Les forces américaines et indiennes vont organiser un exercice près de la région autonome chinoise du Tibet

Depuis quelques temps, les tensions entre l’Inde et la Chine ne cessent de s’intensifier en raison de leurs différents territoriaux le long de leur frontère, appelée « Ligne de contrôle effectif » [LAC ou « Ligne Mac Mahon »]. Deux secteurs sont particulièrement concernés : le plateau du Doklam, stratégique pour New Delhi puisqu’il est situé non loin du corridor de Siliguri, qui relie les plaines du nord et les États indiens du nord-Est, et le Ladakh, où soldats indiens et chinois s’affrontèrent en juin 2020.

En conséquence, l’Inde et la Chine ont significativement renforcé leur posture militaire le long de la LAC [et en particulier dans les environs du Ladakh], plus de 60’000 soldats des deux pays se faisant désormais face à face. Des négociations ont certes été lancées afin de réduire les tensions. Mais elle restent au point mort… et Pékin en a profité pour gagner du terrain, l’Armée populaire de libération [APL] ayant lancé la construction de nombreuses infrastructures [casernes, bases, routes, ponts, etc] dans les zones contestées.

« Les Chinois ont repris plus de 1000 kilomètres carrés de territoires revendiqués par l’Inde dans l’est du Ladakh depuis mai 2020. L’Inde est incapable d’inverser l’incursion chinoise au Ladakh », a déploré Sushant Singh, du Centre de recherche politique de New Delhi, récemment cité par le quotidien Le Monde.

Qui plus est, la force aérienne chinoise envoie régulièrement des avions voler à proximité de la LAC, violant ainsi la zone d’exclusion aérienne de 10 km qui y a été établie. Et New Delhi ne peut que dénoncer un « comportement provocateur ».

En juin, le général Charles Flynn, commandant de l’US Army dans le Pacifique, a décrit une situation « alarmante », dénonçant le « comportement déstabilisateur » de la Chine. « Je pense que nous devons travailler ensemble pour y faire contrepoids », a-t-il dit, lors d’une visite en Inde.

Justement, depuis 2004, l’US Army mène conjointement avec son homologue indienne l’exercice « Yudh Abhyas », lequel tend à prendre de l’ampleur d’année en année. Initialement basé sur le scénario d’un opération de maintien de la paix des Nations unies, il vise à « promouvoir la coopération entre les deux armées » par le « partage, les échanges culturels et le renforcement des compétences opérationnelles ».

L’édition 2021 de cet exercice avait été organisée pour la première fois en Alaska. Mais la prochaine se tiendra dans l’État indien de l’Uttarakhand, situé au sud du Ladakh. Plus précisément, selon la presse indenne, il aura lieu à 3000 mètres d’altitude, dans les environs de la localité d’Auli, un centaine de kilomètres de la frontière avec le Tibet, qui est l’une des cinq régions autonomes chinoises depuis 1965. Et il mobilisera, côté américain, des éléments de la 11th Airborne Division [division aéoportée].

Cela étant, ce ne sera pas la première fois que l’État de l’Uttarakhand accueillera ces manoeuvres indo-américaines [cela a été le cas en 2014, 2016 et 2018]. Mais elles avaient eu lieu à plus de 300 km de la frontière.

« Il s’agit d’un développement nouveau », a commenté Jeff Smith, chercheur au Centre d’études asiatiques à la Heritage Foundation, auprès de Nikkei Asia. Les autorités chinoises seront probablement inquiètes car, avec cet exercice, les États-Unis pourraient montrer qu’ils « envisagent peut-être un autre front contre la Chine si celle-ci accroît sa pression sur Taïwan », a estimé Pankaj Jha, professeur de défense et d’études stratégiques à l’OP Jindal Global University. « Plus que l’exercice lui-même, c’est l’implication des États-Unis qui devrait être un sujet de préoccupation pour la Chine », a-t-il ajouté.

Par ailleurs, Yudh Abhyas 2022 commencera le 18 octobre, soit peu avant le 60e anniversaire de la guerre sino-indienne, qui se déroula dans le Ladakh, et lors du congrès quinquennal du Parti communiste chinois [PCC].

En attendant, un autre exercice, impliquant cette fois les forces spéciales américaines et indiennes, est actuellement en cours. Appelé « Ex Vajra Prahar 2022″, celui-ci a commencé le 8 août dernier, à Bakloh dans l’Himachal Pradesh. Selon le ministère indien de la Défense, il vise à améliorer l’interopérabilité entre les forces spéciales des deux nations » et « à partager les meilleures pratiques et expériences dans des domaines tels que la planification de missions conjointes et les tactiques opérationnelles ».

Photo : Yudh Abhyas 2021 – US Army

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