La Chine compte sept industriels parmi les vingt principaux producteurs mondiaux d’armement

Les apparences sont souvent trompeuses… Sous l’effet de la montée des tensions dans l’Indo-Pacifique et, plus récemment, de la guerre en Ukraine, les industriels de l’armement accumulent les contrats. Seulement, prendre les commandes est une chose et les exécuter en est une autre. C’est en effet ce que souligne la dernière étude de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm [SIPRI].

Ainsi, en 2021, le chiffre d’affaires des cent principaux industriels de l’armement a certes progressé de 1,9% en termes réels par rapport à l’année précédente. Cependant, cette hausse est inférieure à la moyenne de +3,7% qui avait été constatée durant les quatre années ayant précédé la pandémie de covid-19, laquelle perturbé la production et, surtout, les chaînes d’approvisionnement en matières premières et en semi-conducteurs.

Résultat : le chiffre d’affaires des quarante groupes américains présents dans le « Top 100 » établi par le SIPRI, s’est élevé à 299 milliards de dollars en 2021, soit un résultat en recul de 0,8% en termes réels.

« L’Amérique du Nord est la seule région à avoir enregistré une baisse du chiffre d’affaires par rapport à 2020 », constate l’institut suédois, pour qui « la forte inflation dans l’économie américaine » explique aussi en partie ce résultat.

Cela étant, huit groupes américains du secteur l’armement figurent dans le « top 20 » du classement du SIPRI, Lockheed-Martin, Raytheon, Boeing, Northrop Grumman et General Dynamics occupant même les cinq premières places.

Le premier industriel européen du « top 20 » est le britannique BAE Systems [6e], suivi de l’italien Leonardo [12e], d’Airbus [15e] et des français Thales [16e] et Dassault Aviation [19e].

Selon le SIPRI, 27% des entreprises du Top 100 ont leur siège social en Europe. Et leur chiffre d’affaires a augmenté de 4,2%, pour atteindre 123 milliards de dollars. Ce résultat est tiré vers le haut par la France [+15%], l’Italie [+15%] et l’Allemagne [+5,6%]. À noter que le premier industriel allemand, Rheinmetall, occupe la 31e place du classement.

« La plupart des entreprises européennes spécialisées dans l’aérospatial militaire ont déclaré des pertes pour 2021, qu’elles imputent aux perturbations dans les chaînes d’approvisionnement », relève Lorenzo Scarazzato, chercheur au programme dépenses militaires et production d’armement du SIPRI. « En revanche, les constructeurs navals européens semblent avoir été moins touchés par les retombées de la pandémie et ont pu augmenter leurs ventes en 2021 », a-t-il ajouté.

Exception au constat dressé par le chercheur : Dassault Aviation, qui a su tirer son épingle du jeu en livrant 25 avions Rafale à ses clients, l’an passé. « Le chiffre d’affaires issu des ventes d’armes de l’entreprise enregistre une forte augmentation de 59 % pour atteindre 6,3 milliards de dollars en 2021 », note en effet l’institut suédois.

Quoi qu’il en soit, pour les industriels américains et européens, l’enjeu des prochains mois sera se sécuriser les chaînes d’approvisionnement en matières premières et en semi-conducteurs.

« Nous aurions pu nous attendre à une croissance encore plus importante du chiffre d’affaires issu des ventes d’armes en 2021 sans les problèmes persistants dans les chaînes d’approvisionnement », commente Lucie Béraud-Sudreau, la directrice du programme dépenses militaires et production d’armement du SIPRI. Et d’ajouter : « Des entreprises d’armement des plus petites aux plus grandes ont déclaré que leur chiffre
d’affaires avait été affecté au cours de l’année ».

La guerre en Ukraine ne va évidemment pas améliorer la situation, en raison des sanctions économiques infligées à la Russie, qui, par exemple, est l’un des principaux producteurs de titane, essentiel à l’industrie aérospatiale. « Cela pourrait entraver les efforts en cours, aux États-Unis et en Europe, pour renforcer leurs forces armées et reconstituer leurs stocks après avoir envoyé des milliards de dollars de munitions et d’autres équipements à l’Ukraine », note le SIPRI, qui n’a pas évoqué le sujet, pourtant crucial, de l’énergie. Un problème qui se posera avec acuité aux industriels européens dans les prochaines semaines…

Quant à l’industrie russe de l’armement, elle connaît aussi des difficultés. En 2021, son chiffre d’affaire n’a progressé que de 0,4%, pour s’établir à 17,8 milliards de dollars. Et les six entreprises russes figurant dans le classement du SIPRI ont toutes perdu des positions, à l’exception de KTRV [ou Tactical Missiles Corporation], qui produit des missiles. La première, OAK [ou United Aviation Corp., UAC], a perdu sept places en un et se trouve désormais au 30e rang.

Dans le même temps, les industriels chinois ont le vent en poupe. En 2019, trois d’entre eux figuraient dans le « top 20 ». Un an plus tard, et malgré la pandémie de covid-19, ils étaient quatre à en être… Et d’après les derniers chiffres du SIPRI, on en compte désormais sept!

Ainsi on trouve NORINCO [7e], AVIC [8e], CASC [9e], CETC [10e], CASIC [11e], CSSC [14e] et CSGC [20e]. Et la CNNC, c’est à dire la Compagnie nucléaire nationale chinoise, arrive à 64e place du « Top 100 ». Cette progression s’explique en partie par la demande intérieure [c’est à dire par la modernisation rapide des capacités de l’Armée populaire de libération] mais aussi par les exportations, qui ont sensiblement augmenté au cours de ces dernières années.

« Le total des ventes d’armes des huit entreprises d’armement chinoises de la liste s’élève à 109 milliards de dollars, soit 6,3 % d’augmentation », estime le document. En outre, la Chine a consolidé son industrie militaire au cours des années 2010. Ce qui fait que, par exemple, la CSSC [China State Shipbuilding Corporation] est devenue « le plus grand constructeur naval militaire au monde, après une fusion entre deux entreprises existantes et des ventes d’armes s’élevant à 11,1 milliards de dollars », explique Xiao Liang, un chercheur du SIPRI.

Photo : Char VT4 de NORINCO

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