La future Loi de programmation militaire devrait faire de l’artillerie longue portée une priorité

Étant donné que, dans les années 2000, l’engagement de haute intensité ne faisait pas partie des hypothèses de travail, les arbitrages budgétaires alors rendus à l’époque ont conduit à une réduction assez signficative des capacités de l’armée de Terre dans le domaine de l’artillerie.

C’est ainsi qu’il a été décidé de transférer huit systèmes Sol-Air Moyenne Portée / Terrestre [SAMP/T] « Mamba » à l’armée de l’Air & de l’Espace, étant entendu que les forces terrestres allaient évoluer dans des environnements « permissifs », c’est à dire exempt, ou presque, de menace aérienne.

En outre, le format des unités d’artillerie a été taillé « au plus juste », ce qui fait que l’armée de Terre ne peut pas aller au-delà des 18 CAESAr [Camions équipés d’un système d’artillerie] qu’elle a déjà cédés à l’Ukraine. Enfin, l’artillerie longue portée a été sacrifiée, avec seulement 13 Lances-roquettes unitaires [LRU] en dotation, dont huit seraient pleinement opérationnels. Et encore, il est question d’en céder aux forces ukrainiennes.

Or, justement, les premiers retours d’expérience [RETEX] de la guerre en Ukraine soulignent l’importance de l’artillerie, qui est un « facteur clé » de la supériorité opérationnelle. Or, dans sa vision stratégique de 2020, l’armée de Terre souligne que ses « capacités doivent lui permettre de surclasser ses adversaires ».

Dans son avis budgétaire relatif aux forces terrestres, le député François Cormier-Bouligeon a évoqué les réflexions actuellement menée dans le cadre de la préparation de la prochaine Loi de programmation militaire, sur laquelle le Parlement aura à se prononcer en 2023. Et l’artillerie figure logiquement parmi les priorités, en particulier celle de longue portée.

Récemment, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], le général Pierre Schill, avait identifié cinq points d’attention, dont la défense sol-air basse couche [avec une capacité sol-air sous blindage], les drones, tant pour le renseignement que pour des frappes, les systèmes d’information et de communication [SIC], les capacités de franchissement et la mobilité terrestre.

Selon les auditions qu’il a menées pour rédiger son rapport, M. Cormier-Bouligeon avance que des efforts seront à mener dans les domaine des appuis en termes de renseignement, des moyens de commandement et de contrôle [C2] afin de les rendre « plus efficaces, discrets, furtifs, et résilients » et… l’artillerie.

Sur ce dernier point, il serait donc question de « densifier l’artillerie de contact », et donc le nombre de CAESAr en service, voire celui de Griffon MEPAC [Mortier embarqué pour l’appui au contact] dont 54 exemplaires ont été commandés, ainsi que l’artillerie longue portée.

« Les personnes auditionnées […] se sont, par ailleurs, accordées sur la nécessité de prioriser les équipements qui devront faire l’objet d’un effort rapide dans la prochaine loi de programmation militaire. Il ressort ainsi des échanges menés, qu’un effort financier à court terme devrait porter sur les feux dans la profondeur », écrit M. Cormier-Bouligeon. En Ukraine, poursuit-il, on « constate un emploi systématique et massif de feux de tous types. [Aussi], l’armée de Terre doit pouvoir être en mesure de conserver sa supériorité opérationnelle dans un conflit marqué par la centralité de la puissance de feu et de conserver l’initiative ».

Seulement, avec seulement 13 LRU officiellement en dotation, l’effort s’annonce important. « Il ressort des échanges menés, qu’un des objectifs de la prochaine LPM devrait être d’anticiper leur renouvellement, afin d’être en mesure d’acquérir une nouvelle capacité plus rapidement, à l’image des lance-roquettes M142 HIMARS américains, qui disposent d’une portée de 300 km », avance le député.

L’une des questions est de savoir si un programme d’armement ad hoc sera lancé ou si un achat sur étagère sera privilégié…

Dans sa vision stratégique, l’armée de Terre avait dit compter sur le système d’artillerie du futur, c’est à dire sur le projet Common Indirect Fire System [CIFS], pour lequel une coopération avec l’Allemagne doit être engagée. Il « permettra, couplé aux drones et aux satellites, de traiter l’ennemi dans la profondeur et de fragiliser les bulles d’interdiction par des tirs de longue portée. C’est aussi une réponse au défi du déni d’accès », avait-elle expliqué. Or, selon une réponse écrite du ministère des Armées à une question posée par un député en janvier 2021, ce programme ne devrait pas se concrétiser d’ici… 2045.

Quant aux LRU, leur remplacement, à l’horizon 2030, faisait l’objet d’un dialogue avec l’Allemagne au moment de publication de la réponse du ministère. Cependant, via les financements européens [PEDID, FEDef], la France a proposé le projet FIRES [Future Indirect fiRes European Solutions], mené sous l’égide de Nexter, et a pris part au projet E-COLORSS [European COmmon LOng Range indirect Fire Support System].

Une autre question portera ensuite sur l’ampleur que prendra ce renforcement de l’artillerie française.

Dans une étude publiée en juin dernier, l’Observatoire de l’Artillerie, adossé à la Fédération nationale de l’artillerie [FNA] avait plaidé pour un effort significatif afin de doter l’armée de Terre de suffisamment de systèmes MAMBA pour en équiper deux régiments, de 132 postes de tir MISTRAL, de 120 MEPAC, de 215 CAESAr et de 55 lance-roquettes unitaires [ou équivalent], le tout en augmentant le stock des munitions [de 155 mm] et en recrutant 3000 artilleurs suppémentaires.

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