L’armée de l’Air et de l’Espace veut récupérer une capacité de suppression des défenses aériennes ennemies

Depuis la fin des années 1990, l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] ne dispose de missiles anti-radar, comme l’AS-37 MARTEL [Matra Anti-Radar TELévision], lequel était emporté par le chasseur-bombardier Jaguar. Et il s’en est fallu de peu pour qu’elle perde aussi sa capacité à établir un ordre de bataille électronique adverse, les nacelles ASTAC [Analyseur de Signaux TACtiques] ayant failli être retirées du service en même temps que les Mirage F1CR… Finalement, celles-ci ont pu être maintenues grâce à l’initiative d’un député qui fit voter, en 2010, un amendement pour les adapter aux Mirage 2000D.

L’abandon de la capacité à supprimer les défenses aériennes adverses [SEAD – Suppression of Enemy Air Defenses] a notamment été justifié par le fait que les chasseurs-bombardiers de l’AAE et de l’Aéronautique navale évoluerait dans des environnements dits permissifs. Ce qui n’est plus le cas désormais, avec la généralisation des moyens d’interdiction et de déni d’accès [A2/AD] et le retour de la « haute intensité ».

Pour autant, dans une réponse à un député qui l’interrogeait sur l’opportunité de développer un Rafale F4 de guerre électronique doté de missiles anti-radar, le ministère des Armées a expliqué que cela n’apparaissait « pas nécessaire pour assurer le maintien de notre supériorité opérationnelle ».

Et, estimant que les systèmes adverses « sont de plus en plus interconnectés, pleinement intégrés, redondants et beaucoup plus robustes », le ministère a ensuite estimé que cette évolution nécessiterait une « nouvelle approche vis-à-vis de ce type de défense », reposant sur la capacité à « appliquer des effets diversifiés et synchronisés sur ses différents constituants [centres de commandement et de contrôle, moyens de communication, réseaux, radars, systèmes sol-air…] pour en dégrader le fonctionnement ».

Cela étant, la force aérienne ukrainienne a démontré l’intérêt de disposer de missiles anti-radar, en particulier des AGM-88 HARM, fournis par les États-Unis. Et elle a même réussi le tour de force à les adapter à ses MiG-29 « Fulcrum », alors qu’ils ont été conçu pour être mis en oeuvre par des chasseurs-bombardiers occidentaux.

Quoi qu’il en soit, l’AAE est désormais déterminée à récupérer une capacité SEAD qui lui fait maintenant défaut. Les auditions parlementaires du général Stéphane Mille, son chef d’état-major [CEMAAE] n’ont pas encore été publiées… Mais, à l’Assemblée nationale, lors des débats portant sur les crédits de la mission Défense pour 2023, le député [LR] Jean-Louis Thiériot en a partiellement révélé la teneur.

« Tous ceux d’entre nous qui sont membres de la commission de la défense ont entendu le général Stéphane Mille, qui évoquait les missiles antiradars et plaidait pour une accélération du projet – lequel constitue probablement une des briques du SCAF [Système de combat aérien du futur, SCAF] – en le lançant dès maintenant. Si le SCAF se fait, tant mieux, sinon, on récupérera cette brique pour les missiles antiradars dont nous avons besoin », a en effet lâché le député de Seine-et-Marne.

Par ailleurs, la nécessité de récupérer une capacité SEAD pour l’AAE a également été défendue dans l’avis budgétaire publié par le député [RN] Frank Giletti.

« Le conflit actuel en Ukraine démontre également l’importance de disposer d’équipements de suppression des systèmes de défense sol-air dites SEAD. Or, l’armée de l’Air et de l’Espace ne dispose plus d’une telle capacité depuis 1999 […]. Cette rupture de capacité pouvait certes se justifier dans un contexte où les missions des aéronefs étaient effectuées exclusivement dans un environnement […] dans lequel la supériorité aérienne de nos forces était incontestée », a d’abord rappelé M. Giletti. Cependant, a-t-il continué, « le retour de la haute intensité rend indispensable pour nos forces armées de reconstituer des capacités SEAD, garantes de notre capacité à entrer en premier dans un environnement contesté » et « cette situation exige d’accélérer le programme Armement Air Sol Futur [AASF] ».

Cela étant, des solutions peuvent rapidement être trouvées pour remédier à ce déficit capacitaire. Évidemment, il y a celle d’un « achat sur étagère » de l’AGM-88 HARM américain. Mais une option européenne existe, avec le SPEAR-EW [voir photo] mis au point par MBDA, en partenariat avec Leonardo, pour l’Eurofighter.

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