SCAF : Dassault Aviation n’exclut pas, a priori, de développer seul un nouvel avion de combat

Pour le développement de l’avion de combat de nouvelle génération [NGF – New Generation Fighter] qui sera au centre du Système de combat aérien futur [SCAF, décrit comme étant un « système de système », ndlr], Dassault Aviation, désigné maître d’oeuvre, a dû faire beaucoup de concessions à Airbus, impliqué dans ce pilier via ses filiales allemande et espagnole, afin de parvenir à un accord ouvrant la voie à un démonstrateur.

Ainsi, l’industriel français a accepté qu’environ 50% des tâches spécifiques se fassent sans responsable désigné [c’est dire qu’elles associeront les trois acteurs du pilier « avion de combat »] et que l’autre moitié soit partagés selon la règles des trois tiers, dont deux tiers revenant à Airbus grâce à ses deux filiales.

Cependant, Dassault Aviation n’a jamais voulu transiger sur les leviers devant lui permettre d’assurer ses fonctions de maître d’oeuvre. Et, par conséquent, il revendique d’avoir la mainmise sur les commandes de vol, l’architecture fonctionnelle, l’interface homme-machine et la furtivité du NGF. Et cela, sans céder sur sa propriété intellectuelle. Or, Airbus ne l’entend pas ainsi. Ce qui fait que l’accord qui aurait dû être signé l’an passé ne l’est toujours pas. Ce qui agace Éric Trappier, le Pdg du constructeur français.

« Quelque part, je pense que l’on a suffisamment fait d’efforts pour que, maintenant, on puisse y aller », a-t-il lancé, lors de la conférence de presse donnée le 4 mars pour présenter les résultats – excellents – de Dassault Aviation pour l’année 2021.

« Avec la France qui est leader sur le contrat, Dassault Aviation est prêt à signer. On a fait tout ce qu’il fallait pour pouvoir signer avec Airbus. J’attends la signature d’Airbus », a fait valoir M. Trappier. Et d’insister : « En 2022, il va falloir statuer, on ne peut pas rester l’arme au pied, à un moment donné on dit oui ou on dit non ».

Lors de cette conférence de presse, M. Trappier n’a pas évoqué le plan B qu’il avait ébauché lors d’une audition au Sénat, en mars 2021. Mais il s’est rattrapé, lors d’un entretien donné à BFM Business, le 7 mars.

Ainsi, l’impatience qu’il avait manifestée trois jours plus tôt n’a visiblement pas suscité de réaction chez les dirigeants d’Airbus, M. Trappier ayant assuré ne pas avoir eu de contact avec ces derniers depuis. « Il est temps maintenant de signer le contrat et non pas de rediscuter en permanence pour remettre en cause la responsabilité d’achitecte et de maître d’oeuvre de Dassault », a-t-il de répété.

À la question de savoir si le NGF se trouvait dans un « cul de sac », M. Trappier a répondu que, « en tout cas, on n’a pas d’accord aujourd’hui ». Et de prévenir : « Il y aura un plan B si jamais la situation ne se dénoue pas ».

« Ce que je dis aujourd’hui […] : concentrons-nous déjà sur le fait qu’il va falloir augmenter un certain nombre d’efforts dans la défense, c’est ce qu’a dit le président [et certains de ses concurrents à l’élection présidentielle également, ndlr], compte tenu des menaces qui ne sont pas des menaces pour 2045 mais qui sont des menaces pour les années qui viennent », a enchaîné le Pdg de Dassault Aviation.

Quant au plan B, « vous le verrez le jour où on l’annoncera » car « pour l’instant, je le garde pour moi », a affirmé M. Trappier. Ce qui suggère qu’il s’est fait une raison sur la coopération avec Airbus au sujet du NGF…

« Il y a toujours un plan B dans une industrie responsable. Ce n’est pas une menace. C’est une réalité. La réalité, c’est que si vous n’arrivez pas à avancer d’un côté, vous passez par un autre côté », a-t-il ensuite développé. Et, a priori, Dassault Aviation n’exclut pas de réaliser cet avion de combat de nouvelle génération en solo.

Ce plan B pourrait se réaliser avec « un autre partenaire, ou seul ou avec d’autres », a en effet affirmé M. Trappier, avant de mettre de nouveau la pression sur Airbus… et de laisser entendre que ce plan B est déjà sur les rails.

« La décision [concernant le NGF] aurait dû avoir été prise avant la fin de l’année dernière. Elle ne l’a pas été. La décision est prise de notre côté. Mais à un moment donné, il faut savoir agréer un accord ou pas. Donc, pour l’instant, il n’y a pas d’accord. Donc, les équipes [du bureau d’études, ndlr] commencent à aller faire autre chose. On ne va pas laisser les ingénieurs à ne rien faire », a insisté M. Trappier.

Avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les dépenses militaires françaises devraient progresser encore plus vite que ce que prévoyait initialement la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25… Ce qui pourrait donner des marges de manoeuvres pour financer le développement d’un nouvel avion de combat. Développement qui profiterait par ailleurs des nouvelles technologies en matière d’ingéniérie [jumeau numérique, par exemple]. En outre, les succès du Rafale à l’exportation donnent de nouvelles perspectives à Dassault Aviation, dont le chiffre d’affaires s’est établi à 7,23 milliards d’euros en 2021, contre 5,49 milliards un an plus tôt.

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