La Moldavie craint d’être dans le collimateur de la Russie après de mystérieuses explosions en Transnistrie

En 2014, et alors que le commandant suprême des forces alliées en Europe [SACEUR], qui était le général américain Philip Breedlove à l’époque, avait estimé que la Moldavie risquait de se trouver bientôt dans le collimateur de la Russie et que la Transnistrie, une région séparatiste pouvait être annexée à l’instar de la Crimée, un haut responsable russe, Dmitri Rogozine, avait prévenu : « Je veux dire à tous qui ne pensent pas comme nous: il ne faut pas mettre son nez dans [les affaires de la] république moldave du Dniestr [nom de la Transnistrie], il ne faut pas faire augmenter les tensions, parce qu’il y a des citoyens russes qui habitent là-bas ».

Et d’ajouter : « Il ne faut pas se demander si la Russie va défendre ses propres citoyens. Elle le fera sans hésitation. Ne testez pas notre patience, ni notre force » car « la Russie remplira son rôle historique: garantir la paix et la sécurité ».

Pour rappel, à peine venait-elle de proclamer son indépendance [août 1991], la Moldavie dut faire face à la sécession de la Transnistrie, majoritairement russophone. Ce qui donna lieu à un conflit qui prit fin avec l’intervention de 14e armée russe, commandée par le général Aleksandre Lebed. Un accord fut trouvé : Chisinau donnait une large autonomie à la « république moldave du Dniestr » et renonçait à tout rattachement à la Roumanie en échange de la « neutralité » de la Russie.

Depuis, au gré des alternances politiques, la Moldavie a exprimé le souhait de rejoindre l’Union européenne [un accord de libre échange est entré en vigueur en juillet 2016] et s’est rapprochée de l’Otan. De son côté, la Transnistrie est devenue de facto un État « indépendant » [mais non reconnu par la communauté internationale] tout en revendiquant une large proximité avec la Russie, laquelle y a maintenu une présence militaire. Qui plus est, elle est aussi une plaque tournante des trafics de tous les genres…

Il est dit que le chef du Kremlin, Vladimir Poutine, manoeuvre comme il joue aux échecs. Il semblerait cependant qu’il serait plus adepte du poker. C’est, en tout cas, ce que suggère sa tentative de s’emparer de Kiev dès les premiers jours de l’invasion de l’Ukraine, alors que, manifestement, ses forces armées ne s’en étaient pas données [ou n’avaient pas] les moyens. D’autant plus que l’opération héliportée tentée contre l’aéroport de Gostomel [situé à une trentaine de kilomètres de la capitale ukrainienne] a viré au fiasco…

Cependant, sur ce point, un responsable gouvernemental roumain a récemment confié à Air Force Mag ses interrogations sur la manoeuvre des forces russes, notant que celles-ci n’avaient pas déployé toutes leurs capacités [notamment en matière de guerre électronique. « Il y a un gros point d’interrogation : où est le reste? » a-t-il dit, suggérant que « la Russie gardait ses moyens les plus sophistiqués en réserve, pour un objectif différent, une autre opération censées venir ensuite ».

Cela étant, avant le déclenchement des hostilités, il semblait plus raisonnable pour les forces russes de se concentrer sur le Donbass ainsi que sur la région [russophone] d’Odessa. D’ailleurs, c’est désormais l’objectif affiché de la « seconde phase » de l’offensive russe, lancée la semaine passée. Quant à

« Depuis le début de la deuxième phase de l’opération spéciale, phase qui a commencé il y a deux jours, l’un des objectifs de l’armée russe est d’établir un contrôle total sur le Donbass et le sud de l’Ukraine », a a en effet confirmé le général Roustam Minnekaïev, commandant adjoint des forces du District militaire du Centre de la Russie, le 22 avril. « Cela permettra d’assurer un couloir terrestre vers la Crimée, ainsi que de peser sur des infrastructures vitales de l’économie ukrainienne, les ports de la mer Noire à travers lesquelles se font les livraisons de produits agricoles, métallurgiques », a-t-il continué.

Mais pas seulement. « Le contrôle du sud de l’Ukraine, c’est également un couloir vers la Transnistrie, où on observe également des cas d’oppression de la population russophone », a affirmé le général Minnekaïev, comme en écho aux propos tenus huit ans plus tôt par M. Rogozine…

De quoi inquiéter le gouvernement moldave, qui a convoqué l’ambassadeur de Russie en poste à Chisinau pour lui exprimer « sa profonde préoccupation » après les déclarations du général Minnekaïev. Déclarations qu’il « considère comme infondées et contradictoires avec le soutien de la Russie à la souveraineté et à l’intégrité territoriale » de la Moldavie.

Seulement, deux incidents se sont depuis produits en Transnistrie. Le 25 avril, le siège du ministère de la Sécurité publique de la république moldave du Dniestr, à Tiraspol, a été visé par une attaque au lance-grenades, sans faire de victimes. Les autorités locales ont décidé « d’introduire un niveau d’alerte rouge à la menace terroriste ».

Puis, le lendemain, située à une cinquantaine de kilomètres de Tiraspol, à Maïak, un émetteur radio relayant des fréquences russes a été mis hors service après avoir été la cible de deux explosions. À l’heure où le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, parle d’un « risque réel de troisième guerre mondiale », on ne peut pas s’empêcher de penser que la seconde avait débuté par la [fausse] attaque du relai radio de Gleiwitz [alors en territoire allemand], ce qui avait justifié l’invasion de la Pologne….

Quoi qu’il en soit, à l’issue d’une réunion du conseil de sécurité nationale, la présidente moldave, Maia Sandu, a lancé un appel au calme. « Il s’agit d’une tentative pour accroître les tensions. […] Nous appelons nos concitoyens à rester calmes et à se sentir en sécurité », a-t-elle déclaré, avant d’annoncer des mesures visant à renforcer les patrouilles frontalières et les contrôles dans les transport.

En attendant, les explosions de Maïak et l’attaque du ministère de la Sécurité publique à Tiraspol sont, pour le moment, inexpliquées…

Photo : archive

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