Nexter réplique au KF-51 de Rheinmetall en faisant la promotion du char franco-allemand EMBT

Si l’on s’en tient à ce qui a été décidé en 2017, le successeur du Leclerc et du Leopard 2 sera un char de combat développé dans le cadre du programme franco-allemand MGCS [Main Ground Combat System], dont la direction a été confiée à Berlin, Paris ayant pris la responsabilité du SCAF [Système de combat aérien du futur], projet qui associe la France, l’Allemagne et l’Espagne.

Le rapprochement Nexter avec Krauss-Maffei Wegmann [KMW], via la création de la co-entreprise KNDS, était censé faciliter la coopération au sujet du MGCS, laquelle doit respecter le principe d’un partage des tâches à 50-50 entre les industriel français et allemands.

D’ailleurs, lors de l’édition 2018 du salon de l’armement terrestre EuroSatory, et pour illustrer leur bonne entente, les deux industriels dévoilèrent l’Euro Main Battle Tank [EMBT], un char qui, associant le châssis du Leopard 2A7 à la tourelle de 120 mm à chargement automatique du Leclerc, était présenté comme étant une « réponse à court-terme » des besoins opérationnels en matière de combat de « haute intensité ».

Seulement, à la demande de Berlin, un troisième acteur – Rheinmetall – s’est invité dans le MGCS, ce qui a bouleversé les équilibres établis jusqu’alors… Et donc donné lieu à des désaccords qui ne sont toujours pas surmontés à ce jour.

L’un des différends porte sur l’armement de cet éventuel char de combat franco-allemand. Ainsi, Rheinmetall estime que son canon de 130 mm L/51, associé à un chargeur automatique de « pointe », serait le plus approprié tandis que Nexter met en avant son prometteur canon de 140 mm issu du concept ASCALON [Autoloaded and SCALable Outperforming guN]. Résultat : le projet est bloqué à la phase d’étude de définition de l’architecture du système [SADS Part 1], laquelle est régulièrement prolongée, faute de pouvoir passer à la prochaine étape.

Cependant, à l’occasion d’EuroSatory 2022, Rheinmetall a dévoilé le KF-51 « Panther », un nouveau char de combat de 59 tonnes, doté évidemment du canon de 130 mm L/51. Présenté à la fois comme étant une réponse au T-14 Armata russe et un potentiel « successeur » du « Leopard et des véhicules de combat similaire », le Panther fait depuis l’objet d’une intense campagne de promotion de la part du groupe de Düsseldorf.

D’ailleurs, le Pdg de celui-ci, Armin Papperger, ne cache pas ses ambitions. « Dans toute l’Europe, environ 1’000 des 8’000 chars de combat seront remplacés d’ici 2030. Avec notre nouveau Panther, nous voulons livrer au moins la moitié de ce volume, soit environ 500 unités », a-t-il affirmé dans les colonnes du quotidien économique allemand Handelsblat, le 22 août. Et d’expliquer qu’il s’agit aussi de répondre au K-2 « Black Panther » du sud-coréen Hyundai Rotem, qui en livrera 180 exemplaires à la Pologne.

En outre, étant donné que le MGCS ne sera pas opérationnel d’ici 2035, voire 2040, M. Papperger estime que « nous ne pouvons pas attendre aussi longtemps » au regard du contexte actuel. D’où les efforts pour convaincre la Bundeswehr d’adopter le KF-51 « Panther », ce qui permettrait à Rheinmetall de lancer la construction en série de ce char…

Officiellement, le MGCS reste une priorité de Berlin… Mais lors du discours qu’il a prononcé à Prague, le 29 août, et s’il a repris à son compte le concept de « souveraineté européenne », le chancelier allemand, Olaf Scholz, n’a cité aucun des projets d’armement menés avec la France au moment de défendre l’idée d’une « meilleure synergie en Europe en ce qui concerne nos capacités de défense ». Qui plus est, un « haut responsable militaire allemand » a confié au Handelsblatt que le « Panther renforcerait la Bundeswehr »…

Récemment, Rheinmetall a dirigé ses efforts vers le monde politique… Fin août, le député Joe Weingarten, dont la circonscription accueille l’école d’artillerie de la Bundeswehr, a été invité à monter à bord du « Panther ». Et l’élu a été séduit. « L’épine dorsale de l’arme blindée allemande et européenne dans les années 2030? Aujourd’hui, j’ai pu conduire le KF51 Panther de Rheinmetall. Impressionnant! », a-t-il lancé sur les réseaux sociaux…

Tout cela ne fait évidemment les affaires du MGCS et de KNDS. D’où la contre-offensive qui s’organise face au KF-51 « Panther » de Rheinmetall. Jusqu’à présent, les efforts pour promouvoir l’EMBT – désormais appelé « Enhanced Main Battle Tank » – à l’exportation ont été plutôt timides… Et pour cause : le modèle dévoilé en 2018 ne constituait qu’une base de départ… Et, lors d’EuroSatory 2022, Nexter en a présenté les principales évolutions.

« L’EMBT est une plateforme innovante, présentant un concept d’équipage à quatre personnels [deux en tourelle et deux dans le châssis] avec un concept évolutif de tourelle de 120 mm couplée à la munition de nouvelle génération Shard et une interface homme-machine entièrement nouvelle et configurable », a ainsi expliqué Nexter.

Quoi qu’il en soit, KNDS – en particulier Nexter, KMW étant plutôt discret – a répondu à Rheinmettal sur les réseaux sociaux, en diffusant une vidéo promotionnelle de l’EMBT, le 2 septembre. Sans doute que l’idée est de rappeller que le KF-51 n’est pas le seul projet de char européen pouvant être rapidement disponible… Et que le MGCS bouge encore puisque l’EMBT préfigure les technologies que celui-ci utilisera.

Dans sa communication lors d’EuroSatory 2022, Nexter avait souligné que l’EMBT était équipé d’un « groupe motopropulseur moderne à commande numérique, condition préalable au guidage à distance et à la collaboration entre hommes et systèmes autonomes » ainsi que d’un « tourelleau téléopéré de 30mm » pour, notamment, la lutte anti-drone.

Et l’industriel français avait aussi insisté sur le potentiel d’évolution de l’EMBT, citant l’apport de l’intelligence artificielle et, surtout, l’intégration du canon ASCALON, « conçu pour servir de brique fondamentale » au développement du MGCS et poser les « bases du futur standard européen de canon et de munitions de char ».

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