Mobilité militaire : L’Union européenne veut disposer d’une capacité de transport aérien « hors gabarit »

En 2018, alors que des exercices de l’Otan venaient de mettre en évidence les difficultés pour des troupes de passer d’un pays européen à un autre, la Commission européenne, via son Service pour l’action extérieure [SEAE] dévoila un plan visant à améliorer la « mobilité militaire » au sein des États membres de l’UE.

« L’objectif est de travailler ensemble au niveau européen afin de garantir que les réseaux routiers et ferroviaires soient adaptés au transport militaire et de simplifier et de rationaliser les règles nationales pour le déplacement rapide et sans heurt des troupes et des véhicules militaires sur le continent en cas de crise », était-il souligné dans ce plan.

Celui-ci prévoyait d’abord de renforcer les synergies civiles et militaires, avec un soutien financier pour des projets d’infrastructures à double usage [civil et militaire] et de s’attaquer aux contraintes administratives, en simplifiant les règles « relatives aux douanes » et « au transport de marchandises dangereuses », tout en encourageant l’élaboration « d’arrangements » entre les États membres, en particulier pour les « autorisations de circulation transfrontalières ». En clair, l’idée était de mettre en place un « Schengen militaire ».

Pour cela, il fut envisagé, pendant un temps, de financer les mesures de ce plan avec un budget de 6,5 milliards d’euros, à la faveur du cadre financier pluriannuel [CPF] de l’UE pour la période 2021-27. Finalement, et malgré les incidents récurrents entre l’Ukraine et la Russie, notamment au sujet du Donbass, il fut décidé de réduire ce montant à seulement 1,5 milliard d’euros, en juillet 2020.

Pour autant, la Commission européenne assure que ce plan a été « pleinement mis en oeuvre », avec notamment l’harmonisation des règles sur le transport de marchandises dangereuses, une nouvelle directive prévoyant une exonération de TVA et d’accises pour les activités militaires dans le cadre de l’UE ou encore la simplication des formalités douanières « par l’introduction d’une note d’orientation pour l’utilisation du formulaire UE 302 ».

Seulement, soit ce plan n’était pas assez ambitieux ou soit il était incomplet… En tout cas, des problèmes restent à résoudre, comme l’a récemment montré l’impossibilité pour l’armée de Terre d’envoyer ses chars Leclerc en Roumanie par les routes allemandes, aucune dérogation à la réglementation en vigueur outre-Rhin n’ayant pu être obtenue.

D’où la trentaine de nouvelles mesures proposées par la Commission européenne, dans le cadre du « plan d’action sur la mobilité militaire 2.0 » qu’elle a dévoilé le 10 novembre. Et visiblement, il y a encore beaucoup à faire pour simplifier les procédures administratives et harmoniser les règles en matière de transport militaire entre les pays membres de l’UE. De même que pour la mise aux normes des des infrastructures [ports, routes, rail aéroports].

« Nos routes, nos ponts doivent permettre le déploiement rapide de toutes les capacités militaires d’un côté de l’UE à l’autre, de l’ouest vers l’est », a résumé Josep Borrell, le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. « Or, pour l’instant, le rail, les routes et les ports des pays européens appliquent des normes parfois différentes, tandis que la bureaucratie ralentit les passages aux frontières », a-t-il ajouté.

« L’un des principaux enseignements tirés de la livraison d’armes et de matériel militaire à l’Ukraine pour contrer l’invasion russe est que chaque seconde compte. Une mobilité militaire rapide est essentielle pour réagir aux crises survenant à nos frontières et au-delà. Un travail considérable a été accompli jusqu’à présent, mais la boussole stratégique a fixé des ambitions plus élevées, et nous honorons nos engagements », a également affirmé M. Borrell.

Selon lui, ce « plan d’action sur la mobilité militaire 2.0 » doit permette de remédier aux « goulets d’étranglement existants » pour que les forces armées puissent « se déplacer rapidement et efficacement ». Et il est question faire en sorte que celles-ci aient « accès à des capacités de transport stratégique » et que les « infrastructures soient mieux protégées contre les cybermenaces et les autres menaces hybrides ».

S’agissant des procédures douanières, le plan propose des les accélérer gràce à leur numérisation. Il s’agira aussi de recencer les « éventuelles lacunes dans les infrastructures » et de mettre en place une chaîne d’approvisionnement en carburant [ou de « noeuds logistiques »], afin de « soutenir les mouvements à grande échelle des forces militaires à court préavis ». Sur ce point, le document parle de « renforcer l’efficacité énergétique et la résilience des systèmes de transport [face] au changement climatique ». Et la coopération avec l’Otan devra être accrue.

Mais ce nouveau plan porte une nouveauté : il met l’accent sur la nécessité pour l’UE de disposer d’une capacité de transport aérien stratégique, en particulier pour le fret hors gabarit ou dangereux [comme les munitions]. D’autant plus que, pour le moment, il est compliqué de compter sur les avions de type Antonov.

Aussi, l’Agence européenne de la défense [AED] « pourrait fournir le cadre nécessaire pour adapter des capacités civiles de transport de fret hors gabarit à des fins militaires, en maximisant les synergies civilo-militaires ». Et de citer le projet SATOC [Strategic Air Transport for Outsized Cargo], lancé dans le cadre de la coopération structurée pemanente [ou PESCO]. À noter que, dans ce domaine, Airbus propose une solution basée sur ses avions « hors gabarit » Beluga ST.

Par ailleurs, le plan de la Commission propose une approche identique pour les « besoins éventuels en moyens de transport maritime et ferroviaire spécialisé ».

Quant au financement de ces mesures, l’enveloppe de 1,6 milliard d’euros du CPF 2021-27 n’y suffira évidemment pas. Aussi, le « Mécanisme pour l’interconnexion en Europe », dont l’objet est le financement de projets d’infrastructures de transport à double usage, ainsi que le Fonds européen de la Défense [FEDef] seront mis à contribution.

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