La République tchèque a livré d’anciens chars T-72 à l’Ukraine

Les relations entre Prague et Moscou ont souvent été marquées par une certaine ambiguïté. Même si ses pouvoirs se limitent à une rôle de représentation, le président Milos Zeman a récemment encore été sous le feu des critiques pour ses positions pro-russes [et aussi pro-chinoises], au point d’être qualifié de « marionnette de Vladimir Poutine [le chef du Kremlin] » par ses détracteurs. En outre, le gouvernement d’Andrej Babiš s’est montré plutôt bien disposé à l’égard de la Russie, allant jusqu’à envisager de se procurer de vaccins anti-covid19 « Sputnik V »…

Mais la situation a radicalement changé après les révélations sur le rôle tenu par le GRU – le renseignement militaire russe – dans l’explosion de deux dépôts de munitions sur le territoire tchèque, en 2014. Ce qui a alors provoqué une crise diplomatique entre Prague et Moscou…

Puis, en août 2021, le président Zeman s’en est pris à l’Otan [il n’a pas été le seul dirigeant occidental à le faire…] après le retrait d’Afghanistan et la conquête de Kaboul par les talibans. « La méfiance envers l’Otan d’un certain nombre de pays membres augmentera après cette expérience car ils diront : ‘si vous échouez en Afghanistan, où est la garantie que vous n’échouerez dans aucune autre situation critique' », avait-il ainsi prophétisé dans un entretien publié, à l’époque, par le site Parlament nilisty.

Désormais, après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ces critiques à l’endroit de l’Otan sont de l’histoire ancienne… De même que le gouvernement de M. Babiš, qui a dû céder son fauteuil de Premier ministre à Petr Fiala, conservateur pro-UE et chef de file de la coalition qui remporta les élections législatives d’octobre 2021.

« Il y a quelques jours, j’ai dit que les Russes n’étaient pas fous et qu’ils n’attaqueraient pas l’Ukraine. J’avoue que j’avais tort […]. Le fou doit être isolé. Et il s’agit de ne pas s’en défendre uniquement par des mots, mais par des mesures concrètes », a ainsi estimé Milos Zeman, qui avait été l’un des rares chefs d’État européens à se rendre à Moscou pour le 70e anniversaire de la fin de la « Grande guerre patriotique », en 2015.

Et c’est ce que fait justement Petr Fiala. Avec ses homologue slovène et polonais, il s’est rendu à Kiev, le 16 mars, pour y rencontrer Volodymyr Zelenski, le président ukrainien. « Les décisions prises par les pays de l’UE et de l’Otan fonctionnent : les sanctions causent préjudice à la Russie et notre soutien militaire et humanitaire aide l’Ukraine », a-t-il déclaré à cette occasion.

Et d’ajouter : « Mais ce qui est le plus important et ce qui a essentiellement freiné l’agresseur russe c’est le courage des Ukrainiens. Si Poutine est bien surpris par une chose, c’est certainement par le combat héroïque des Ukrainiens mais aussi par l’unité des pays de l’UE et de l’Otan qui montrent qu’ils sont derrière l’Ukraine ».

Lors de ce déplacement à Kiev, M. Fiala a indiqué avoir discuté avec les reponsables ukraniens dont ils auraient besoin pour contrer l’invasion russe. Ne pouvant pas fournir les avions de combat réclamés par le président Zelenski, la République tchèque a donc décidé de livrer des chars T-72 ainsi que des véhicules de combat d’infanterie BVP-1 aux forces ukraniennes. Et cela, via un accord négocié dans le cadre de l’Otan. Mais on ignore le nombre de véhicules concernés.

Révélée dans un premier temps par la presse locale et le Wall Street Journal, ce transfert d’équipements militaires a été confirmé – à demi-mots – par Jana Černochová, la ministre tchèque de la Défense, le 5 avril. « Je ne veux pas faire la cachotière mais vous comprendrez tous que pour des raisons de sécurité je ne veux pas dévoiler aux Russes les détails des livraisons de notre matériel militaire, a-t-elle dit. Cependant, a-t-elle aussi affirmé, « La République tchèque […] aide l’Ukraine autant qu’elle le peut et continuera à l’aider en [fournissant] du matériel militaire, à la fois léger et lourd ».

L’armée tchèque n’a jamais été en mesure de remplacer ses chars T-72, hérités de la période soviétique. Si, pendant un temps, l’achat de Leopard 2 auprès de l’Allemagne a pu être considéré, elle n’a pu que se permettre de moderniser seulement une trentaine d’exemplaires [portés au standard T-72M4CZ]. En outre, elle aurait 20 T-72M1 en service et 60 autres exemplaires mis en réserve. Quant aux blindés BVP-1, de facture russe, ils ont également mis sous cocon.

Évidemment, il est peu probable que Prague ait envoyé en Ukraine ses T-72 modernisés. D’autant plus que ceux-ci devraient être prochainement déployés en Slovaquie, où l’armée tchèque prendra la tête du groupement tactique que l’Otan va mettre en place.

À noter que l’effort de la République tchèque sera relativement important puisqu’elle envisage d’envoyer jusqu’à 650 soldats en Slovaquie, alors que ses forces armées n’en comptent qu’environ 25’000.

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