement présenté par le sénateur Laurent. « La question de la vulnérabilité sur un engagement majeur revient souvent. J’ai demandé que l’état-major de la marine soit à la disposition des parlementaires dans le cadre de la construction de la prochaine LPM [Loi de programmation militaire, ndlr] pour mieux réaffirmer les missions opérationnelles », a dit M. Lecornu. Et de demander, en guise de conclusion : « Qu’attend-on d’un porte-avions? ».

Cela étant, les responsables de la Marine nationale ont, à maintes reprises, expliqué en quoi la vulnérabilité d’un porte-avions n’était pas forcément un sujet… [d’ailleurs, cette question ne se pose pas pour un porte-hélicoptères amphibie, moins bien protégé que ne l’est le Charles de Gaulle, par exemple…]. Et de faire remarquer sur les pays qui cherchent à se procurer des missiles « tueurs de porte-avions » sont aussi les mêmes qui développement leurs capacités aéronavales, comme la Chine.

« S’agissant du projet de nouveau porte-avions, nous en discutons régulièrement avec nos camarades britanniques, italiens et américains. Des mots même de l’amiral Gilday, mon homologue américain, […] un groupe aéronaval est un summum de protection », a encore récemment fait valoir l’amiral Pierre Vandier, le chef d’état-major de la Marine nationale, lors de son passage devant la commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense.

« Par ailleurs, a-t-il insisté, si le concept de porte-avions était dépassé, les Américains n’en construiraient pas 11, les Britanniques, les Italiens et les Turcs deux. Sans oublier les Chinois qui débutent la construction de leur 4ème porte-avions, qui sera potentiellement à propulsion nucléaire. Ce discours peut s’appliquer à toutes les capacités dont nous disposons ».

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