Le ministère des Armées obtient une rallonge budgétaire de plus d’un milliard d’euros pour 2022

Par le passé, les surcoûts des opérations extérieures [OPEX] furent systématiquement sous-estimés au moment de voter le budget de l’État. La différence devait alors être comblée par un financement interministériel, dans le cadre d’une loi de finances rectificatives qui, votée en fin de gestion, prenait également en compte d’autres dépenses imprévues. Et cela n’était pas sans conséquences sur les ressources du ministère des Armées dans le mesure où celui-ci y contribuait à la hauteur de son « poids budgétaire », ce qui se traduisait généralement par des annulations de crédits, en particulier dans le programme 146 « Équipement des forces ».

En 2017, il fut décidé de faire autrement, avec une provision « OPEX » devant être progressivement portée à 1,1 milliard d’euros d’ici 2020 [voire à 1,2 milliard, en tenant compte des missions intérieures ou MISSINT]. Et si cette enveloppe s’avérait insuffisante, un recours à la solidarité ministérielle était prévu, comme précisé par l’article 4 par la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25.

Seulement, ces dernières années, et malgré cette effort de « sincérité », les surcoûts liés aux opérations extérieures ont toujours plus élevés que prévu. Pour autant, le gouvernement n’a pas fait jouer la clause décrite dans l’article 4 de la LPM, la différence ayant été financée par le ministère des Armées, via des redéploiements internes de crédits. Du moins était-ce vrai jusqu’à maintenant.

En effet, on s’attendait à une facture des opérations extérieures et des missions intérieures pour 2022 particulièrement salée, notamment en raison du départ de la force Barkhane du Mali [le retrait d’un théâtre est toujours coûteux], du renforcement du flanc oriental de l’Otan après l’invasion de l’Ukraine par la Russie et de la contribution françaises à d’autres opérations en cours, tant au Levant qu’au Moyen-Orient ou en Méditerranée. Et effectivement, celle-ci va dépasser les 2 milliards d’euros. Ce qui ne s’est jamais vu jusqu’à présent.

Pour financer la différence, le gouvernement n’a toujours pas l’intention de recourir à la solidarité ministérielle. En revanche, grâce en partie à des recettes fiscales plus importantes qu’attendu, le ministère des Armées bénéficiera d’une ouverture de crédits supplémentaires, à hauteur d’environ 1,4 milliard d’euros. Tel est en effet ce que prévoit le projet de loi de finances rectificative [le second de l’année, nldr] qui a été dévoilé lors du dernier Conseil des ministres.

Dans le détail, une enveloppe de 1,1 milliard d’euros sera débloquée pour financer les surcoûts des OPEX/MISSINT, cette somme devant s’ajouter à la provision initale de 1,2 milliard. En outre, et comme le prévoit l’article 5 de la LPM, le ministère des Armées bénéficiera de 200 millions d’euros de plus pour tenir compte de la hausse du coût des « carburants opérationnels ».

« Au-delà des ouvertures prévues à hauteur de 0,2 Md€ sur les carburants opérationnels, ce PLFR prévoit également 1,1 Md€ d’ouvertures de crédits sur le programme 178 ‘Préparation et emploi des forces’, dans un contexte notamment marqué par la guerre en Ukraine », est-il en effet expliqué dans le projet de loi.

Et celui-ci de préciser : « Il s’agit de couvrir les surcoûts liés aux activités opérationnelles des forces armées [qu’il s’agisse du coût des opérations extérieures, de celui des missions intérieures ou encore de la contribution de la France au renforcement du flanc oriental de l’OTAN], mais aussi de financer de manière plus globale la mise en cohérence des moyens de nos forces armées avec l’évolution actuelle du contexte géostratégique, que ce soit en matière d’activité des forces ou de financement d’achats de matériels de déploiement et de munitions ».

À noter que, comme l’a souligné le député François Cormier-Bouligeon dans son avis sur les crédits devant être alloués à l’armée de Terre en 2023, les missions opérationnelles sont pour le moment financées « par dérogation » au titre des surcoûts OPEX.

« Les missions opérationnelles, bien qu’assimilables à des OPEX, n’en reçoivent pas pour autant la qualification à ce jour, ce qui les exclut en principe du dispositif de prise en charge des dépenses OPEX/Missions intérieures inscrits à l’article 4 de la loi de programmation militaire », a ainsi relevé le député.

Par ailleurs, le programme 146 « Équipement des forces » sera abondé de 100 millions d’euros, afin de financer le fonds spécial qui doit bénéficier à l’armée ukrainienne.

Quoi qu’il en soit, le ministère des Armées a salué un « rectificatif historique », à la hauteur des « circonstances actuelles ».

« Cet effort sans précédent s’ajoute à la hausse de +1,7 milliard d’euros en loi de finances initiales 2022. Il répond aux besoins d’adaptation des forces armées face aux bouleversements intervenus cette année, notamment dans l’Est de l’Europe », a-t-il fait valoir. « Cette progression sensible des ressources s’inscrit dans la tendance de fond prévue par la loi de programmation militaire. Au cours des cinq dernières années, le budget alloué à nos armées a gagné au total 36% de crédits supplémentaires, pour atteindre 2% du PIB en 2023 », a-t-il conclu.

Photo : Char Leclerc en Roumanie © État-major des armées

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