Faute d’accord industriel, l’étude d’architecture du futur char franco-allemand sera encore prolongée de six mois

Un projet qui « avance » tout en faisant du surplace. Tel est le curieux concept du Main Ground Combat System [MGCS], le programme franco-allemand qui doit déboucher sur un char de combat de nouvelle génération appelé à remplacer le Leclerc et le Leopard 2.

En effet, à l’antenne de BFM Business, ce 14 mars, le Délégué général pour l’armement [DGA], Joël Barre, assuré que ce programme, conduit sous l’autorité Bundesamt für Ausrüstung, Informationstechnik und Nutzung der Bundeswehr [BAAINBw, équivalent allemand de la DGA française] avançait malgré les désaccords entre les industriels impliqués, dont KDNS [la co-entreprise formée par Nexter Systems et Krauss Maffei Wegmann] et Rheinmetall.

« Le projet avance, […], certes pas à une vitesse extraordinaire comme sans doute le souhaiteraient certains. Mais il avance », a affirmé M. Barre. Pourtant, juste avant, il avait expliqué que l’étude d’architecture du MGCS, « engagée au début de l’année 2020 » [en mai 2020 exactement, ndlr], était encore en cours et qu’elle allait être « poursuivie jusqu’au début de l’année prochaine »… le temps de « mettre au point l’organisation industrielle qui sera celle de la phase de développement et de réalisation ».

En clair, cette étude d’architecture, appelée « SADS Part 1 », sera prolongée jusqu’au début de l’année 2023. Or, initialement, elle aurait dû s’achever en janvier 2022.

Mais comme il apparut que cette échéance ne serait pas tenue, faute d’accord entre les industriels concernés, M. Barre assura, lors des auditions parlementaires de l’automne dernier, qu’elle prendrait fin d’ici l’été 2022.

« Nous poursuivons l’étude d’architecture d’ensemble du système, lancée début 2020. Elle devait s’achever début 2022, mais sera prolongée jusqu’à l’été, le temps de finaliser l’organisation industrielle nécessaire à l’engagement des travaux technologiques. Après la création de l’alliance industrielle KMW + Nexter Defense Systems [KNDS] en 2016, il nous a fallu, à la demande de l’Allemagne, intégrer Rheinmetall. L’organisation n’étant toujours pas consolidée, nous avons besoin d’un délai supplémentaire pour y parvenir, d’où la prolongation de l’étude d’architecture système », avait en effet expliqué le DGA aux députés.

La ministre des Armées, Florence Parly, avait ensuite confirmé ce décalage de six mois. « La balle est dans le camp des industriels allemands, en particulier dans [celui] de Rheinmetall. […] Donc, ces industriels allemands doivent trouver entre eux les conditions d’un accord pour se répartir les tâches et les travaux », avait-elle insisté, devant les députés, en décembre dernier.

Pour rappel, le MGCS repose sur un partage des tâches à 50-50 entre les industriels français et allemands. La création de KNDS visait à répondre à cet objectif… Seulement, l’arrivée de Rheinmetall dans le programme a rompu cet équilibre. D’où les difficultés actuelles.

Par ailleurs, M. Barre s’est félicité de la hausse significative des dépenses militaires allemandes, annoncée le 27 février dernier et confirmée ce 14 mars. Dès 2022, celles-ci s’éleveront à 50 milliards d’euros [soit 9 milliards de plus que le budget du ministère français des Armées] pour être ensuite progressivement portées à plus de 2% du PIB [soit près de 80 milliards d’euros], grâce à un fonds exceptionnel de 100 milliards. Quelles seront les conséquences sur les projets menés en coopération? « Quand les types de 130 kilos disent certaines choses, les types de 60 kilos les écoutent », faisait dire Michel Audiard à Jean-Paul Belmondo, dans le film « Cent Mille Dollars au soleil ».

Quoi qu’il en soit, les blocages actuels, qui concernent également le l’avion de combat du SCAF [Système de combat aérien du futur], avec un désaccord fondamental entre Dassault Aviation et Airbus, pourraient aboutir un échec. Une hypothèse que n’écarte pas le général Pierre Schill, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], qui a récemment évoqué un programme « franco-français« . Les députés Jean-Louis Thiériot et Patricia Mirallès ont également évoqué un tel scénario, dans leur rapport sur la « haute intensité ».

« Aucun accord équilibré n’a pu être trouvé à ce stade. Il n’est donc pas exclu que la France soit placée dans l’obligation de financer ce projet seule, ce qui pourrait se traduire par une révision à la baisse de ses ambitions opérationnelles », ont-ils en effet prévenu.

Photo : Nexter

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]