La Russie menace la Lituanie de représailles pour avoir bloqué le transit de marchandises vers Kaliningrad

Coincée entre la Pologne et la Lituanie et séparée de la Biélorussie par le passage de Suwalki, seule voie d’accès des trois États baltes au reste des pays membres de l’Union européenne [UE] et de l’Otan, l’enclave de Kaliningrad est importante pour la Russie pour au moins deux raisons. En effet, ce territoire est un symbole de la victoire sur l’Allemagne nazie [il s’appelait naguère « Koenigsberg »] tout en étant l’un des derniers vestiges de la période soviétique. Et sa possession permet à la Russie de consolider sa position militaire dans la région de la Baltique, via notamment le déploiement de capacités de déni et d’interdiction d’accès [A2/AD].

Étant donné sa position géographique, la seule voie d’accès terrestre pour accéder à cette enclave passe par la Lituanie, qui, par ailleurs, abrite l’un des quatre groupes tactiques mis en place par l’Otan au titre de sa présence avancée réhaussée [eFP]. Sinon, elle est aussi accessible par bateau [ou par avion], via la Baltique.

L’une des craintes des autorités russes est que Kaliningrad puisse faire l’objet d’un blocus en cas de conflit. Ce qui explique, en partie, sa militarisation. Or, depuis le 17 juin, Vilnius interdit aux marchandises russes visées par des sanctions de l’UE [charbon, matériaux de construction, métaux, bien technologiques] de transiter par son territoire. Et l’entrée en vigueur de cette décision a été immédiate.

Or, le 6 avril, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Alexander Grouchko, avait mis en garde contre « toute action potentielle » susceptible d’être tentée contre Kaliningrad. « J’espère vraiment que le bon sens en Europe ne permettra pas que des jeux soient lancés autour de Kaliningrad. […] Je pense que beaucoup comprennent que ce serait jouer avec le feu », avait-il confié à l’agence Tass.

Aussi, la réaction du ministère russe des Affaires étrangères n’aura pas tardé. « Nous avons réclamé [à la Lituanie] la levée immédiate de ces restrictions », a-t-il fait savoir, ce 20 juin. Et si le passage des marchandises « n’est pas rétabli en totalité, alors la Russie se réserve le droit d’agir pour défendre ses intérêts nationaux », a-t-il prévenu, avant d’indiquer qu’il avait convoqué le chargé d’affaires lituanien en poste à Moscou.

En outre, la diplomatie russe a dit considérer la décision de Vilnius comme « ouvertement hostile » étant donné que, selon elle, elle « viole les obligations juridique internationales de la Lituanie, à savoir la déclaration conjointe de 2002 de l’UE et de la Fédération de Russie sur le transit entre la région de Kaliningrad et le reste de la Fédération de Russie ».

De son côté, et dénonçant une « décision sans précédent », le Kremlin, via son porte-parole, Dmitri Peskov, estime que la « situation est plus que sérieuse » et qu’une « analyse approfondie est nécessaire pour élaborer les répliques ». Reste à voir les mesures de rétorsion qu’est susceptible de prendre la Russie, sachant qu’elle ne peut plus utiliser « l’arme » du gaz, la Lituanie s’en étant affranchie grâce au gazoduc GIPL [Gas Interconnection Poland-Lithuania].

Quoi qu’il en soit, la Lituanie soutient qu’elle ne fait qu’appliquer les sanctions décidées par l’UE contre la Russie après son invasion de l’Ukraine. La décision de Vilnius a été prise « en consultation avec la Commission européenne et conformément à ses directives », a déclaré Gabrielius Landsbergis, le ministre lituanien des Affaires étrangères.

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