Bamako va enquêter sur le charnier de Gossi et accuse l’armée française d’espionnage et de subversion

Le 21 avril, l’État-major des armées [EMA] a dit avoir contré une nouvelle attaque informationnelle contre la force Barkhane, après que celle-ci a transféré la base opérationnelle avancée [BOA] de Gossi aux Forces armées maliennes [FAMa] dans le cadre de sa « ré-articulation » au Sahel.

Pour rappel, redoutant justement une possible manipulation, Barkhane avait pris la précaution d’envoyer un drone au-dessus de Gossi. Et celui-ci a pris des images montrant des « soldats de type caucasien », appartenant très vraisemblablement au groupe paramilitaire Wagner, enterrer sommairement des cadavres provenant, a priori, d’une opération menée par les FAMa et leurs soutiens russes à Hombori, quelques jours plus tôt.

En montrant ces images à quelques médias [avant d’autoriser leur diffusion par France24], il s’agissait pour l’EMA de tuer dans l’oeuf une opération de désinformation qui commençait alors à être relayée via les réseaux sociaux par de faux profils, ceux-ci accusant Barkhane d’avoir laissé ce charnier après la rétrocession de la BOA de Gossi aux FAMa.

Visiblement, la communication de l’EMA autour de cette affaire n’a pas été du goût de la junte malienne… Et celle-ci a réagi en trois temps.

En premier lieu, le 22 avril, l’état-major malien a indiqué avoir découvert un « charnier, non loin du camp anciennement occupé par la force française Barkhane ». Et d’ajouter que « l’état de putréfaction avancée des corps indique que ce charnier existait bien avant la rétrocession » et que les FAMa ne saurait en être responsables.

Puis, quatre jours plus tard, la justice militaire malienne a annoncé, « instruction du ministère [malien] de la Défense », l’ouverture d’une enquête sur ce charnier découvert à Gossi. « L’opinion sera tenue régulièrement informée de l’évolution de l’enquête, dont les résultats seront rendus public », a-t-elle assuré, via un communiqué.

Enfin, le dernier acte a eu lieu peu après, quand la junte malienne a en quelque sorte reproché à Barkhane d’avoir déjoué cette tentative de manipulation en envoyant un drone au-dessus de Gossi. En effet, elle a accusé l’armée français « d’espionnage » et de « subversion », via des vols de ses aéronefs « non autorisés » dans l’espace aérien du Mali.

Les autorités maliennes ont « constaté depuis le début de l’année plus de cinquante cas délibérés de violation de l’espace aérien malien par des aéronefs étrangers, notamment opérés par les forces françaises », ainsi affirmé le colonel Abdoulaye Maïga, ministre de l’Administration territoriale et porte-parole du gouvernement de transition, via un communiqué lu à la télévision nationale malienne.

« Un des cas les plus récents a été la présence illégale d’un drone des forces françaises, le 20 avril 2022, au-dessus de la base de Gossi », transférée la veille aux FAMa, a poursuivi le colonel Maïga. « Ledit drone était présent […] pour espionner nos vaillantes FAMa. Outre l’espionnage, les forces françaises se sont rendues coupables de subversion en publiant [de] fausses images montées de toutes pièces afin d’accuser les FAMa d’être les auteurs de tueries de civils, dans le but de ternir [leur] image », a-t-il accusé.

Ce qu’affirme le ministre malien est factuellement faux : l’EMA a surtout souligné le rôle des paramilitaires de Wagner dans cette affaire du charnier de Gossi et non celui des FAMa…

Quoi qu’il en soit, ces accusations portées par la junte malienne à l’endroit de Barkhane ne sont pas surprenantes… Le chef d’état-major des armées [CEMA], le général Thierry Burkhard, s’y attendait. « Il y a également des manoeuvres de déstabilisation qui peuvent être conduites. On a actuellement le groupe de mercenaires Wagner, déployé en accord avec les autorités maliennes, qui évidemment cherche, ou va chercher, à nous compliquer la tâche. C’est ça que l’on va devoir prendre en compte. Je pense néanmoins que c’est quelque chose qui est à notre portée », avait-il prévenu, quelques jours après l’annonce du retrait des forces françaises du Mali.

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