Au Sénat, un amendement au projet de budget 2023 envisage une « alternative » française au SCAF

Bis Repetita! Pour la seconde fois en une semaine, un accord entre Dassault Aviation et Airbus au sujet de l’avion de combat de nouvelle génération [NGF – New Generation Fighter], c’est à dire le pilier n°1 du Système de combat aérien du futur [SCAF], a été prématurément annoncé.

Pour rappel, désigné maître d’oeuvre, Dassault Aviation négocie fermement avec les filiales allemande et espagnole d’Airbus la répartition de la charge de travail relative à la phase 1B de ce programme. Seulement, son statut de « meilleur athlète » étant contesté par Airbus Defence & Space pour certains domaines [notamment celui des commandes de vol], l’industriel français n’entend rien céder. Y compris sur les questions relatives à sa propriété intellectuelle.

Ce bras de fer dure maintenant depuis près de deux ans… Et certains s’impatientent, au point d’aller plus vite que la musique, comme l’a fait le gouvernement allemand, le 18 novembre, celui-ci s’étant félicité d’un accord industriel… qui n’existait pas. C’est « pseudo annonce politique qui a été faite », a grincé Éric Trappier, le Pdg de Dassault Aviation, sur les ondes de RTL, trois jours plus tard.

Puis, lors d’un déplacement à Berlin, le 25 novembre, Mme le Premier ministre, Elisabeth Borne a, à son tour, fait état d’un accord entre les deux industriels concernés… alors qu’elle tenait une conférence de presse au côté d’Olaf Scholz, le chancelier allemand. « Ce n’est pas fait », a rétorqué un porte-parole de Dassault Aviation, sollicité par Reuters.

Quoi qu’il en soit, tant que cet accord ne sera pas signé, la phase 1B du SCAF, dont le financement n’a été autorisé que du bout des lèvres par le Bundestag en juin 2021, ne pourra pas être lancée… Sans doute finira-t-elle par l’être… Le soixantième anniversaire du Traité franco-allemand de l’Élysée pouvant être l’occasion de marquer le coup, à grand renfort de communication. Pour autant, si chaque prochaine étape de ce programme doit donner lieu à des négocations aussi compliquées, le NGF ne prendra pas son envol de sitôt… D’autant plus qu’il restera à la merci des députés allemands, lesquels ne se privent pas de critiquer la « mainmise française » sur ce projet.

Cela étant, des parlementaires français commencent à s’agacer de l’attitude allemande dans cette affaire. À l’Assemblée nationale, certains sont allés jusqu’à évoquer un « plan B » en cas d’échec de cette coopération avec l’Allemagne [sans oublier l’Espagne]. Plan B dont Éric Trappier évoque régulièrement…

Mais, le Sénat a visiblement l’intention d’aller beacoup plus loin. En effet, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances [PLF] 2023, sa commission des Finances a adopté un amendement qui, soumis par Dominique de Legge, propose de financer des études « destinées à établir les conditions de faisabilité d’un projet de chasseur de nouvelle génération financée par la France en dehors de toute coopération ».

Pour cela, le texte propose une ouverture de 10 millons d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement au profit du programme 144 « Environnement et prospective de la Défense ». Ce qui paraît modeste au regard des enjeux… Mais comme l’a expliqué le sénateur Cédric Perrin, lors des travaux de la commission des Affaires étrangères et de la Défense, cet amendement vise à rappeler au gouvernement qu’il doit « donner des garanties sur la préservation d’un certain nombre d’intérêts stratégiques de la France ». Et d’insister : « Les besoins de nos armées devront être pris en compte – dissuasion et navalisation -, de même que la protection de la propriété intellectuelle. Les règles d’exportation doivent être clarifiées ».

Plus précisement, prenant acte du retard déjà accumulé par le SCAF et des difficultés à s’entendre entre les trois pays impliqués dans ce programme, l’amendement estime nécessaire d’explorer la faisabilité d’un « plan B » national « afin d’anticiper une éventuelle impasse des négocations », mais sans pour autant remettre en cause le « plan A » dans l’immédiat. Et le tout en faisant valoir que « chaque jour de retard supplémentaire dans les négociations est un jour perdu pour la préparation des armées françaises à la guerre aérienne du futur ».

En outre, s’agissant des négocations avec l’Allemagne et l’Espagne, l’amendement insiste sur le fait que la France « doit rester ferme sur certains points d’intérêt national essentiels, tels que la capacité à fournir des équipements et systèmes d’armes répondant au degré d’autonomie dans l’action » qu’elle souhaite. Ou encore comme le « maintien sur la durée d’une industrie indépendante des règlementations étrangères, en termes de contrôle des exportations notamment ».

En agissant de la sorte, le Sénat répond au Bundestag, lequel a récemment adopté une résolution pour exiger du gouvernement allemand « une meilleure prise en compte des intérêts de l’industrie » tant le SCAF que dans la projet MGCS [char du combat du futur].

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