Pour M. Scholz, l’armée allemande doit devenir la « pierre angulaire » de la défense européenne
Depuis que la Russie a envahi l’est de l’Ukraine, nombreux ont été les pays européenns à annoncer des hausses substantielles de leurs dépenses militaires. À commencer par la Pologne, qui a, en outre, enchaîné les contrats d’armement au cours de ces derniers mois afin de renforcer – tant en quantité qu’en qualité – ses forces terrestres et aériennes. Ainsi, par exemple, celles-ci disposeront de près d’un millier de chars de combat, dont des M1A2 Abrams et des K2PL « Panther ». Cela en fera-t-il les plus importantes d’Europe?
Sur ce point, et peu avant le dernier sommet de l’Otan, en juin, le chancelier allemand, Olaf Scholz, a fait part de son intention de doter l’Allemagne de la « plus grande armée conventionnelle en Europe ». Quelques semaines plus tard, lors de la conférence annuelle de la Bundeswehr, ce 16 septembre, il a précisé son propos.
« En tant que nation la plus peuplée, dotée de la plus grande puissance économique et située au centre du continent, notre armée doit devenir la pierre angulaire de la défense conventionnelle en Europe, la force armée la mieux équipée d’Europe », a en effet déclaré le chef du gouvernement allemand. « Tel est l’objectif. Et le fait que nos amis et partenaires européens ne le perçoivent pas comme une menace, mais au contraire comme une assurance et une promesse nous encourage », a-t-il continué.
Pour M. Scholz, il s’agit de revenir sur les erreurs d’appréciation du passé. « Un ancien ministre de la Défense pensait que nous n’étions plus qu’entourés d’amis. La vérité, c’est que la politique, l’économie et une grande partie de la société n’ont que trop volontiers cru à cette thèse et en ont tiré des conséquences importantes » qui se sont avérées « erronées, comme nous le savons aujourd’hui, surtout si nous regardons l’état de la Bundeswehr », a-t-il soutenu.
En outre, a continué le chancelier allemand, la « Russie de [Vladimir] Poutine est actuellement la plus grande menace pour notre alliance [l’Otan, ndlr] ». D’où sa décision de créer un fonds spécial de 100 milliards d’euros destiné à financer la remontée en puissance de la Bundeswehr, et, surtout, à remédier à ses lacunes. D’autant plus que, désormais, la « mission centrale » de cette dernière sera « la défense de la liberté en Europe », a-t-il dit.
Dans l’esprit de M. Scholz, les forces allemandes doivent être le pilier d’une défense européenne « conventionnelle »… dans le cadre de l’Otan, qui, a-t-il dit, « reste le garant de notre sécurité ». Et d’ajouter : « Une dissuasion crédible demeure l’élément central. Mais nous, Européens, devons assumer beaucoup plus de responsabilités au sein de l’Otan ».
Cela étant, et comme il avait fait lors d’un précédent discours prononcé à Prague il y a quelques jours, le chef du gouvernement allemand a plaidé en faveur d’un « quartier-général européen », capable de conduire des opérations d’évacuation de ressortissants [comme en Afghanistan en 2021] ou des missions de conseil et de formation, à l’image de celles en cours en Irak, au Niger ou au Mali. En outre, il a aussi évoqué la possibilité de recourir à des « options existantes dans les traités de l’Union européenne » afin de former une « coalition de volontaires » pour mener des opérations sous bannière européenne.
Mais pour M. Scholz, le problème le « plus urgent » en Europe est sans doute le « nombre inextricable de systèmes d’armes et d’équipements militaires ainsi que la concurrence entre les différentes entreprises d’armement ». Et, a-t-il estimé, « seul le développement coordonné des compétences européennes permettra à l’Europe d’agir ». Pour cela, il mise sur l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement [OCCAr], qu’il souhaite élargir à d’autres pays.
Pour rappel, l’OCCAr compte six membres dont la France, l’Allemagne, le Royaume-uni, l’Italie, l’Espagne et la Belgique]. Elle gère une quinzaine de programmes différents [FREMM, MUSIS, A400M et Boxer]. À noter qu’elle s’occupe aussi de le projet visant à porter au standard Mk3 les hélicoptères d’attaque Tigre. Projet que Berlin n’a finalement pas souhaité rejoindre. Enfin, elle fonctionne selon le principe du « juste retour industriel » dans les programmes menés en coopération. Ce qui n’est pas anodin quand on connaît les difficultés de ceux menées conjointement par la France et l’Allemagne…