Paris et Londres veulent de nouveau approfondir leur relation en matière de défense

Les accords de Lancaster House, signés en novembre 2010, promettaient un renforcement significatif de la coopération entre la France et le Royaume-Uni en matière en défense, tant sur le plan industriel que sur celui des opérations. Cependant, douze ans plus tard, leur bilan est contrasté.

Certes, la pleine capacité opérationnelle de la Force expéditionnaire commune interarmées [Combined Joint Expeditionary Force – CJEF], formée par des unités de l’armée de Terre et de la British Army, a été prononcée [au bout de dix ans…]. Et la Royal Air Force a mis trois hélicoptères de transport lourds [HTL] CH-47 Chinook à la disposition de la force Barkhane, au Sahel. En outre, un sous groupement tactique interarmes [S/GTIA] français est déployé en Estonie, sous commandement britannique, dans le cadre de l’Otan. Par ailleurs, la Royal Navy a engagé, au moins à une reprise, l’un de ses « destroyers » au sein du groupe aéronaval français… Et les porte-avions Charles de Gaulle et HMS Queen Elizabeth ont manoeuvré ensemble, lors de l’exercice Gallic Strike 21.

Enfin, de par leur proximité « culturelle » et leurs capacités communes, et aux côtés de leurs homologues américaines, les forces françaises et britanniques ont pris part à l’opération Hamilton, menée en avril 2018 contre le programme syrien d’armes chimiques.

Était-il possible d’en faire plus, au niveau bilatéral, lors de ces dernières années? Possible… En revanche, s’agissant de l’industrie de défense, quelques programmes ont pris du retard quand d’autres ont été annulé… ou réduit à leur plus simple expression.

Si les accords de Lancaster House ont permis un rapprochement franco-britannique en matière de dissuasion nucléaire [traité « Teutates »], de missiles anti-navire léger [ANL/Sea Venom et de guerre des mines [programme MMCM, pour Maritime Mines Counter Measures] ou encore de faire aboutir l’initiative « One Complex Weapons » en s’appuyant sur MBDA, le programme FMAN-FMC [Futur Missile Antinavire / Futur Missile de Croisière] a connu quelques turbulences en raison des différends politiques entre Paris et Londres.

Différends politiques qui auront été fatals à d’autres programmes d’armement ambitieux, le drone MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] Telemos ayant été abandonné, de même que le projet de drone de combat « SCAF », pour lequel Français et Britanniques s’étaient engagés à financer à hauteur de deux milliards d’euros, en 2016.

Malgré le cadre offert par les accords de Lancaster House, la France et le Royaume-Uni ont emprunté des voies différentes pour le renouvellement de capacités militaires clés, Paris ayant ainsi privilégié, à partir de 2017, des coopérations avec l’Allemagne [SCAF pour l’aviation de combat, MGCS pour le char du futur, MAWS pour la patrouille maritime, EuroMale pour les drones MALE, etc].

De leur coté, les Britanniques se sont aussi tournés vers les industriels allemands pour la modernisation de leurs chars Challenger 2 et l’acquisition de blindés Boxer… Et ils ont lancé leur programme Tempest, appelé à rivaliser avec le SCAF.

Seulement, si les relations franco-britanniques ont pu être très fraîches ces dernières années [Brexit, quotas de pêche, prise en charge des migrants, affaire des sous-marins australiens, etc], les rapports entre Paris et Berlin ne sont actuellement pas au beau fixe… loin de là. Notamment à cause du blocage des programmes d’armement SCAF et MGCS, faute d’entente entre les industriels impliqués, mais aussi de l’OPA allemande sur la défense aérienne eurpéenne, des désaccords sur les questions énergétiques et de l’attitude à adopter face à la Chine, l’Allemagne étant par ailleurs sur le point d’autoriser le chinois COSCO à prendre une participation de 24,9% au capital du port de Hambourg.

Ainsi, le conseil des ministre franco-allemand qui aurait dû avoir lieu en octobre a été « reporté » [si ce n’est annulé] pour, officiellement, des impératifs de calendrier, comme si un tel évènement n’était pas prévu longtemps à l’avance… Et la rencontre entre le président Macron et le chancelier Olaf Scholz, le 26 octobre, n’aura pas permis d’aplanir les différends entre les deux pays. Signe qui ne trompe pas : aucune conférence de presse n’a été donnée à l’issue de leur entretien, contrairement aux usages.

« Les relations sont désormais si glaciales entre Emmanuel Macron et Olaf Scholz […] qu’ils n’osent même pas être vus ensemble », a commenté Politico Europe, qui y a vu un « camouflet » pour le chancelier allemand, venu à Paris « avec une équipe de journalistes au complet ».

Ce coup de froid sur les relations franco-allemande va-t-il revivifier la coopération entre Français et Britanniques en matière de défense? Il est trop tôt pour le dire.. En tout cas, ce n’est pas exclu. Le 6 octobre, en marge du premier sommet de la Communauté politique européenne, M. Macron s’est entretenu avec Liz Truss, alors cheffe du gouvernement britannique. Et il a été question d’organiser un sommet entre les deux pays en 2023 et d’approfondir « la coopération bilatérale, en particulier dans le domaine de l’énergie » et du nucléaire.

Trois semaines plus tard, alors que Mme Truss a quitté le 10 Downing Street, son successeur, Rishi Sunak, s’est à son tour entretenu, par téléphone, avec M. Macron. Et, cette fois, le sujet de la défense a été abordé, au même titre que l’énergie nucléaire.

M. Macron « a dit sa disponibilité à travailler étroitement » avec M Sunak « pour approfondir la relation bilatérale entre la France et le Royaume-Uni, notamment dans les domaines de la défense, des affaires stratégiques et de l’énergie. Ils sont à cet égard convenus d’avancer dans la préparation d’un sommet bilatéral en 2023 », a en effet indiqué la présidence de la république. « Les deux dirigeants ont également dit leur détermination de coopérer face aux défis communs, que ce soit à l’échelle continentale ou mondiale », a-t-elle ajouté.

De l’autre côté de la Manche, les services de M. Sunak ont évoqué un « large éventail de domaines dans lesquels la coopération franco-britannique est vitale », citant la guerre en Ukraine, la défense, l’éconmie ou bien encore l’énergie nucléaire [pour laquelle la coopération est appelée à « s’accroître »].

Reste maintenant à voir quelle forme prendra ce renforcement de cette coopération militaire entre la France et le Royaume-Uni… Jusqu’à présent, rien de bien précis n’a été avancé. On en saura sans doute plus lors du prochain sommet franco-britannique que MM. Macron et Sunak ont dit « attendre avec impatience ».

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