Espace : L’Agence de l’innovation de Défense s’intéresse à la… Lune

La semaine passée a été marquée par une polémique entre les États-Unis et la Chine au sujet de la… Lune, le directeur de l’agence spatiale américaine [NASA], Bill Nelson, ayant dit craindre, dans les colonnes du quotidien allemand Bild, une prise de contrôle du satellite de la Terre par Pékin.

« Nous devons être très inquiets que la Chine atterrisse sur la Lune et dise : c’est à nous maintenant et vous restez dehors », a en effet déclaré M. Nelson, en soulignant que le programme spatial chinois relève de l’Armée populaire de libération [APL]. En outre, a-t-il ajouté, si « la Chine est bonne, c’est aussi parce qu’elle vole les idées et la technologie des autres ».

Évidemment, Pékin n’a pas manqué de réagir. « Ce n’est pas la première fois que le directeur de la NASA ignore les faits et parle de manière irresponsable de la Chine », a rétorqué Zhao Lijian, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. Et de dénoncer une « campagne de diffamation contre les efforts spatiaux normaux et raisonnables de la Chine ».

Signé en 1967, le Traité de l’Espace précise, dans son article 4, que les « États parties au Traité utiliseront la Lune et les autres corps célestes à des fins pacifiques » et que « sont interdits sur les corps célestes l’aménagement de bases et d’installation militaires et de fortifications, les essais d’armes de tous types et l’exécution de manoeuvres militaires ». Or, la Chine l’a signé en 1983.

Seulement, et comme l’avait souligné Clémentine Bories, professeure de droit internationale à l’Université Toulouse Capitole en marge d’un colloque sur les enjeux du droit de l’Espace, organisé mai 2021, la difficulté est de vérifier si les clauses de ce traité sont bien respectées. « Une des difficultés qui se posent aussi dans l’Espace c’est qu’on a du mal à surveiller ce qu’il sy passe : qui a laissé des débris ? Savoir si quand la Chine va sur la surface cachée de la Lune ce qu’elle fait est licite, puisqu’on ne le voit pas. Tout ça est très compliqué. C’est du contrôle du respect du droit », avait-elle ainsi expliqué.

Quoi qu’il en soit, on n’en est pas encore là… même si la Chine a fait de la Lune l’une des priorités de son programme spatial pour la période 2022-26, avec notamment deux missions vers le pôle sud lunaire afin de préparer de futurs vols habités. Et que les États-Unis ont lancé le projet « Artemis » pour de nouveau envoyer des astronautes fouler le sol lunaire. L’Agence spatiale européenne [ESA] n’est pas absente de la course, avec plusieurs projets dans ses cartons, comme celui, très ambitieux, de construire un « village lunaire » à partir de 2030.

À Toulouse, de tels projets ont motivé la création de « TechTheMoon« , décrit par ses promoteurs comme étant le « premier incubateur au monde totalement dédié à la Lune ».

Cet incubateur « offre la possibilité aux entrepreneurs de créer et développer des solutions, technologies, produits et services innovants pour répondre aux enjeux d’une présence humaine durable sur la Lune », est-il expliqué sur son site Internet. Ainsi, l’enjeu est de bâtir un « nouvel écosystème commercial Terre – Lune à forte valeur ajoutée. » En octobre dernier, cinq jeunes entreprises ont sélectionnées pour intégrer TechTheMoon.

Cela étant, pour être retenu, un projet doit également répondre « à un besoin marché terrestre ». En clair, des technologies mises au point pour l’exploration de la Lune pourraient avoir des applications dans d’autres domaines. D’où l’intérêt porté à TechTheMoon par l’Agence de l’innovation de Défense [AID], qui sera impliqué dans la sélection des cinq autres jeunes entreprises qui intégreront prochainement l’incubateur toulousain.

« D’ici septembre prochain, l’AID participera au comité de sélection des cinq start-up qui intégreront l’incubateur dès l’automne. Les sociétés sélectionnées bénéficieront pendant une année d’un double accompagnement d’experts mis à disposition par le CNES avec le soutien d’une trentaine de mentors issus des milieux économiques toulousains », a en effet expliqué l’agence, qui, pour rappel, relève de la Direction générale de l’armement [DGA].

« Cette collaboration avec le CNES via TechTheMoon se concrétisera aussi par la contribution de l’AID au programme de formation stratégie de l’incubateur au second semestre 2022, ainsi qu’à l’organisation d’événements communs autour de l’économie lunaire et l’apport d’experts du ministère des Armées », a-t-elle ajouté.

Cet intérêt de l’AID pour les technologies relatives à l’exploration lunaire pourrait donner lieu, par exemple, à des programmes permettant de doter le Commandement de l’Espace [CdE] de capacités de détection d’objets artificiels évoluant entre l’orbite géostationnaire et la Lune [soit au delà d’une portée de 385’000 km]. Le laboratoire de recherche de l’US Air Force [AFRL – Air Force Research Laboratory] a d’ailleurs récemment lancé un appel à projets en ce sens, appelé « Cislunar Highway Patrol System » [CHPS].

Illustration : Agence de l’Innovation de Défense

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