M. Lecornu assure que le SCAF et le MGCS aboutiront, malgré les désaccords industriels

Faute d’une entente entre Dassault Aviation et Airbus Defence & Space [et des filiales allemande et espagnole] au sujet du développement d’un avion de combat de nouvelle génération [NGF – New Generation Fighter], le programme SCAF [Système de combat aérien du futur], lancé en 2017 par la France et l’Allemagne et auquel l’Espagne participe, est bloqué depuis plus d’un an.

Pour rappel, Dassault Aviation entend garder les leviers d’exercer la maîtrise d’oeuvre pour laquelle il a été désigné, notamment pour ce qui concerne les commandes de vol, l’architecture fonctionnelle [dont dépendront les capacités opérationnelles du NGF], le cockpit [donc l’interface homme-machine] et la furtivité. Ce que lui conteste Airbus Defense & Space.

« S’auto-déclarer comme ‘best athlete’ [meilleur athlète, ndlr] en affirmant que nous, Airbus, ne connaissons rien aux commandes de vol d’avions de chasse est non seulement faux mais contribue à saper l’esprit de coopération et de respect mutuel », a ainsi récemment lancé Michael Schoellhorn, son Pdg.

Considérant avoir assez fait de concessions en acceptant qu’environ 50% de tâches spécifiques se fassent sans qu’il y ait un responsable désigné et que l’autre moitié soit partagée selon la règle des trois tiers, les deux tiers revenant à Airbus, Dassault Aviation ne veut plus lâcher de lest… Et son Pdg, Éric Trappier, ne cache pas son agagement, allant jusqu’à évoquer un « plan B » si la situation ne se décante pas.

En Allemagne, où l’achat de 35 chasseurs-bombardiers F-35A a été officialisé [quitte à fâcher Paris…], le ministère de la Défense a récemment estimé, dans un rapport interne, que la coopération autour du SCAF devrait être « remise en question » si « aucun accord satisfaisant les intérêts des trois nations pour une participation sur un pied d’égalité ne peut être trouvé ».

Malgré ces difficultés, qui empêchent de lancer la phase 1B du programme [et donc à la mise au point d’un démonstrateur], le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, a assuré que le SCAF se fera.

« Beaucoup de choses ont été dites ou écrites ces dernières semaines, je crois que d’une phrase, nous allons y couper court en disant que le SCAF est un projet prioritaire. […] Il est attendu autant par Berlin que par Paris et ce projet se fera, on ne peut pas être plus direct », a en effet déclaré M. Lecornu, depuis Berlin, lors d’une conférence de presse donnée au côté de Christine Lambrecht, son homologue allemande.

« Nous avons un conseil des ministres franco-allemand à la fin du mois d’octobre, cela nous laisse donc quelques semaines de préparation pour acter des calendriers exigeants », a aussi dit M. Lecornu. « Nous avons besoin de réfléchir à ce que sera l’aviation de chasse du futur, puisque nous en avons besoin, et nous devons déjà penser à la régénération de nos équipements en la matière », a-t-il insisté.

La semaine passée, le Délégué général pour l’armement [DGA], Emmanuel Chiva, a confié Dassault Aviation et Airbus Defence & Space étaient « en train de discuter ». Et d’ajouter : « J’attends le résultat » de leurs « discussions très rapides » d’ici la fin de ce mois. En juillet, au Sénat, M. Lecornu avait aussi indiqué que des « rencontres » au sujet du SCAF avec les  » Allemands » étaient prévues à la fin du mois d’août, voire au début du mois de septembre. Sans doute en connaîtra-t-on les résultats en octobre…

Cela étant, le SCAF est un « système de systèmes » organisé selon plusieurs piliers. Et l’avion de combat n’est que l’un d’entre eux, les autres concernant la motorisation, le « cloud » de combat, les effecteurs connectés, etc. En clair, ce n’est pas parce qu’il y aurait un désaccord sur le NGF que l’ensemble du programme serait remis en cause… D’ailleurs, à l’antenne de BFMTV, M. Chiva a admis qu’il ne serait pas inacceptable qu’il y ait deux avions… même si ce n’est pas la solution privilégiée.

En revanche, il en va autrement pour le Main Ground Combat System [MGCS], un autre projet franco-allemand en difficulté à cause d’un désaccord entre les industriels impliqués. À la demande de Berlin, Paris a accepté l’arrivée de Rheinmetall dans ce projet, qui vise notamment à mettre au point un char de combat de nouvelle génération. Et cela a déséquilibré le montage industriel, qui, à l’origine, ne devait concerner que le français Nexter et l’allemand Krauss-Maffei Rheinmetall, réunis au sein de la co-entreprise KNDS.

Résultat : la phase d’étude de définition de l’architecture du système [SADS Part 1] n’en finit plus d’être prolongée, faute d’un accord entre Nexter et Rheinmetall sur l’armement de ce char du futur. Et, visiblement, l’industriel allemand entend jouer sa propre partition avec le KF-51 « Panther », dont il ne cesse de faire la promotion tout en expliquant qu’il est le successeur du Leopard 2… que le MGCS est pourtant censé remplacer.

Mais, pour M. Lecornu, ce qui est valable pour le SCAF l’est aussi pour le MGCS.

« Nous avons besoin de réfléchir à ce que sera l’aviation de chasse du futur, puisque nous en avons besoin, et nous devons déjà penser à la régénération de nos équipements en la matière. C’est vrai évidemment pour le SCAF, c’est vrai aussi, bien sûr, pour le char du futur », a affirmé le ministre français, ajoutant que les « chars Leclerc vont arriver bientôt en fin de vie ». Ce qui n’est pas tout à fait exact : l’actuelle Loi de programmation militaire [LPM] prévoit d’en porter 200 au nouveau standard XLR d’ici 2028. Un marché allant dans ce sens a d’ailleurs été notifié à Nexter en juin 2021…

 » Donc nous devons réfléchir à un nouveau modèle d’équipement pour nos armées de terre […] et donc parfois, il faut pour les ministres avoir un agenda de persévérance », a par ailleurs estimé M. Lecornu. Et de préciser qu’il s’est « accordé » avec Mme Lambrecht « sur des calendriers à venir sur le char » et que des « propositions » seraient faites avant le prochain Conseil des ministres franco-allemands.

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