L’Allemagne va investir 152 millions d’euros pour armer ses drones MALE Heron TP

C’est l’aboutissement d’une longue saga. En juillet 2016, le ministère allemand de la Défense annonça son intention de louer cinq systèmes de drones MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] Heron TP [ou Eitan] auprès du groupe israélien IAI, pour 580 millions d’euros.

Dans un premier temps, cette décision fut contestée par le constructeur américain General Atomics, qui voyait s’échapper une occasion de placer son MQ-9 Reaper. Et l’affaire fut portée devant la justice. Mal lui en prit puisque l’Office fédéral des ententes le débouta, de même que le tribunal de Düsseldorf. On pensait alors que l’horizon s’était dégagé pour le Heron TP.

Sauf que les députés du Parti social-démocrate [SPD] refusèrent de voter les crédits nécessaires à la location des drones israéliens avant les élections législatives de 2017. Notamment parce que le contrat, tel qu’il avait été négocié à l’époque, prévoyait une clause confidentielle portant sur l’achat potentiel d’une soixantaine de missiles air-sol destinés à armer les Heron TP destinés à la Bundeswehr. Or, pour ces parlementaires, il n’était pas question d’armer ces drones…

Il fallut encore des mois de négocations pour trouver un accord entre les sociaux-démocrates et les chrétiens démocrates [de la CDU/CSU], pourtant membres de la même coalition gouvernemntale. Ainsi, la location des drones Heron TP fut approuvée en juin 2018, à la condition d’examiner ultérieurement la question de leur armement éventuel, à l’issue d’un débat. À noter que, sur ce point précis, les écologistes [Bündnis 90 / Die Grünen] y étaient farouchement opposés.

Le débat promis eut lieu… Et alors qu’il semblait avoir été tranché en faveur de l’armement de ces Heron TP, les sociaux-démocrates firent savoir qu’ils s’opposeraient à l’acquisition des munitions nécessaires. « La frontière entre défendre la vie de nos soldats et tuer avec un joystick est extrêmement mince », fit valoir Norbert Walter-Borjans, l’un de leurs chefs de file.

« Je ne comprends absolument pas. Nous avons eu un long débat public détaillé et tous les arguments sont sur la table depuis longtemps. Si le président du SPD l’a manqué, alors je suis inquiet », avait alors réagi le lieutenant-colonel André Wüstner président de l’Association des forces armées allemandes.

On en était là quand arrivèrent les élections législatives de 2021. Les sociaux-démocrates, les écologistes et les libéraux s’étant entendus pour former la coalition gouvernementale « tricolore », le sort de la question de l’armement des futurs Heron TP de la Bundeswehr paraissait scellé… Bizarrerie de la vie politique, il n’en fut rien. Ou du moins, pas dans le sens que l’on croyait puisque l’accord trouvé entre les trois partis prévoyait de doter les forces allemandes de drones armés… mais avec des conditions d’emploi très encadrées.

Aussi, la prise de conscience suscitée, outre-Rhin, par l’invasion de l’Ukraine par la Russie n’a rien à voir avec la décision que vient de prendre le Bundestag [chambre basse du Parlement, ndlr] ce 6 avril. Au plus a-t-elle été confortée. En effet, les députés de la commission de la Défense ont approuvé la demande du gouverment consistant à acquérir 140 missiles pour armer les drones Heron TP, dont 60 à des fins d’entraînement. Le tout pour 152,6 millions d’euros. Il aura donc fallu au moins six ans pour arriver à une telle décision…

D’après l’agence Bloomberg, un projet de résolution que doit examiner la commission du Budget [qui aura aussi son mot à dire] indique, notamment, que les drones armés ne pourront être utilisés au combat que si le Bundestag l’a explicitement approuvé.

« L’utilisation de drones armés est soumise à des limites internationales et constitutionnelles ainsi qu’aux limites imposées par le Bundestag. […] L’utilisation de drones n’est autorisée que pour combattre des ‘cibles légitimes’ au sens du droit international humanitaire », est-il précisé dans ce projet de résolution.

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