Bientôt un « smartphone » dans le paquetage des soldats français?

A-t-on surestimé les capacités russes en matière de guerre électronique? Ainsi, en 2019, la Défense belge avait décidé de restreindre l’usage du téléphone portable pour ses soldats déployés en Estonie pour des raisons tenant à la sécurité opérationnelle [SECOPS]. En cause? Les applications de géolocalisation, susceptibles de mettre en danger une opération militaire. Mais pas seulement.

Lors de l’exercice Polaris 21, organisée fin novembre par la Marine nationale, il aura suffi qu’un seul téléphone portable ait « borné » à proximité d’une antenne relai pour couler fictivement un navire alors en navigation côtière. Et les exemples de ce type sont nombreux… [on pourrait également citer le cas d’une batterie de défense aérienne Pantsir-1 syrienne, détruite par une frappe israélienne, à cause d’un « smartphone » resté allumé, ou encore celui d’une expérimentation – édifiante – de l’armée belge…]

Or, en Ukraine, on nous explique au contraire que le « smartphone » est une arme… en particulier pour les civils. « Tutos de cocktail Molotov sur Twitter, cours de conduite de tank sur TikTok, astuce barricades sur Facebook : les réseaux sociaux sont devenus d’inattendus alliés des civils entrés en résistance contre l’invasion russe », a en effet récemment résumé Le Figaro.

À noter, cependant qu’Internet fonctionne encore en Ukraine en partie grâce aux satellites Starlink mis en orbite par l’entreprise américaine SpaceX, dirigée par Elon Musk. Cette constellation permet en effet aux zones mal desservies par les réseaux fixes et mobiles d’avoir un accès au réseau…

Cet usage du téléphone portable va-t-il inspirer l’armée française? « Soldats et citoyens font la guerre avec leurs smartphones en Ukraine », a ainsi relevé la Croix. Et, a confié un officier au quotidien, « c’est une des leçons. Dans les réseaux sociaux, l’efficacité vient de l’initiative individuelle. Il va falloir intégrer ces technologies duales, civiles avec des applications militaires ».

L’usage d’un « smartphone » sur le champ de bataille permettrait de nombreuses applications, comme l’a précisé une « haut gradé » français à Europe1. « La technologie est partout et le smartphone est devenu un outil de combat. Évidemment, il faudra le sécuriser sur un réseau autonome » mais « il pourrait être utilisé sur le terrain pour faire de la lutte informationnelle, prendre en photo des cibles, faire de la télémédecine d’urgence pour les blessés ou encore investir le champ cyber ».

Quoi qu’il en soit, de tels usages ont déjà été évoqués par le passé. Ainsi, en 2009, l’US Army avait même encouragé ses troupes à utiliser des iPod Touch et des iPhone en Afghanistan afin de bénéficier de certaines applications, notamment les outils de traduction. Et Raytheon avait même lancé, à l’époque, le RATS [Raytheon Android Tactical System], un dispositif qui, basé sur le système d’exploitation Android, devait permettre à un soldat de recevoir sur son téléphone des données tactiques, voire des images transmises par un drone ou un satellite, via une liaison chiffrée. Le prix annoncé était alors de 500 dollars.

Dans la même veine, et grâce à l’innovation participative, le ministère des Armées s’est doté du système Auxylium pour les soldats engagés dans la mission intérieure [MISSINT] Sentinelle. Cette solution, qui repose sur une « smartphone » Android amélioré, un modem dédié [le « boîtier Helium »] et des « bulles de communication privée », vise à remédier à la saturation éventuelle des réseaux téléphoniques classiques en cas d’attentat.

Photo : Raytheon

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