Le fonds de 100 milliards d’euros annoncé par Berlin profitera surtout aux forces aériennes allemandes

Une force aérienne allemande [Luftwaffe] « au plus bas ». Tel était le constat dressé en juin 2018 par son chef d’état-major, le général Ingo Gerhartz, qui venait alors de prendre ses fonctions. Et de déplorer le [très] faible taux de disponibilité des aéronefs [avec, par exemple, seulement 39 Eurofighter EF-2000 en état de vol sur 128], le manque de pièces de rechange et des délais industriels beaucoup trop longs.

À l’époque, le général Gerhartz bataillait pour obtenir davantage de crédits, alors que la coaliton gouvernementale, alors dirigée par Angela Merkel, se déchirait sur la hausse du budget devant être alloué à la Bundeswehr [forces armées allemandes, ndlr]. À l’époque, le ministre des Finances, un certain Olaf Scholz, n’était pas le plus disposé à augmenter significativement les dépenses militaires allemandes.

Depuis, le contexte a radicalement changé, sous l’effet de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Désormais devenu chancelier, M. Scholz a bien été obligé de changer son fusil d’épaule. Le 27 février, il a ainsi annoncé la création d’un fonds de défense doté de 100 milliards d’euros pour remédier aux carences de la Bundeswehr, dont le budget annuel devrait être progressivement porté à environ 70 milliards [soit l’équivalent de 2% du PIB].

Selon des informations obtenues par l’agence Reuters, cette manne devrait profiter essentiellement à la Luftwaffe. En effet, il est question que celle-ci obtienne 40% du fonds de défense annoncé par M. Scholz. Soit 40 milliards d’euros, un montant comparable au budget alloué au ministère français des Armées en 2022.

Cette somme permettra à la Luftwaffe d’acquérir sans problème la trentaine de chasseurs-bombardiers F-35A dont elle a besoin pour maintenir sa participation au partage nucléaire de l’Otan [il n’est pas impossible qu’elle en commande même davantage] ainsi que des capacités de guerre électronique. En outre, elle pourra investir dans le Système de combat aérien du futur [SCAF], le programme mené en coopération avec la France et l’Espagne. Et si l’Allemagne est en mesure de commander plus d’exemplaires que ses deux autres partenaires, il faudra probablement s’attendre à de nouvelles difficultés au niveau de la conduite de ce projet, toujours suspendu à un accord entre Dassault Aviation et les filiales allemande et espagnole d’Airbus. Mais l’un des chantiers les plus importants sera sans doute celui de la défense antimissile.

Le chef d’état-major de la Bundeswehr, le général Eberhard Zorn, a estimé qu’elle était plus que jamais nécessaire pour prémunir l’Allemagne contre les missiles Iskander, déployés dans l’enclave russe de Kaliningrad. « Les Israéliens et les Américains possèdent de tels systèmes [antimissiles]. Lequel préférons-nous ? Parviendrons-nous à mettre en place un système global [de défense antimissile] au sein de l’Otan ? Ce sont les questions auxquelles nous devons répondre maintenant », a-t-i dit, dans un entretien publié par le Welt am Sonntag, ce 2 avril.

« Jusqu’à présent, une seule chose est claire : nous n’avons ni le temps ni l’argent pour développer ces systèmes par nous-mêmes car la menace des missiles est connue pour être déjà là », a ajouté le général Zorn. D’où l’intérêt de Berlin pour le THAAD américain et l’Arrow-3 israélien.

« À propos des matériels que nous achetons aux États-Unis, pour moi, ce qui est très important, c’est d’avoir des capacités […]. Donc, quand nous avons besoin de matériels, qu’est-ce que nous faisons? Eh bien nous regardons ce qui existe sur le marché et ce que nous pouvons acheter tout prêt. Et lorsque nous ne le trouvons pas, nous lançons éventuellement un projet de développement », avait eu déjà eu l’occasion d’expliquer le général Zorn, lors d’une audition devant les députés français, l’an passé.

Par ailleurs, s’agissant des 100 milliards d’euros du fonds de défense, le général Zorn a fait valoir que ce montant ne doit rien au hasard. « Au début de la législative, nous avons réfléchi aux projets d’armement à privilégier. Nous somme arrivé à cette somme. La crise ukranienne a renforcé la prise de conscience sur la nécessité de mieux équiper la Bundeswehr. C’est clair pour moi : ce fonds spécial servira exclusivement à cela et il ne sera ni destiné aux indemnités du personnel ni à la mise en œuvre d’un concept de sécurité étendu », a-t-il dit.

Selon Reuters, via ce fonds spécial, les forces terrestres allemandes obtiendront environ 17 milliards quand la Deutsche Marine devra se contenter de 10 milliards. Enfin, 27 milliards serviront à améliorer les capacités de commandement et de contrôle.

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