La Chine cherche à développer une torpille longue portée à propulsion nucléaire

En 2014, le quotidien « South China Morning Post » [SCMP], publié à Hong Kong, avait rapportée qu’un institut de technologique chinois travaillait sur une projet de sous-marin pouvant atteindre une vitesse de plus de 5000 km/h en utilisant le principe de la supercavitation, lequel consiste à générer un gaz suffisamment chaud pour créer une bulle de vapeur pour envelopper un objet en mouvement [comme une torpille] afin de réduire considérablement le frottement de l’eau.

Dans le détail, l’institut chinois avait affirmé avoir mis au point une membrane qui, composée d’un liquide spécial, devait se former autour du sous-marin. Cependant, cette annonce laissa les spécalialistes sceptiques… Et, en premier lieu, une telle technologie rendrait impossible d’utiliser un gouvernail, qui utilise la justement la résistance de l’eau pour changer de direction. Ensuite, au-delà des questions sur l’autonomie d’un tel engin, il faudrait prendre en compte les contraintes mécaniques, les lois de la physique étant ce qu’elles sont…

Quoi qu’il en soit, depuis, on n’a plus entendu parler de ce projet… Qu’en sera-t-il pour celui que vient d’évoquer ce même SCPM? Cette fois, il n’est plus question de faire atteindre une vitesse « hypervéloce » à un engin sous-marin… mais de mettre au point une torpille à propulsion nucléaire. Ce qui n’est pas sans rappeler celle mise au point par la Russie [la torpille « dronisée » Status-6 Poseidon, ndlr] pour armer le sous-marin K-329 Belgorod, récemment livré à la marine russe.

Faisant partie des armes décrites comme « invincibles » et dévoilées en mars 2018 par le président russe, Vladimir Poutine, la torpille Poseidon a un rayon d’action illimité grâce à sa propulsion nucléaire. Supposée capable de naviguer à vitesse d’environ 70 noeuds à une profondeur de 1000 mètres, elle serait dotée d’une tête nucléaire d’une puissance de deux mégatonnes afin de détruire les infrastructures portuaires stratégiques, voire des villes côtières.

Le programme chinois dont s’est fait l’écho le SCPM est différent. Ainsi, dans une revue éditée par la China Shipbuilding Industry Corporation [CSIC], le constructeur naval le plus important du pays, un chercheur de l’Institut de l’énergie atomique, Guo Jian, a fait état de travaux portant sur la conception d’un réacteur nucléaire « jetable » dont les dimensions sont assez réduites pour tenir dans une torpille pouvant être lancé depuis un tube lance-torpilles standard.

Ainsi, une torpille propulsée par un tel réacteur nucléaire pourrait atteindre et maintenir une vitesse de croisière de plus de 30 noeuds pendant 200 heures. Puis, une fois une cible repérée et identifiée, elle s’en séparerait pour ensuite continuer sa course grâce à une batterie interne. À noter que sa charge militaire serait conventionnelle, ce qui fait une autre différence avec la Poseidon russe.

Pour mettre au point ce réacteur nucléaire modéré au graphite, il a fallu développer une « technologie mature et simple, facile à utiliser et à entretenir, peu coûteuse et adaptée à la production de masse », ce qui a obligé les chercheurs chinois à « sortir des sentiers battus », a expliqué M. Guo. A priori, les dispositifs de sécurité ont été allégés, seuls les composants critiques étant protégés des radiations.

De telles torpilles pourraient être mises en oeuvre par des sous-marins à propulsion conventionnelle, comme ceux de type 039, dont une nouvelle version plus « furtive » [le type 039C, ndlr] aurait récemment été admise au service. Et de par leur rayon d’action, elles pourraient faire peser une menace constante sur les bases navales américaines [comme celles de Guam et de Hawaï].

Par ailleurs, toujours dans les colonnes de la revue publiée par la CSIC, un chercheur de l’Académie des sous-marins de la composante navale de l’Armée populaire de libération [APL], Ma Liang, a laissé entendre que ces torpilles pourraient agir « en meute » grâce à des algorithmes d’intelligence artificielle et d’apprentissage automatique.

« Des torpilles intelligentes seraient ainsi capables de tendre une embuscade de l’autre côté de l’océan et de frapper des sous-marins alors qu’ils quittent leurs eaux territoriales, souvent difficiles à atteindre par des plates-formes habitées », a-t-il expliqué.

Cela étant, l’une des questions que l’on peut se poser est de savoir pourquoi ce programme de torpille à propulsion nuclaire a fait l’objet d’une publication quasi-officielle. Est-il déjà dans une phase avancée? Ou bien l’objectif est de lancer une fausse piste à l’intention des planificateurs des marines adverses?

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]