Le Bundestag menace de bloquer le Système de combat aérien du futur et le char de combat franco-allemand

En juin 2021, le comité des Finances du Bundestag [chambre basse du Parlement allemand] se décida à débloquer le budget nécessaire pour permettre le lancement de la phase 1B du Système de combat aérien du futur, programme dirigé par la France, en coopération avec l’Allemagne et l’Espagne. Pour autant, les députés allemands refusèrent de signer un chèque en blanc étant donné qu’ils n’accodèrent qu’une fraction de l’enveloppe qui leur était demandée de voter.

Cette décision du Bundestag permit ensuite la signature de l’arrangement d’application n°3 [IA3] par les trois impliqués. Ce qui ouvrait théoriquement la voie au développement de démonstrateurs. Seulement, maître d’oeuvre pour l’avion de combat de nouvelle génération devant être au centre de ce « système de systèmes » que doit être le SCAF, Dassault Aviation entend garder les leviers lui permettant d’assurer le rôle pour lequel il a été désigné. Ce que lui conteste Airbus. D’où le blocage qui persiste encore actuellement… et qui fait que le programme est au point mort.

Un autre projet associant l’Allemagne et la France est également enlisé, en raison, là encore, de désaccords entre les industriels concernés. En effet, le Main Ground Combat System [MGCS – char du combat du futur] est encore au stade de l’étude d’architecture, laquelle a été prolongée plusieurs fois, faute d’une entente entre Rheinemetall [imposé par Berlin alors que ce n’était pas prévu au départ] et Nexter sur le canon et les munitions du futur char.

Ces blocages font que, en France, l’idée d’un « plan B », en particulier pour le SCAF, est de plus en plus souvent ouvertement évoquée lors des débats parlementaires, y compris par des membres de l’actuelle majorité. Cela a ainsi été le cas lors de la discussion sur le budget 2023 de la mission « Défense », le 27 octobre dernier, à l’Assemblée nationale. « Ne soyons pas naïfs face aux difficultés rencontrées. Notre volontarisme ne doit pas nous conduite à ignore les risques d’échec des coopérations engagées, a fortiori lorsqu’elles se heurtent à des blocages qui se multiplient », a, par exemple, affirmé le député Mounir Belhamiti [Renaissance] dans l’Hémicycle.

Le Bundestag a aussi évoqué l’avenir de ces coopérations quand il s’est agi, le 11 novembre, de décider de porter à 50,1 milliards d’euros les dépenses militaires allemandes en 2023 et de débloquer une première tranche de 8,4 milliards d’euros sur les 100 milliards dont doit être doté le fonds spécial visant à moderniser la Bundeswehr.

Ainsi, une « résolution » a été adoptée en marge de ces discussions budgétaires. Pour rappel, au moment de lancer le SCAF et le MGCS, les députés d’outre-Rhin avaient exigé de faire avancer ces deux projets au « même rythme » et une meilleure prise en compte des intérêts de l’industrie allemande.

Or, selon le texte qu’il vient d’adopter, le Bundestag estime que ces deux conditions ne sont actuellement pas remplies… alors qu’elles sont essentielles à ses yeux pour libérer de nouvelles ressources à l’avenir. Aussi demande-t-il au gouvernement du chancelier Olaf Scholz de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que, « le plus rapidement possible », le MGCS et le SCAF progressent au même rythme.

En outre, il lui demande également « d’épuiser toutes les possibilités pour faire aboutir des accords particulièrement nécessaires pour l’industrie », notamment en vue de « consolider l’industrie allemande de l’armement terrestre », de veiller à ce que les pays partenaires « coopèrent entre eux sur un pied d’égalité » et d’étendre les mesures prises en faveur du développement, de la production et de la disponibilité de « technologies clés nationales » pour l’Allemagne. « Cela inclut, en particulier, la participation d’entreprises allemandes à des projets nationaux et internationaux […] de démonstrateurs », est-il précisé dans la résolution.

Reste que, sauf à trouver un prétexte pour les remettre en cause, lier le MGCS et le SCAF n’a pas de sens étant donné qu’il s’agit de deux programmes de nature foncièrement différente en termes d’enjeux et qu’ils ont chacun leur calendrier propre…

En clair, établir une sorte de parallèlisme entre eux reviendrait à les paralyser. C’est d’ailleurs ce qu’avait fait valoir Florence Parly, quand elle était ministre des Armées. Qui plus, s’il a voté les crédits nécessaires pour la phase 1B du SCAF, le Bundestag n’en a toujours fait autant pour passer à l’étape du MCGS…

Photo : Essai du système d’arme d’ASCALON – Nexter

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