Selon le général Burkhard, la Russie « développe une stratégie de long terme » en Ukraine

Dans un ordre du jour diffusé le 22 avril dernier, le chef d’état-major des armées [CEMA], le général Thierry Burkhard, avait commenté les déboires des forces russes en Ukraine en portant un regard sévère sur leur chaîne hiérarchique, l’accusant d’avoir menti à tous les niveaux.

« Les chefs militaires russes ont menti. À leurs dirigeants politiques d’abord, en leur laissant croire que l’efficacité opérationnelle de l’armée russe lui pemettrait de remporter une victoire rapide en Ukraine. […] À leurs subordonnés ensuite, sur les buts de l’opération, sur la situation en Ukraine et pire encore, sur leur capacité à leur donner les moyens de remplir leurs missions. […] Enfin, et ce n’est sans doute pas le moins grave, les chefs militaires russes se sont également menti à eux mêmes », avait estimé le CEMA.

Et de souligner que « l’organisation et le commandement ont largement fait défaut », avec des unités russes qui ont « notamment cruellement manqué d’une logistique et d’un soutien efficaces, au moins au début de la campagne », ce qui « avec les erreurs tactiques et opératives », a donné lieu à des « faiblesses rédhibitoires », ayant « sonné le glas des ambitions russes initiales ».

Depuis, après avoir échoué à s’assurer du contrôle de la région de Kiev, et au-delà des coups durs qu’elles ont subis [naufrage du croiseur Moskva, attaque du pont de Crimée, etc], les forces russes ont été mises en grandes difficulté par la contre-offensive ukrainienne lancée en septembre grâce à l’aide militaire occidentale. Ce qui a d’ailleurs contraint le Kremlin à battre le rappel de 300’000 réservistes et à confier, après la perte de la ville stratégique de Lyman, la direction des opérations au général Sergueï Sourovikine, décrit comme étant « sans état d’âme » après s’être fait connaître durant la seconde guerre de Tchétchénie et, surtout, lors de l’intervention russe en Syrie.

Actuellement, et après le retrait russe de la ville de Kherson, capitale de l’un des quatre régions annexées par la Russie, la ligne de front s’est stabilisée. Dans le même temps, les forces russes visent les infrastructures critiques ukrainiennes, alors qu’il est régulièrement avancé qu’elles seraient à court de munitions… Ce que n’accrédite pas l’ampleur des frappes qu’elles ont effectuées en Ukraine durant ces derniers jours… Du reste, l’Iran leur fournit des munitions vagabondes Shahed-136 [ou Geran-2], des drones, voire, bientôt, des missiles [si cela n’est déjà fait]. En outre, en septembre, le président russe, Vladimir Poutine, avait exhorté les industriels de l’armement à accélérer leurs livraisons…

Cela étant, il n’en reste pas moins que les forces russes contrôlent toujours près de 20% du territoire ukrainien… Et que l’hiver va probablement figer les belligérants sur leurs positions.

Lors son audition au Sénat sur le projet de loi de finances 2023, le 19 octobre dernier [le compte-rendu vient d’être publié, ndlr], le général Burkhard a commenté les derniers développements de cette guerre. Et, visiblement, la période qui s’ouvre s’annonce extrêmement délicate.

« En Ukraine, la Russie développe une stratégie de long terme. Certes, elle est en difficulté, mais cela ne suffit pas à la détourner de ses objectifs », a ainsi estimé le CEMA. Et, selon lui, « le rappel des réservistes […], de l’ordre de plusieurs centaines de milliers d’hommes ne changera pas immédiatement le cours des opérations mais cela montre que les Russes réfléchissent à la suite des opérations au-delà de l’hiver ».

Justement, les conditions météorologiques hivernales, « en ralentissant les opérations militaires » annoncent une « période critique dans le champ des perceptions » ainsi qu’une « période difficile pour la cohésion du camp occidental, car les leviers énergétiques seront utilisés à plein par la Russie », a expliqué le général Burkhard.

« Les Russes ont aussi effectué des bombardements sur des cibles à usage dual – installations électriques, centres de distribution d’eau -, qui ne visaient pas à affaiblir l’armée ukrainienne mais à atteindre d’abord la résilience de la nation ukrainienne à l’approche de l’hiver », a encore souligné le CEMA, pour qui « nous ne devons pas nous démobiliser ». Et de conclure : « L’enjeu pour la France est d’affirmer sa crédibilité militaire sur le haut du segment ».

Photo : Archive

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]