Le président turc menace la Grèce d’une action militaire en mer Égée

La semaine passée, la Turquie a accusé la Grèce d’avoir « verrouillé » des F-16 de ses forces aériennes avec le radar de conduite de tir d’un système de défense S-300 alors qu’ils volaient à 10’000 pieds d’altitude, lors d’une mission de reconnaissance dans le secteur de l’île de Rhodes. « C’est une action hostile, selon les règles d’engagement de l’Otan », ont fait valoir des sources militaires auprès de la presse turque.

Pour rappel, les forces grecques disposent effectivement de deux systèmes S-300, cédés au début des années 2000 par la République de Chypre, qui en avait précédemment fait l’acquisition auprès de la Russie. Et cela dans le cadre d’un accord visant à mettre un terme à une crise avec Ankara.

Aussi, en portant une telle accusation, la Turquie a laissé entendre que les S-300 grecs sont opérationnels, alors qu’elle a été exclue du programme d’avions de combat F-35 pour avoir mis en service des systèmes S-400 acquis auprès de la Russie. En clair, l’objectif d’Ankara était aussi de dénoncer un « deux poids, deux mesures » au sein de l’Otan, la Grèce étant sur le point, quant à elle, de se procurer 40 F-35A…

Mais ce n’est pas tout. En effet, les autorités turques ont aussi fait état d’un autre incident, impliquant cette fois des F-16 grecs et turcs au sud de l’île de Lesbos, les premiers ayant, selon elles « harcelé » les seconds, qui devaient alors participer à un exercice de l’Otan avec deux bombardiers B-52H Stratofortress américains.

S’agissant de la première accusation portée contre elle, la Grèce a démenti catégoriquement avoir utilisé un S-300 contre les avions turcs. Et d’y voir une « attaque informationnelle »… Quant à la second, elle a expliqué que les F-16 turcs se trouvaient dans la « Flight Information Region » [FIR] d’Athènes sans s’être préalablement annoncés [c’est à dire sans plan de vol]. « Les F-16 grecs ne font pas d’actions illégales et ne harcèlent pas les avions d’autres États. Ils sont là pour défendre l’espace aérien grec », a fait valoir Athènes, dénonçant une « provocation » d’Ankara.

Quoi qu’il en soit, ces deux incidents s’inscrivent dans une dégradation continue des relations entre la Turquie et la Grèce depuis plusieurs semaines. En mai, la diplomatie turque a ainsi remis en cause la souveraineté grecque sur certaines îles de la mer Égée, dont le statut a été défini par la Convention de Montreux [1936], le Traité de paix de Lausanne [1923] et le Traité de paix de Paris [1947]. En résumé, Ankara reproche à Athènes d’y avoir déployé des troupes, en contravention de ces accords. Ce que la partie grecque réfute.

Qui plus est, en désaccord sur les limites de leurs eaux territoriales et celle de leurs espaces aériens respectifs, la Grèce et la Turquie s’accusent mutuellement de commettre des violations, ce qui donne régulièrement lieu à des incidents. Et le tout est amplifié par les perspectives d’exploitation de gaz naturel en Méditerranée orientale…

« Nous exhortons la Grèce et la Turquie à régler leurs différends en mer Égée dans un esprit de confiance et de solidarité entre alliés. […] Cela signifie retenue et modération, et s’abstenir d’une quelconque action ou d’une rhétorique qui pourrait entraîner une escalade de la situation », a déclaré Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan, lors d’un entretien accordé en juin dernier à l’agence de presse grecque ANA.

Seulement, il s’agit-là d’un voeu pieux… Le 3 septembre, revenant sur les incidents évoqués la semaine passée, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a adressé des menaces à peine voilée à la Grèce, en lui promettant un « prix élevé » si elle continue de « violer l’espace aérien » de la Turquie » et de « harceler » les avions turcs en mer Égée.

« Si vous allez plus loin, vous paierez un prix élevé, très élevé ! Votre occupation des îles [de la mer Égée] ne nous lie en rien. Le moment venu, nous ferons le nécessaire. Nous pouvons arriver subitement la nuit. Nous n’avons qu’un mot pour la Grèce : n’oublie pas Izmir! », a lancé M. Erdogan.

« Nous pouvons arriver subitement la nuit » est une formule que le président turc a déjà utilisée pour évoquer d’éventuelles interventions militaires dans le nord de la Syrie… Quant à la référence à Izmir [Smyrne pour la Grèce], elle est explicite…

Après la Première Guerre Mondiale, la ville de Smyrne avait été attribuée à la Grèce par le Traité de Sèvres. Et 20’000 soldats grecs y débarquèrent en mai 1919, avec l’appui de navires britanniques, français et américains. Mais leur présence ne dura pas très longtemps puisqu’ils l’abandonneront trois ans plus tard, lors de la Deuxième Guerre gréco-turque. Ce qui donna lieu à des exactions contre sa population chrétienne… et à l’incendie du quartier arménien, que les Grecs appellent la « catastrophe de Smyrne ».

La France est directement concernée par cette situation entre Athènes et Ankara… puisqu’elle a signé un accord de défense avec la Grèce. Accord prévoyant une clause d’assistance mutuelle. En clair, les deux pays se sont engagés à s’assister mutuellement « avec tous les moyens appropriés à leur disposition, et si nécesssaire avec l’usage de la force armée, s’ils constatent mutuellement qu’une attaque armée est en cours contre le territoire de l’un des deux ».

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