Le Royaume-Uni envisage de porter ses dépenses militaires à 2,5% de son PIB d’ici 2030

Au cours de ces douze dernières années, et alors qu’elle avait besoin de se régénérer après ses engagements en Irak et en Afghanistan, la British Army a fait les frais des arbitrages budgétaires opérés par le gouvernement britannique, au bénéfice de la Royal Navy [RN] et de la Royal Air Force [RAF].

Et si l’on s’en tient aux conclusions de la revuse stratégique de défense et de sécurité publiée par Londres en mars 2021, l’armée britannique peut s’attendre à une nouvelle réduction de son format, ses effectifs devant se limiter à 72’500 hommes à seulement 148 chars Challenger modernisés, les évolutions technologiques, notamment dans le domaine de la robotique, devant lui permettre de conserver de la « masse ». Du moins en théorie.

À quelques jours de son départ en retraite, son ancien chef d’état-major, le général Carleton-Smith, avait confié qu’il ne « se sentait pas à l’aise » avec une British Army au format si réduit. Et dans un message interne diffusé à l’occasion de sa prise de fonction, son successeur, le général Patrick Sanders, a dit partager ce sentiment, appelant à « tirer les conséquences », sans tarder, de la guerre en Ukraine. Un appel qu’il a de nouveau lancé devant le Royal United Services Institute [RUSI], le 28 juin.

« Nous ne sommes pas en guerre » mais « nous devons agir rapidement de manière à ce que nous ne soyons pas amenés à la guerre en raison d’un échec à contenir une expansion territoriale », a en effet affirmé le général Sanders, se risquant à comparer la situation actuelle à celle qui prévalait en 1937, c’est à dire avant les accords de Munich [septembre 1938], lesquels ouvrirent la voie à l’expansionnisme de l’Allemagne nazie, avec l’annexion les régions germanophones de l’ex-Tchécoslovaquie peuplées.

« L’invasion russe nous rappelle cette maxime consacrée que si on veut éviter le conflit, mieux vaut se préparer à la guerre », a enchaîné le général Sanders, pour qui la Russie « posera une menace encore plus grande pour la sécurité européenne après l’Ukraine qu’avant ». Aussi a-t-il a appelé à la « mobilisation » et à un « effort générationnel ».

Prenant la parole à sa suite, le ministre britannique de la Défense, Ben Wallace, n’a pas dit autre chose. « Avant qu’il ne soit trop tard pour faire face à la menace renaissante et aux leçons apprises en Ukraine, il est temps de se mobiliser, pour être prêt et pour être efficace », a-t-il affirmé.

Quant aux dépenses militaires, M. Wallace a déclaré qu’elles devaient « évoluer en fonction de la menace ». Ainsi, a-t-il soutenu, « la Russie n’est pas le seul problème : la Chine est prête à défier le système fondé sur des règles et la démocratie, le terrorisme est en marche à travers l’Afrique, la question du nucléaire iranien n’est toujours pas résolue à ce jour. La menace grandit et les investissement doivent continuer à grandir ».

Selon la presse d’outre-Manche, M. Wallace aurait ainsi demandé à Boris Johnson, le Premier ministre britannique, de porter le niveau des dépenses militaires à 2,5% du PIB d’ici 2028. En réalité, cela fait plusieurs mois qu’il fait pression pour obtenir une nouvelle augmentation de son budget, afin qu’il ne tombe pas en deçà du seuil des 2% du PIB fixé par l’Otan à l’horizon 2025. Qui plus est, il faut aussi prendre en compte l’inflation, laquelle gonfle le prix des équipements et les coûts de fonctionnement.

En effet, malgré l’annonce de 24,1 milliards de livres sterling d’investissements supplémentaires sur quatre ans, faite en novembre 2020, la part de PIB que le Royaume-Uni alloue à sa défense s’érode puis trous ans, passant de 2,3% en 2020 à 2,26% en 2021, puis à 2,12% en 2022. Du moins, c’est ce qu’avance l’Otan.

Cela étant, et dans le même temps, l’assistance militaire fournie à Kiev par Londres ne cesse de prendre de l’ampleur. Lors du sommet de l’Otan, à Madrid, M. Johnson a ainsi annoncé le déblocage d’une nouvelle enveloppe d’un milliard de livres sterling, afin de financer l’achat de systèmes de défense aérienne et de drones pour répondre aux besoins exprimés par l’armée ukrainienne. Au total, le Royaume-Uni aura déboursé 2,3 milliards de livres sterling pour aider l’Ukraine à contrer l’invasion russe. Et sans doute que ce n’est pas terminé… Qui plus est, le gouvernement britannique aura à prendre des mesures pour atténuer les conséquences économiques [inflation, pouvoir d’achat, etc] du conflit…

Quoi qu’il en soit, à Madrid, M. Johnson a affirmé qu’il fallait « investir à long terme » dans les capacités militaires [et il a évoqué, sans le nommer, le programme Tempest] « tout en s’adaptant à une monde plus dangereux ». Et, a-t-il continué, la « conclusion logique » est de « porter les dépenses de défense à 2,5% du PIB d’ici la fin de la décennie ». 2030 plutôt que 2028, donc.

Seulement, avec les déploiements annoncés dans le cadre du renforcement de la posture de l’Otan en Europe de l’Est, l’objectif défini par M. Johnson n’est pas assez ambitieux pour certains de ses détracteurs. Également membre du Parti conservateur, Tobias Elwood, le président du comité de la Défense à la Chambre des communes, a déclaré que cette hausse des dépenses militaires lui apparaissait comme insuffisante et trop lente.

« Cette timide augmentation sur huit ans montre que nous n’apprécions toujours pas l’évolution du paysage géopolitique et l’ampleur des menaces qui se profilent à l’horizon », a déploré M. Ellwood, selon la BBC. « Des fonds sont nécessaires immédiatement pour annuler la réduction des effectifs », notamment au sein de la British Army. Et l’on n’est pas loin de penser la même chose sur les bancs de l’opposition.

« Avec la guerre en Europe et les menaces croissantes, la Grande-Bretagne doit relancer ses dépenses militaires maintenant et non esquiver les décisions difficiles jusqu’à la fin de la décennie. Personne ne pense que le Premier ministre sera là pour tenir cet engagement en 2030 », a ainsi estimé John Healey, expert des questions militaires du Parti travailliste.

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