Les États-Unis tentent de garder la trace des armes fournies aux forces ukrainiennes
Pour l’aider contrer l’invasion russe d’une partie de son territoire, l’Ukraine a reçu une énorme quantité d’armes et d’équipements de toutes sortes, du fusil d’assaut au missile anti-char en passant par les lance-roquettes et autres missiles sol-air portatifs [MANPADS]. Et, fort de l’expérience des conflits passés, il est à craindre de voir certaines d’entre elles tomber entre de mauvaises mains. Tel, en tout cas, la mise en garde lancée par Jürgen Stock, le directeur général d’Interpol, en juin dernier.
« La grande disponibilité d’armes pendant le conflit actuel entraînera la prolifération d’armes illicites dans la phase post-conflit », avait en effet déclaré M. Stock, exhortant les pays donateurs à « tracer » les armes livrées aux forces ukrainiennes. « Les criminels sont déjà en train, en ce moment même, de se concentrer sur cela », avait-il ajouté, estimant que l’Union européenne [UE] allait devenir une « destination probable » d’armes détournées car leur « prix sur le marché noir sont nettement plus élevés en Europe, notamment dans les pays scandinaves ».
Le directeur d’Interpol avait vu juste… En effet, le 30 octobre, une responsable du Bureau national d’enquête [NBI] finlandais a confié à la radio-télévision publique nationale Yle que des groupes criminels avaient mis la main sur des armes originellement destinées à l’Ukraine. « Nous avons vu des signes que ces armes ont déjà trouvé leur chemin vers la Finlande », a-t-il dit. Et de mettre en cause des « gangs de motards », tel le « Bandidos MC », implanté dans les grandes villes ukrainiennes.
Ce phénomène ne concerne pas seulement la Finlande : trois autres paus de l’Union européenne [UE], savoir la Suède, le Danemark et les Pays-Bas, seraient aussi confrontés à de tels trafics, qui transitent par les voies maritimes.
Pourtant, en juillet, l’UE avait pris les devants avec la mise en place d’un « hub de soutien pour pour la sécurité intérieure et la gestion des frontières » en Moldavie afin, justement, de prévenir tout trafic d’armes.
Par ailleurs, ayant promis à Kiev une aide militaire s’élevant, pour le moment, à 18 milliards de dollars, les États-Unis s’inquiètent aussi de voir les armes livrées à l’armée ukrainienne être détournées… par forcément par des réseaux criminels mais plutôt par les forces russes et leurs supplétifs.
« La saisie d’armes ukrainiennes par les forces russes a été le principale cause de détournement jusqu’à présent. Et cela pourait entraîner des transferts ultérieurs. […] La Russie utilisera probablement aussi ces armes pour servir sa propagande […] ou mener des opérations sous fausse bannière », a ainsi expliqué la diplomatie américaine, dans une note d’information.
« Le gouvernement ukrainien s’est engagé à protéger et à comptabiliser de manière appropriée les équipements militaires d’origine américaine qui lui ont été transférés », a-t-elle par ailleurs rappelé, soulignant qu’un tel travail est rendu difficile par la nature « chaotique » des combats. Et d’ajouter : « Les États-Unis continueront de [l’] aider à comptabiliser et à sécuriser les armes, dans la mesure où les conditions de sécurité le permettront ».
D’où la mobilisation, sur le terrain, de militaires affectés à l’ambassade des États-Unis en Ukraine, auprès de l’attaché de défense. Ainsi, selon le général Pat Ryder, un porte-parole du Pentagone, une « petite équipe » a effectué de « multiples inspections » d’équipements livrés aux forces ukrainiennes « au cours des deux derniers mois sur des sites en Ukraine ». Ceux-ci, a-t-il continué, « ne sont pas proches des lignes de front ». Enfin, a-t-il soutenu, il n’y a, à ce jour, « aucune preuve d’un détournement généralisé de l’aide américaine ».
En outre, aussi précisé le général Ryder, les autorités ukrainiennes fournissent également des rapports sur les pertes et les dommages infligés aux équipements fournis. Enfin, il a aussi insisté sur le fait qu' »aucune force américaine ne mène d’opération de combat en Ukraine », les inspecteurs étant des personnels « affectés à la coopération et à l’assistance en matière de sécurité, auprès de l’attaché de Défense ».