La Norvège appelle à la vigilance après la présence de drones inconnus près de ses sites gaziers et pétroliers

Exploités par le groupe russe Gazprom afin d’approvisionner l’Allemagne [et l’Europe occidentale] en gaz naturel, les gazoducs NordStream 1 et NordStream 2 ne sont désormais plus opérationnels, des fuites, dues à des explosions sous-marines, ayant été détectées les 26 et 27 septembre dans les environs de l’île danoise de Bornholm.

Pour rappel, n’étant pas visé par les sanctions décidées par l’Union européenne [UE] contre la Russie après l’invasion de l’Ukraine, NordStream 1 était déjà à l’arrêt depuis le début du mois de septembre, à cause, selon Gazprom, de problèmes techniques. Cela étant, Moscou avait déjà réduit ses livraisons de gaz aux Européens via ce gazoduc. Quant à NordStream 2, sa mise en service n’avait pas été prononcée quand le Kremlin déclencha les hostilités contre Kiev.

Quoi qu’il en soit, la thèse d’un sabotage pour expliquer les fuites constatées sur ces deux gazoducs traversant la mer Baltique a rapidement été avancées. La cheffe du gouvernement danois, Mette Frederiksen a été l’une des premières à l’avancer. Puis elle a été suivie par Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne.

Ce 28 septembre, le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, a estimé que les dommages subis par NordStream 1 et NordStream 2 étaient « sans doute » le fait d’actes malveillants. « Toute perturbation délibérée de l’infrastructure énergétique européenne est totalement inacceptable et fera l’objet d’une réponse robuste et unie », a-t-il affirmé.

Cependant, il sera difficile d’en savoir davantage pour le moment… étant donné qu’il ne sera pas possible d’approcher les deux gazoducs tant que le gaz qu’ils contiennent ne sera pas purgé. « Cela peut facilement prendre une semaine ou deux avant que la zone ne soit suffisamment calme pour simplement voir ce qui s’est passé », a en effet expliqué Morten Bødskov, le ministre danois de la Défense

Aussi, à Washington, on se veut prudent. Ainsi, le chef de la diplomatie américaine, Anthony Blinken, a dit examiner des « informations selon lesquelles les fuites sont le résultat d’une attaque ou d’une sorte de sabotage ». Et, a-t-il continué, « si c’est confirmé, ce n’est clairement dans l’intérêt de personne ».

Évoquant également l’éventualité d’un sabotage, Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale auprès du président Biden, a assuré que les « États-Unis poursuivront leur travail pour sauvegarder la sécurité énergétique de l’Europe ».

Cela étant, peu de pays ont les capacités nécessaires pour mener une telle opération de sabotage. Les États-Unis en disposent… De même que la Russie, via la Direction principale de la recherche en haute mer de son ministère de la Défense [GUGI].

Aussi, certains voient la main de Moscou dans ce sabotage [présumé] des deux gazoducs. « Nous voyons clairement que c’est un acte de sabotage, qui marque probablement la prochaine étape de l’escalade de la situation en Ukraine », a en effet commenté Mateusz Morawiecki, le Premier ministre polonais.

« Il était assez prévisible que certains mettent la Russie en cause. Prévisible, stupide et absurde », a répliqué Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin. Ces fuites sont « problématiques pour nous, car les deux tubes sont remplis de gaz [russe] prêt à être pompé, et ce gaz coûte très cher. Maintenant, ce gaz est en train de s’échapper », a-t-il fait valoir. Et d’ajouter : « On voit la réaction hystérique des Polonais [et] les énormes bénéfices réalisés par les fournisseurs américains de gaz naturel liquéfié, qui ont multiplié leurs approvisionnements sur le continent européen ».

La diplomatie russe est allée encore plus loin en accusant les États-Unis. Rappelant les propos tenus par Joe Biden [« Si la Russie envahit l’Ukraine, alors il n’y aura plus de Nord Stream 2 »], il a estimé que le président américain « devait répondre à la question de savoir si les États-Unis ont mis à exécution leur menace ». Et d’insister : « L’Europe doit connaître la vérité ».

Quoi qu’il en soit, les fuites de NordStream 1 et de NordStream 2 sont apparues alors que devait être inauguré le « Baltic Pipe », un gazoduc d’une capacité de 10 milliards de m3 de gaz par an, reliant la Norvège à la Pologne, via le Danemark et dont la construction a bénéficié d’un financement de 215 millions d’euros consenti par l’UE. Et leur apparition coïncide justement avec l’observation de drones non identifiés près de plateformes off-shore exploitées par le groupe norvégien Equinor, dont le champ pétrolifère géant Johan Sverdrup.

Le 27 septembre, l’autorité norvégienne de sécurité pétrolière [PSA] a ainsi publié une note pour demander aux compagnies énergétiques du pays d’être « plus vigilantes » à l’égard des drones suceptibles de voler près de leurs infrastructures, estimant que ces appareils peuvent présenter un risque d’accident ou d’attaque.

« Nous demandons instamment une vigilance accrue, un examen des mesures de préparation aux situations d’urgence et de réponse aux incidents, ainsi que le partage des informations », a ainsi fait savoir la PSA.

Évidemment, avec les suspicions de sabotage sur les gazoducs NordStream 1 et 2, cet avis de la PSA prend une nouvelle dimension… D’autant plus qu’Equinor est désormais le plus grand fournisseur de gaz en Europe et que, par conséquent, le secteur gazier norvégien est incontournable.

« Le gouvernement norvégien doit réaliser que l’objet stratégique de loin le plus important dans toute l’Europe est maintenant l’énergie ou les importations de gaz en provenance de Norvège », a expliqué Tor Ivar Stroemmen, maître de conférences à l’Académie royale navale norvégienne, à l’agence Reuters. « Si ces livraisons devaient être coupées ou interrompues ou réduites dans des proportions importantes, cela provoquerait une crise énergétique complète en Europe », a-t-il souligné.

La difficulté est que la Norvège compte plus de 90 champs pétroliers et gaziers répartis entre la mer de Barents, la mer de Norvège et la mer du Nord. Ceux-ci sont reliés à un réseau de conduites qui s’étend sur environ 9000 km. Ce qui est compliqué à surveiller et à protéger.

Via un communiqué également diffusé le 27 septembre, et en réponse à ces vols de drones non identifiés, le ministère norvégien du Pétrole et de l’Énergie a fait part d’une décision visant à « renforcer la préparation aux situations d’urgence en ce qui concerne les infrastructures, les installations à terre et en mer sur le plateau continental norvégien », à l’issue d’un dialogue étroit avec les entreprises concernées, la police et les forces armées. Et d’ajouter : « Le gouvernement norvégien suit les développements en mer Baltique, où il y a des fuites de gaz de NordStream 1 et NordStream 2 ».

Il n’est pas impossible que l’Otan soit appelée à la rescousse pour épauler les forces armées norvégiennes en cas de besoin [pour rappel, la Norvège n’est pas membre de l’UE, ndlr]. Pour le moment, celles-ci n’ont pas été sollicitées. Du moins pas encore, selon Bent-Joacim Bentzen, le secrétaire d’État norvégien à la Défense.

En attendant, le risque de sabotage des infrastructures critiques a été au menu de la rencontre entre le ministre danois de la Défense et Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan [et ex-Premier ministre norvégien].

Photo : Ministère norvégien du Pétrole et de l’Énergie

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