Le maintien en condition opérationnelle des frégates de défense aérienne échappe à Naval Group

Impliqué dans la modernisation de trois des cinq frégates légères furtives [FLF] de type La Fayette [en plus de les avoir construites] ainsi que dans la construction des frégates de défense aérienne [FDA] « Chevalier Paul » et « Forbin », Naval Group pensait sans doute avoir les bonnes cartes en main pour assurer le maintien en condition opérationnelle [MCO] de ces navires, à l’issue de l’appel d’offres « FRG23 », lancé par le Service de soutien de la Flotte [SSF].

Sauf qu’il en est allé autrement. En effet, le 14 septembre dernier, Naval Group a vu son offre écartée, au profit de celle faite par Les Chantiers de l’Atlantique, celle-ci ayant obtenu une note globale de 99,53/100.

Pour Naval Group, il s’agit de la seconde déconvenue en quelques semaines, après la perte du marché MCO des trois porte-hélicoptères amphibies [PHA] de type Mistral, que l’industriel assurait jusqu’alors avec Les Chantiers de l’Atlantique. Pour rappel, le SSF leur a préféré CNN MCO, en juin dernier.

Cela étant, c’est sur la perte du marché MCO des deux frégates de défense aérienne qui a du mal à passer pour Naval Group, la maintenance des cinq frégates légères furtives étant déjà assurée par les Chantiers de l’Atlantique, dans le cadre d’un contrat attribué en 2016. D’où son recours devant le tribunal administratif de Toulon pour contester la dernière décision du SSF.

Ainsi, Naval Group a notamment soutenu que le SSF avait « rompu la confidentialité […] en divulguant aux candidats des documents et informations lui appartenant qu’il n’était pas autorisé à diffuser », ce qui, selon lui, a « lésé » ses intérêts « dès lors qu’ils ont conféré aux autres candidats, et tout particulièrement à la société attributaire, un avantage anticoncurrentiel ».

En outre, l’industriel a également fait valoir que le SSF « a insuffisamment défini son besoin en sollicitant des candidats qu’ils présentent une offre portant sur l’approvisionnement d’articles obsolètes et, par conséquent, indisponibles sur le marché ». Et d’ajouter : « le fait d’avoir sollicité la fourniture d’articles obsolètes et donc indisponibles sur le marché résulte de l’application d’une méthode de notation du prix irrégulière. Pour de tels produits dont l’approvisionnement est par définition impossible, la seule solution raisonnable pour les candidats ayant connaissance de leur obsolescence était de ne pas s’engager sur un prix qui, par définition, serait inapplicable ».

Enfin, parmi les autres reproches formulés, Naval Group a estimé qu’il a été « porté atteinte au principe d’impartialité et au principe d’égalité de traitement des candidats dès lors qu’une des personnes en charge de l’élaboration de l’offre au sein des équipes de la société attributaire avait auparavant travaillé pour le SSF au sein de l’équipe responsable non seulement du suivi de l’exécution de marchés conclus avec Naval Group, mais aussi de la mise en place et de la négociation du Marché FRG23 ».

Le tribunal administratif n’a donné raison à Naval Group sur aucun des points qu’il a avancés. « Il ressort des pièces du dossier que compte tenu de la nature et du contenu des informations transmises par les services de l’Etat aux deux candidats en présence, leur communication était nécessaire pour assurer une participation égale de ces derniers à la mise en concurrence. Ainsi, cette divulgation doit, en tout état de cause, être regardée comme ayant été de nature à garantir une stricte égalité entre les candidats », a-t-il répondu pour le premier.

Cela étant, le juge a estimé que rien n’interdit à Naval Group de faire constater une éventuelle « violation de ses droits de propriété intellectuelle par la juridiction compétente et, le cas échéant, de demander réparation des préjudices qu’elle aurait pu ainsi subir ».

S’agissant du prix des articles « obsolètes », il « ressort des pièces du dossier que de tels produits dont l’obsolescence était établie, pouvaient être néanmoins achetés auprès de fabricants ou fournisseurs et qu’un prix pouvait donc être fixé pour chacun d’entre-deux », a observé le tribunal administratif. Et d’ajouter : « La société Naval Group n’est pas fondée à soutenir que la méthode de notation du critère du prix est entachée d’irrégularité dès lors qu’elle est susceptible de conduire à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre ».

Quant à l’éventuel conflit d’intérêt évoqué par Naval Group, qui concernerait un ancien officier marinier recruté par Les Chantiers de l’Atlantique, le juge l’a écarté. « Il ne ressort pas des pièces produites par la société requérante que la personne ait été susceptible d’influencer, directement ou indirectement, la procédure de passation du marché en litige à quelque stade que ce soit de la procédure suivie. La circonstance que cet agent ait été un interlocuteur de la société requérante à l’occasion d’un précédent marché ne saurait, en tant que telle, caractériser un quelconque manquement du pouvoir adjudicateur ».

Aussi, cette requête ne pouvait qu’être rejetée… Et l’industriel a même été condamné à verser un total de 4000 euros [2000 euros à l’Etat et autant aux Chantiers de l’Atlantique] au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Cela étant, Naval Group reste encore le titulaire des marchés MCO du porte-avions Charles de Gaulle et des sous-marins nucléaires.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]